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Une lecture de Raconter l’école, au cours du siècle…

Dans le document Méandres d’éducation (Page 95-97)

J

’AI LURaconter l’école, au cours du siècle…(Ici, j’uti-

lise l’italique, mais dans une dissertation au bac de français, j’aurais bien évidemment souligné ce titre, impudente que je suis !)

Cet ouvrage m’a fait beaucoup cogiter ces derniers temps. S’il s’agit de témoignages et d’anecdotes de dix personnes qui ne sont pas de ma génération, ils font cependant écho en moi.

Si mes calculs, plus que ma mémoire, sont exacts, je suis entrée à l’école en 1979. Jamais je n’avais réa- lisé que sur les vingt-cinq années de ma vie, j’en avais passées vingt et une à l’école… Est-ce que cela compte dans les souvenirs d’école lorsqu’on se sou- vient du collège, du lycée et de la fac ? Tout ça, ce ne sont que d’autres écoles auxquelles j’ai pu aller parce que des réformes et des aides financières m’ont per- mis d’y accéder.

Petit bémol pour la fac. Ici, les souvenirs d’école ne sont plus vraiment ceux de l’enfance. Les découvertes de la vie sociale ne se cantonnent plus majoritaire-

ment à l’école. Mais on se plaît quand même à y être encore un peu protégé de la vie des grands…

Tout ça pour dire qu’avec ce parcours scolaire qui a commencé à l’âge de 3 ans, je n’aurai jamais le souve- nir de ma première rentrée des classes. Je suis tombée dedans quand j’étais petite. Pas d’aventures ou de nouveauté à vous raconter. La nouveauté, c’est que, maintenant, je ne vais plus à l’école.

Dans l’introduction de ce recueil de textes, Mar- tine Lani-Bayle se demande si les jeunes scolarisés d’aujourd’hui se souviendront des « babioles à la mode » ou du « racket ». Le racket ne faisait pas partie de la tendance de mes années d’école. Quant aux ba- bioles à la mode, elles se sont démodées si vite que j’en garde simplement l’impression qu’elles faisaient partie du jeu. Toujours le même. Ceux qui trouvaient le moyen de se les faire offrir les échangeaient contre les éternelles « babioles indémodables » (billes, goû- ters, exercices de maths…). Alors, quand tout le monde avait sa babiole, quelques leaders plus au fait

des nouveautés décidaient que ce mois-ci, on chan- geait de babiole.

Bien sûr, je pourrais vous en citer des babioles. Des autocollants qui représentaient les héros de la télé, des poupées blondes (celles avec les bras et les jambes qui se plient, sinon elles sont has been), ou des pe- luches moitié poupons moitié singes pour le pri- maire ; des « mains collantes » (sorte de gadgets élas- tiques vite interdits pour raison de sécurité), ou des crayons roses pour le collège ; des sacs à dos qu’on uti- lise comme cartables pour le lycée…

L’idée, c’était de tous se ressembler, peut-être était-ce une nostalgie inconsciente des uniformes ? Ce qui comptait vraiment, ce n’était pas les « ba- bioles », je crois que c’étaient plutôt les rituels qu’on mettait autour. D’ailleurs, ce qui m’a le plus marquée, c’est qu’à cause de ces rituels, j’avais toujours l’im- pression d’être « à côté de la plaque ». Ils détermi- naient ce qu’on appelait les « bien-vus » et les « mal- vus ».

À la lecture de Raconter l’école au cours du siècle…, j’ai retrouvé ce clivage. Interrogez les élèves d’aujour- d’hui, il me semble qu’ils en parleront aussi.

En comparant mes souvenirs à ceux des récits pro- posés, j’ai donc eu la sensation que la mini-société de l’école n’avait pas tant changé. Si l’on s’intéresse maintenant aux à-côtés de l’école à travers ces témoi- gnages scolaires, les choses deviennent, à mon sens, tout autres.

Par exemple, les évocations de la vie sous l’occupa- tion faites par d’anciens élèves ont plus pris sens pour moi qui aie été élève que tous les reportages histo- riques que j’ai pu voir. Peut-être que ce référent com-

mun de l’école comme moyen de transmission de l’histoire serait plus parlant pour beaucoup qu’une vi- sion des événements dans l’absolu.

Nous qui avons été scolarisés, en réfléchissant à ce que nous a apporté l’école, ne pouvons-nous pas comprendre la détresse des femmes afghanes pour qui le savoir n’est plus un droit élémentaire ? Nous qui avons pu fréquenter l’école aussi longtemps que nous l’avons choisi, ne pouvons-nous pas mesurer la chance que nous avons eu de ne pas en sortir à 12 ans pour travailler ?

Et si l’on racontait l’école pendant l’occupation avant de parler de Nüremberg ? Et si l’on racontait l’école en Algérie avant de parler des accords d’Évian ? Et si les témoignages de vrais enfants – pas de ceux qu’on invente et qui font le tour de la France de l’entre-deux guerres – étaient une solution pour sensibiliser les élèves ?

Quoi qu’il en soit, mes questions sont peut-être hors du propos, mais il est certain que cet ouvrage ne m’a pas laissée indifférente. Lorsque je lis l’émo- tion de ces textes, je me dis qu’il ne faut pas oublier ses années d’école : elles sont des années de vie. Il paraît que je ne suis pas la seule à avoir eu envie de me replonger dans mes souvenirs après cette lec- ture…

Tout ce qui me reste à vous suggérer, c’est d’en faire autant. Interroger les souvenirs d’école, c’est ap- prendre encore des choses des autres et des choses de soi. Pensez-y ! Bonne lecture et bons souvenirs !

Dans le document Méandres d’éducation (Page 95-97)