• Aucun résultat trouvé

H EUREUX D ’ ÊTRE DES ÉCOLIERS

Dans le document Méandres d’éducation (Page 31-33)

SELON SON STATUT SCOLAIRE

H EUREUX D ’ ÊTRE DES ÉCOLIERS

Cette notion de bonheur est prégnante tout au long du livre. En effet, parallèlement à cette absence de renseignement quant au lien entre le vécu scolaire et les apprentissages, j’ai ressenti une volonté de la part des auteurs de vouloir louer les mérites de l’école. Même s’il arrive à un ancien élève d’avoir de fâcheux souvenirs à propos d’une demoiselle un peu autori- taire qui lui aurait fait la classe, cet élève, aujourd’hui adulte, cherche à compenser ce sentiment de mal- être alors éprouvé en trouvant une justification voire un bénéfice à un tel acte.

Claude (p. 49) : « Je faisais partie des grandes et tombais sous la férule de cette chère miss T. […] Sa sévérité était légendaire et la plupart d’entre nous n’entrions pas dans sa classe sans appréhension. » Un peu plus loin, Claude ajoute (p. 50) : « Je sais que je lui dois beaucoup. […] Elle faisait de nous des jeunes filles “musclées” moralement et conscientes de leurs devoirs et de leurs responsabilités. […] En tout cas, il est certain que je lui dois aussi une grande partie de ce que je sais encore et le goût d’apprendre ce que je ne sais pas encore. » Toujours Claude (p. 84) : « Plus tard, malgré l’esprit tatillon de certaines religieuses et leur manque de chaleur humaine, je les estimais quand même pour leur enseignement qui me fut fort utile dans ma vie. » Ou encore Michelle (p. 125) : « À l’égard de nos maîtres, nous nourrissions un absolu respect et une admiration profonde. »

Les sentiments de reconnaissance que les anciens élèves éprouvent à l’égard de leurs enseignants sont tellement détaillés que les quelques déconvenues su-

bies sont peu développées. S’ensuit de temps à autre une certaine apologie du système éducatif et de ses représentants qui me laisse quelque peu dubitative, puisque encore aujourd’hui on cherche toujours à améliorer ce système.

Seul le dernier récit m’est apparu d’emblée plus in- triguant quant à la façon dont cette ancienne élève vi- vait sa scolarité. Elle commente dans son récit les conséquences néfastes que son jeu préféré surnommé « saute-moutons » a pu avoir sur sa vie d’adulte.

Françoise O.2(p. 183) : « Ce jeu consistait à sauter par-dessus l’obstacle que représentait le fait d’ap- prendre ses leçons […] tout en évitant la catastrophe, à savoir récolter un zéro tout au long de l’année. Voilà pourquoi j’ai raté mon bac. Car mon bagage scolaire avait une certaine similitude avec le fromage de gruyère. Il avait des trous… Et pourtant c’est un ex- cellent fromage ! » Ainsi, il faut arriver à la fin du livre pour qu’une ancienne élève ose enfin se dévoiler et nous en dire un peu plus long sur sa condition de mauvaise élève.

Pourtant l’intitulé (p. 185) de cet atelier d’écriture ne laissait en rien supposer qu’il s’agissait de raconter l’école à travers des souvenirs joyeux : « L’école, lieu où ont été vécus tant d’apprentissages et de décou- vertes, même lointaine et oubliée, ne reste-t-elle pas toujours un peu en nous ? Qu’en subsiste-t-il dans notre mémoire ? Et si nous souhaitions faire revivre souvenirs et émotions, espoirs et désillusions, efforts et joies, petits drames et succès, les partager, les dé- crire et pourquoi pas les écrire, histoire de les racon- ter, à personne ou à tout le monde ? »

La vision résolument positive de l’école véhiculée

dans les récits de l’école m’a longtemps interpellée et j’ai trouvé regrettable que seules les bonnes expé- riences purement scolaires soient rapportées et toutes les mésaventures évincées. Par exemple, Simone se souvient très bien du sujet d’une rédaction qui lui valut 10/10, alors qu’elle ne nous dit rien sur son année de 4equ’elle redoubla (p. 149) : « Vous allez, avec quelqu’un de votre famille, en visite au cime- tière. Jubilation ! Tant de choses à raconter. Le cime- tière, le mien, c’était un grand cimetière de ville avec ses allées larges et bien tracées recouvertes de gravier […] (p. 152) Cette année-là, le proviseur dit à mes parents : “[…] Elle doit redoubler.” J’ai découvert l’humiliation. Mon année de 3eme fit oublier cette déconvenue. Ce fut une année de rêve ! »

De même, Claude est capable de détailler le sujet d’une composition pour laquelle elle eut la meilleure note de sa classe mais en revanche, lorsqu’elle parle du redoublement de sa 6eet de sa 5e, il n’y a aucun commentaire (p. 49) : « Je dus redoubler ma 6e[…] je ne pus terminer ma 5eet, une fois encore, je dus re- doubler. » De telles expériences, que l’on sait peu ba- nales dans la vie d’un écolier, me paraissent trop rapi- dement abordées, voire volontairement seulement effleurées !

Je ne pense pourtant pas que l’on puisse oublier dé- libérément une telle expérience. Qu’on veuille la taire est plus compréhensible. Redoublement est syno- nyme d’échec officialisé, de honte vis-à-vis de ses ca- marades et d’humiliation lorsqu’on se retrouve parmi des « plus petits » que soi.

Ainsi, les mauvaises expériences scolaires, si elles ne sont pas passées sous silence, sont trop rapidement

Chemins de formation au fil du temps…

exposées dans cet ouvrage pour laisser place à une image très positiviste de l’école, comme si on ne pou- vait pas y toucher et quoi que l’élève ait vécu d’agréable ou de désagréable à l’intérieur des murs de son école, cela ne pouvait être que bénéfique à long terme.

Les auteurs de ce livre ont été pour la majorité d’entre eux enseignants et il leur est sans doute diffi- cile de dénigrer sciemment un système dans lequel ils se sont enrôlés pendant toute leur vie professionnelle et qu’ils ont décidé de fréquenter encore une fois à la retraite (rappelons que ces textes ont été écrits lors de séances à l’université permanente). Ou alors est-ce une volonté des auteurs de ne vouloir se souvenir que des réussites scolaires pour toujours préserver cette fameuse estime de soi ? L’élève, une fois devenu adulte, n’a-t-il encore pas acquis un regard objectif pour narrer son vécu scolaire ?

Q

UELQUES EXPÉRIENCES SCOLAIRES NÉGA

-

Dans le document Méandres d’éducation (Page 31-33)