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À PROPOS DE LA COMMUNICATION

Dans le document Méandres d’éducation (Page 77-80)

D’ETTORE GELPI

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E

TTORE Gelpi a effectué son intervention en

langue française. Son exposé a été suivi d’un temps d’échanges avec la salle. En voici les points principaux.

M

ISE EN QUESTION DES HISTOIRES DE VIE

Il faut vivre l’histoire de vie en lien avec les pro- blèmes de l’éducation contemporaine, sans la voir

comme une méthode métaphysique. Quelle est la relation des histoires de vie avec la polyfonctionna- lité de l’éducation et la monoculture développée au- jourd’hui ? Depuis trente ans, cette question est dis- cutée avec Gaston Pineau et d’autres, les créateurs de l’approche des histoires de vie en formation. Elle établit la relation entre une méthodologie et un cadre social, politique et économique. Toute l’his- toire de l’éducation est une dialectique entre le mo- ment où est soulignée l’importance du sujet appre- nant, en cohérence avec son histoire de vie, et le moment où ce sont les institutions qui imposent l’éducation.

P

OURQUOI LIER LE TRAVAIL À L

HISTOIRE DE VIE

?

Dans les chemins de formation, le travail est déter- minant. Le travail n’est pas seulement l’emploi ; l’em- ploi n’est qu’un aspect de l’activité de l’homme et il ne

tient pas nécessairement compte des activités so- ciales, culturelles, de loisir et du plaisir. Pour cette raison, je pense que l’éducation est déterminée par le travail parce qu’elle peut contribuer à l’enrichir ou l’appauvrir. Cet aspect paraît important car c’est à travers le travail que nous construisons nos identités. Dans l’humanité, des milliards de chômeurs et trois cents millions d’enfants de moins de 14 ans déjà au travail sont comptabilisés : ce thème doit intéresser les personnes qui s’occupent des histoires de vie. En Égypte, on trouve dans les statistiques des enfants chômeurs, donc, il existe des catégories d’enfants considérés comme travailleurs. Il apparaît aussi une grande contradiction entre la fuite permanente des

cerveaux et la nécessité des cadres qualifiés dans diffé- rents pays pauvres ; l’Afrique est le plus grand expor- tateur. Il y a au Brésil des travailleurs sans terre, il y a tout un mouvement de travailleurs qui luttent pour la terre alors qu’il y a cent cinquante milliards d’hectares de terre non cultivés. Ce sont des problèmes qui nous intéressent pour réfléchir sur les histoires de vie. On ne peut faire des histoires de vie sans s’imprégner des problèmes réels des différentes sociétés.

Le travail n’est pas univoque. Il y a le travail des

travailleurs employés, le travail des travailleurs pré- caires, le travail de ceux qui sont sans travail, il y a les chômeurs qui sont des travailleurs, le travail des im- migrés, et aussi le travail aliéné. Je dis cela parce que les enfants ou les adultes, avec lesquels vous discutez de leurs histoires de vie, ont des conditions de travail différentes. D’où l’importance de connaître aujour- d’hui ces conditions qui sont bien différentes de celles du passé. En Pologne, il y a vingt ans, tout le monde travaillait dans les mêmes conditions avec des salaires minimes. Actuellement, il y a une grande disparité, comme partout en Occident, il y a des travailleurs immigrés qui sont des marginaux, d’autres qui ga- gnent bien leur vie. C’est pour cela qu’il faut voir les conditions de vie des travailleurs, comment chacun vit avec ses enfants. Souvent, on oublie dans la péda- gogie ces conditions existentielles.

Il n’y a pas que les conditions de travail liées à l’emploi, il y a aussi le travail ludique ; notre société marquée par le modèle protestant oublie que le jeu est une partie du travail de l’homme. Dans la culture paysanne, le jeu était très important, il était intégré dans les travaux des champs.

Il y a aussi un travail important qui est le travail politique, pas celui des hommes politiques, mais le travail social, le travail de communication, le travail pour construire une société différente. Il est impor- tant de prendre en compte toutes ces différentes acti- vités du travail de l’homme.

Le problème actuel est qu’on est en train d’expro- prier et d’expulser la culture et la culture du travail dans plusieurs pays. C’est moins évident en Europe, mais c’est la même chose, et en Afrique c’est encore

Chemins de formation au fil du temps…

plus dramatique, on dit : « Votre travail traditionnel ne vaut rien ! La vérité, c’est notre travail moderne qu’on vous exporte. » C’est une grave erreur pour l’enfant qui entend que le travail fait par son père n’a plus de valeur et aussi, parce que le travail moderne doit se développer en puisant dans les ressources cul- turelles du travail traditionnel.

Des études faites par des chercheurs français met- tent en évidence que toute la tradition indienne et toute la tradition noire ont désormais été enlevées dans la culture brésilienne. Les enfants issus de ces traditions croient qu’ils ont des ancêtres blancs et portugais. On fait la même chose avec les travailleurs migrants lorsqu’ils arrivent d’un pays dont ils doivent oublier la culture et les traditions. J’ai assisté à un concert où un orchestre jouait du jazz. Le chef d’or- chestre était d’origine allemande et il gagnait sa vie avec la culture des esclaves noirs américains. Cela montre qu’il est important de considérer le travail dans tous ses aspects et qu’il ne faut pas confondre le travail avec les travailleurs, ce que fait l’approche po- sitiviste. C’est complètement différent si on considère la construction des pyramides, on voit les travailleurs égyptiens fonctionnant comme des abeilles. L’impor- tant était d’aboutir au résultat et on voit que tous les travailleurs sont égaux et il n’y a aucune différence de catégories. Chaque travailleur a son identité, son his-

toire de vie, distincte du travail qu’il a produit ; chaque homme n’a pas à être identifié à l’outil de sa production et n’a pas à être traité comme les chevaux. Que ce soit en France, en Allemagne, en Italie ou en Pologne, le travail des chevaux a été déterminant pour le travail agricole. Ensuite, il y a eu le pétrole, des machines et maintenant, combien reste-t-il de chevaux dans ces pays ? Bientôt, on va considérer que les travailleurs, comme les chevaux, ne sont pas né- cessaires pour le travail, on ne va pas les éliminer phy- siquement comme cela a été fait avec les chevaux, mais ils seront parallèles comme actuellement il y a des chevaux qui ont été sauvés parce qu’ils font des courses ou sont reconvertis dans les loisirs. Il y aura des hommes capables de faire des compétitions spor- tives et qui seront, eux, considérés comme de vrais hommes.

L’intervention d’Ettore Gelpi nous montre combien la prise en compte de chaque humain se situe au croisement des rencontres qu’il fait tout au long de sa vie. Elle in- dique comment l’histoire de vie collective se tisse en s’en- chaînant dans la trame des histoires de vie individuelles. Morceaux choisis par ÉLISABETHHEUTTE

Dans le document Méandres d’éducation (Page 77-80)