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Une lecture axée sur le prix des soumissions et sur l’équité entre les soumissionnaires

L’arrêt de la Cour d’appel du Québec dans l’affaire Rimouski (Ville de) c. Structures GB ltée illustre bien la tendance des tribunaux à s’en remettre aux variables budgétaires pour sceller le sort d’un litige mettant en cause un contrat public. Dans cette affaire opposant la Ville de Rimouski à l’entreprise de construction Les Structures GB Ltée (ci-après « Structures »), la Cour d’appel confirme le raisonnement du juge de première instance suivant lequel l’intérêt public commande d’abord et avant tout de traiter les soumissionnaires avec équité pour ne pas que l’un d’eux soit défavorisé vis-à-vis des autres aspirants contractants : « le principe de base, en matière d’appel d’offres, est le droit des soumissionnaires d'être traités en toute égalité et équité, un principe qui protège l’intérêt public tout en assurant qu’un soumissionnaire ne sera pas favorisé au détriment d’un autre »388. Le litige qui fait l’objet de ce dossier est né après que la Ville de Rimouski ait rejeté la

soumission de Structures au motif que celle-ci avait fourni un cautionnement de 140 483 $ alors que les documents d’appel d’offres en exigeaient que celui-ci soit de 150 000$. Le débat, tant en première instance que devant la Cour d’appel, a porté sur qualification de cette erreur, la Ville ayant jugé que cette erreur de Structures était majeure et justifiait de rejeter d’entrée de jeu sa soumission. Le soumissionnaire ayant proposé le second prix le plus bas ayant été retenu par la Ville, Structures a réclamé des dommages-intérêts à la Ville pour compenser la perte des profits qu’elle aurait pu

engranger en réalisant les travaux convoités. Il convient tout d’abord de reproduire les passages suivants de l’arrêt qui font référence au jugement de première instance :

[18] Il [le juge de première instance] conclut que l’omission de Structures GB de fournir la totalité du cautionnement de soumission exigé constitue une « irrégularité mineure, accessoire et sans conséquence sur le prix de la soumission ». Il s'appuie essentiellement sur deux éléments, à savoir : 1) la confirmation du 12 juillet 2004 par laquelle Structures GB réitère son engagement d'exécuter le contrat, et 2) la correction de l’irrégularité en temps utile, c’est-à-dire avant que le conseil se réunisse pour prendre une décision finale. Par ailleurs, le juge considère que l’irrégularité n’avait aucune incidence sur le prix de la soumission, de sorte que sa correction n’avait pas pour effet de compromettre le respect du principe de l’égalité des soumissionnaires.

[19] Le premier juge rappelle ensuite que la Ville, malgré son pouvoir discrétionnaire, ne peut agir de manière arbitraire et ignorer l’intérêt public qui dicte de choisir la plus

basse soumission pour éviter de dépenser inutilement les fonds publics. En l’espèce, le

juge conclut que la Ville de Rimouski a fait preuve « d’une rigidité excessive et d’un formalisme qui servaient mal l’intérêt de la collectivité », en faisant prévaloir une irrégularité mineure sur le principe du contrat au plus bas soumissionnaire.389

Le raisonnement du juge de première instance que nous venons de citer a été confirmé par la Cour d’appel. Le juge Brossard, au nom de l’opinion majoritaire, écrit ceci : « L'adjudication des contrats municipaux par voie de soumissions publiques vise à assurer l'exécution des travaux au meilleur coût pour les contribuables, mais aussi à garantir le respect du principe fondamental de l'égalité des soumissionnaires »390. Plus loin dans ses motifs, faisant écho aux arguments de

Structures, il explique les dangers associés à la possibilité pour un organisme public d’avoir la possibilité de favoriser un autre soumissionnaire que le moins-disant lorsque la soumission de ce dernier respecte les éléments essentiels de l’appel d’offres :

[60] L'intimée soumet que, tous autres éléments étant équivalents, l'intérêt public consacré par le principe de l'octroi du contrat au plus bas soumissionnaire, doit prévaloir, tel qu'illustré par les jugements dans Entreprises de construction OPC inc. (Entreprises de construction OPC inc. c. Complexe hospitalier de la Sagamie, EYB 2005-85529 (C.S.), confirmé par 2005 QCCA 1123 (C.A.)) Autrement, on tomberait dans une situation où le plus haut soumissionnaire des deux pourrait être retenu par la Ville de Rimouski, malgré des dérogations mineures respectives n'affectant en aucune façon la

389 Id., paragraphes 18-19. Les italiques sont de nous. 390 Id., paragraphe 30.

conformité des soumissions quant aux éléments essentiels, et ce, en vertu du pouvoir discrétionnaire dont l'intimée veut se prévaloir en l'instance.391

Les faits qui ont été mis en preuve dans ce dossier peuvent laisser entendre que la Ville a tablé sur une irrégularité mineure dans la soumission de Structures pour octroyer le contrat à un autre soumissionnaire, qui, pour des raisons qui n’ont pas été démontrées et qui relèvent d’une simple hypothèse, était peut-être un entrepreneur plus intéressant pour la Ville. Le fait que la Ville ait permis à cet autre soumissionnaire de corriger certaines ambiguïtés dans sa proposition392 alors qu’elle s’est

montrée très rigide à l’égard de Structures en refusant de lui permettre de corriger le montant de son cautionnement, peut donner l’impression d’un certain favoritisme. Il ressort clairement de l’arrêt que c’est ce qui a convaincu l’opinion majoritaire que le Ville avait contrevenu au principe du traitement équitable des soumissionnaires.

D’autre part, la Ville a plaidé qu’elle se croyait obligée de rejeter la soumission de Structures, car ses avocats lui avaient représenté qu’il s’agissait d’une irrégularité majeure. Cela a été mis en preuve et n’a pas été contesté. Cette situation a fait dire au juge Forget, dans sa dissidence, que la Ville n’avait pas agi de mauvaise foi en l’espèce et qu’elle pouvait à bon droit rejeter la soumission de Structures.

Si les juges se sont entendus sur le fait qu’un organisme public comme la Ville de Rimouski bénéficie d’une certaine discrétion pour accepter ou rejeter des soumissions qui comportent des irrégularités mineures, ils n’ont toutefois pas interprété la bonne foi de la Ville de la même manière. Les juges Brossard et Duval Hesler ont conclu qu’il y avait eu mauvaise foi de la part de la Ville alors que le juge Forget a quant à lui estimé que rien ne démontrait qu’elle avait fait preuve de favoritisme dans les circonstances, celle-ci ne faisant que suivre les recommandations de ses conseillers juridiques et de ses architectes. Le passage le plus intéressant de la décision se trouve au dernier paragraphe lorsque le juge Forget écrit :

En terminant, je suis bien conscient que la thèse défendue par l'intimée est séduisante puisqu'elle vise à obtenir le meilleur prix pour les contribuables; or, qui peut être opposé à la vertu? Je crois toutefois que si on retire toute discrétion aux municipalités, les tribunaux vont devoir intervenir de plus en plus fréquemment pour examiner à la loupe les soumissions et déterminer si l'irrégularité est mineure ou non. Ce n'est pas le rôle des

391 Id., paragraphe 60.

tribunaux et je suis loin d'être certain que les contribuables trouveront leur compte dans la multiplicité des procédures judiciaires.393

Nous sommes d’accord avec le juge Forget. L’argument qui semble avoir le plus d’impact auprès des juges dans le cadre des litiges entourant les contrats publics est celui qui consiste à protéger les deniers des contribuables. Reprochant à ses collègues de s’être « laissés » convaincre par le caractère séduisant d’un tel argument, il enchaîne en défendant une thèse similaire, à savoir qu’il n’est pas dans l’intérêt des contribuables de suivre l’opinion majoritaire puisqu’elle risque d’entraîner une multiplication des procédures et conséquemment, des coûts additionnels.

La jurisprudence foisonne d’exemples similaires. Dans l’affaire Entreprises H. St-

Pierre c. Inverness (Mun. du canton)394, l’un des soumissionnaires reprochait à la municipalité

d’avoir octroyé un contrat de déneigement à une autre entreprise qui ne respectait pas l’exigence d’expérience minimale imposée aux documents d’appel d’offres. La Cour supérieure a jugé que cette condition n’était pas essentielle, car non prévue par la loi. Elle a conclu que la municipalité pouvait y renoncer. Le raisonnement qui a permis à la Cour d’affirmer que la condition n’était pas essentielle peut se comprendre ; il est vrai que cette exigence n’était pas fondée sur un texte de loi ou un règlement. Toutefois, la vitesse à laquelle la Cour s’empresse d’associer l’intérêt public au statut de

plus bas soumissionnaire traduit bien l’importance qu’occupe la variable budgétaire dans le

contentieux des contrats publics : « En l’absence de mauvaise foi, le fait de renoncer à une exigence non essentielle ne doit pas être considéré comme un obstacle à l’adjudication du contrat en faveur du

plus bas soumissionnaire, soit en fonction du meilleur intérêt des contribuables. D’ailleurs, l’intérêt

des contribuables est le principe qui doit guider les tribunaux. »395

Citons également les arrêts Monit International c. Canada396 et Gestion Complexe Cousineau

(1989) Inc. c. Canada (Ministre des Travaux publics)397 pour étayer notre propos. Bien qu’il soit plus

difficile de tirer des conclusions très nettes sur ce que les juges ont estimé être dans l’intérêt public dans ces deux affaires, il est intéressant de noter qu’ils soutiennent que la procédure d’appel d’offres a pour objectif de « protéger les contribuables ». Il est important de souligner que la Cour n’emploie pas des expressions comme « intérêt public », « intérêt général » ou « bien commun » ; elle réfère

393 Rimouski (Ville de) c. Structures GB ltée, préc., note 397, paragraphe 121. 394 Entreprises H. St-Pierre c. Inverness (Mun. du canton), préc., note 35. 395Id., p. 7. Les italiques sont de nous.

396 Monit International c. Canada, préc., note 36.

plutôt à la protection des contribuables. Ce choix de mots nous apparaît révélateur de cette logique comptable dans laquelle est enfermé selon nous le pouvoir contractuel de l’État.

D’où vient cette tendance à associer aussi rapidement l’intérêt public à l’intérêt du trésor public ? Comment l’intérêt des citoyens s’est-il retrouvé à être jugé à l’aune de leur seule qualité de contribuable ? D’où vient cette idée que le plus bas soumissionnaire conforme est garant de la finalité d’intérêt public du contrat public ? Pourquoi ce critère prime-t-il sur les autres au point de parfois les occulter complètement ? À la lumière de certains arrêts de la Cour suprême du Canada et d’autres décisions clés, nous verrons comment le principe de la libre concurrence - et des fruits que celle-ci est censée produire - est venue supplanter l’idée que le pouvoir contractuel de l’État est intrinsèquement un pouvoir discrétionnaire requérant une certaine latitude de la part de ceux qui l’exercent. L’érection du principe de libre concurrence au rang du garant de l’intérêt public s’est accompagnée de l’élaboration et de la sophistication constantes de la règle du traitement intègre et équitable des concurrents. Appliquée de façon rigide, cette règle s’est parfois retournée contre les concurrents eux-mêmes et a placé bien souvent les organismes publics dans ce qu’ils ont qualifié de « carcan juridique »398. Cela est notamment attribuable à l’application, en droit civil québécois, de la

théorie du contrat A et du contrat B initialement développée dans un contexte de common law.

Paragraphe II – Le principe de la libre concurrence comme garant de l’intérêt

public

Dans La Reine (Ont.) c. Ron Engineering, la Cour suprême du Canada, sous la plume du juge Estey, a établi le principe suivant lequel le processus d’appel d’offres d’un organisme public donne lieu à deux contrats, le contrat A « qui prend naissance dès la présentation de la soumission [et qui] est immédiatement formé sans autre formalité »399 et le contrat B, qui se trouve à être le contrat

d’entreprise formé ultérieurement entre le donneur d’ouvrage et le soumissionnaire retenu. Cette théorie s’inscrit à l’intérieur d’un principe fondamental au droit des contrats, celui du consentement. Un contrat se forme par l’accord des volontés des parties. L’idée derrière le contrat A est de s’assurer qu’il y a ait consentement entre l’auteur de l’appel d’offres (qui exprime sa volonté de contracter

398 Rimouski (Ville de) c. Structures GB ltée, préc., note 397, 9. 399 La Reine (Ont.) c. Ron Engineering, [1981] 1 R.C.S. 111, 121.

d’une manière « X ») et le soumissionnaire (qui exprime sa volonté de contracter conformément à cette manière « X »). Au sujet du contrat A, la Cour écrit :

Celui-ci est parfois appelé en droit contrat unilatéral, c.-à-d. un contrat qui résulte d’un acte fait en réponse à une offre, par exemple, de la façon la plus simple: « Je vous paierai un dollar si vous tondez mon gazon ». Il n’y a pas, en droit, d’obligation de tondre le gazon et l’obligation de verser un dollar ne naît que de l’exécution de l’acte mentionné dans l’offre. […] L’aspect important de l’enchère, en droit, est qu’elle devient immédiatement irrévocable si elle est présentée conformément aux conditions générales de l’appel d’offres et si ces conditions le prévoient. […] La condition principale du contrat A est l’irrévocabilité de l’offre, et la condition qui en découle est l’obligation pour les deux parties de former un autre contrat (le contrat B) dès l’acceptation de la soumission. Les autres conditions comportent l’obligation, sous certaines réserves, pour la propriétaire d’accepter la soumission la plus basse, obligation dont l’étendue est déterminée par les conditions générales mentionnées à l’appel d’offres.400

Ce sont les documents d’appel d’offres qui régissent les conditions du contrat A. Par exemple, si les documents prévoient qu’un dépôt doit être fait par le soumissionnaire pour garantir l’exécution de sa soumission et que le soumissionnaire retenu choisit finalement de ne pas signer le contrat d’entreprise (contrat B) qu’il s’était offert de réaliser, le donneur d’ouvrage sera alors en droit de retenir le dépôt fourni par le soumissionnaire.

C’est d’ailleurs ce qui s’était produit dans l’affaire Ron Engineering. La reconnaissance par la Cour de l’existence d’un contrat A lors d’un appel d’offres public implique des conséquences pratiques importantes. La première est certainement l’affirmation du caractère irrévocable des offres faites en réponse aux procédures d’appel d’offres lancées par les organismes publics, lorsque ces offres sont conformes aux conditions générales de l’appel d’offres. Cela fait en sorte qu’un soumissionnaire ne peut pas de se dédire de son offre après avoir réalisé que celle-ci était trop compétitive sans avoir à dédommager le donneur d’ouvrage. Évidemment, cela avantage les donneurs d’ouvrage en leur permettant de bénéficier des fruits d’une mise en concurrence à l’aveuglette et de l’irrévocabilité des offres soumises.

En contrepartie, le soumissionnaire qui répond aux conditions stipulées dans les documents d’appel d’offres et qui se qualifie comme étant le plus intéressant peut s’attendre à obtenir le contrat B qu’il convoitait en participant à l’appel d’offres, à défaut de quoi il pourra demander d’être

dédommagé pour les profits dont il a été privé. Or, être le plus intéressant signifie quoi précisément ? Cette question est importante, car depuis les règles établies par l’arrêt Ron Engineering, les donneurs d’ouvrage ont tout avantage à être précis sur ce point pour éviter qu’une ambiguïté sur les critères de sélection donne lieu à l’introduction d’un recours judiciaire. Dans ce processus de qualification du soumissionnaire le plus intéressant et à la lumière des règles de Ron Engineering, il était possible d’anticiper que le critère du plus bas prix constituerait un choix rassurant pour les donneurs d’ouvrage qui ne souhaitaient pas voir l’adjudication de leurs contrats contestés devant les tribunaux. Étant une donnée en apparence objective, le plus bas prix conforme constitue sans doute la meilleure police d’assurance contre d’éventuelles poursuites dans le contexte où la nouvelle théorie du contrat A et du contrat B impose aux donneurs d’ouvrage de se marier avec le prétendant le plus séduisant sur papier.

Quelques années plus tard, dans l’arrêt M.J.B. Enterprises Ltd. c. Construction de Défense

(1951) Ltée (ci-après « MJB »), la Cour suprême a précisé la portée des principes développés par le

juge Estey dans Ron Engineering. Alors que plusieurs tribunaux de première instance interprétaient cette décision comme ayant établi que le dépôt d’une soumission créait dans tous les cas un contrat A aux termes duquel la soumission devenait irrévocable, la Cour suprême précisa « [qu’]il est toujours possible que le contrat A ne soit pas formé dès la présentation d’une soumission, ou qu’il y ait formation du contrat A, mais que l’irrévocabilité de la soumission n’en soit pas une condition; cela dépend des conditions de l’appel d’offres »401. Rejetant l’idée que le contrat A puisse être qualifié de

contrat unilatéral comme l’avait laissé entendre le juge Estey, la Cour précisera que l’irrévocabilité de la soumission doit être analysée à la lumière des faits précis de chaque cas et suivant le contenu des documents d’appels d’offres en cause.

Pour le juge Iacobucci, s’exprimant au nom de la Cour, il importe de retenir de l’arrêt Ron

Engineering que « la présentation d’une soumission en réponse à un appel d’offres peut donner

naissance à des obligations contractuelles tout à fait distinctes des obligations découlant du contrat d’entreprise qui doit être conclu dès l’acceptation de la soumission, selon que les parties auront voulu établir des rapports contractuels par la présentation d’une soumission. »402 Autrement dit, ce que

signifie la théorie du contrat A et du contrat B, c’est qu’il existe dans les faits deux contrats distincts. Le premier, le contrat A, peut être formé dès qu’une personne présente une soumission si les documents d’appel d’offres le prévoient. Comme le contrat A est régi par les conditions de l’appel

401 M.J.B. Enterprises Ltd. c. Construction de Défense (1951) Ltée, préc., note 350, paragraphe 17. 402 Id., paragraphe 19.

d’offres, il faut vérifier si ces conditions prévoient que le seul dépôt d’une soumission engage le soumissionnaire et le donneur d’ouvrage. Si tel est le cas, il y a aussitôt formation d’un contrat, qui sera désigné comme étant le contrat A. En ce qui a trait au caractère irrévocable de la soumission, encore ici, il faut s’en remettre aux termes de l’appel d’offres. L’offre du soumissionnaire pourra être irrévocable dans la mesure où les conditions de l’appel d’offres le prévoient. En somme, comme le dit le juge Iacobucci, « il est toujours possible que le contrat A ne soit pas formé dès la présentation d’une soumission, ou qu’il y ait formation du contrat A, mais que l’irrévocabilité de la soumission n’en soit pas une condition; cela dépend des conditions de l’appel d’offres »403. Dans chaque cas, il

faudra vérifier si les parties ont bien voulu se lier contractuellement par le simple dépôt d’une soumission : « la naissance du contrat A est subordonnée à la volonté des parties d’établir des rapports contractuels par la présentation d’une soumission en réponse à l’appel d’offres »404.

Dans le cas précis de MJB, un exemple classique de litige découlant de l’attribution d’un contrat public, M.J.B. Enterprises Ltd. reprochait à Construction de Défense (1951) Ltée, un organisme public (ci-après : « Construction de défense ») d’avoir octroyé un contrat de construction à une autre entreprise, Sorochan Enterprises Ltd. (ci-après : « Sorochan ») dans le cadre d’un appel d’offres à l’issue duquel Sorochan a été considérée comme ayant présenté la soumission la plus base. Tant en première instance que par la suite et devant la Cour suprême, il a été établi que la soumission de Sorochan était non conforme et que la deuxième soumission la plus basse était celle de MJB.

Toutefois, comme les documents d’appel d’offres de Construction de défense comportaient une clause de réserve indiquant que « La soumission la plus basse ne sera pas nécessairement retenue ni non plus aucune soumission », l’organisme pouvait-il, comme il l’a fait, écarter la soumission de MJB - dans les faits la plus basse soumission conforme - pour retenir celle de Sorochan ? Procédant à l’analyse des conditions prévues aux documents d’appel d’offres, la Cour est venue à la conclusion