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Formateur : c'est une option, en voyez-vous d'autres (le vous s'adresse à tout le monde)

Étudiant 1 : On voit bien des affaires passées, mais pas de communication, peut être eux meme

sont t'ils dépassés? mais ne pas faire appel a l'esprit d'équipe est a mon avis une erreur, je crois que nous sommes des adultes et que nous pouvons comprendre les difficultésn on est tous dans le même bateau. »

Les interviews menées et les traces qu'ils laissent sur la plate-forme semblent donc indiquer que les formateurs se retrouvent pleinement dans ce nouveau type de liens avec les étudiants : un rapport fondé sur une expertise professionnelle qui se déploie sur un mode de relation d'aide. On peut dès lors se demander comment qualifier ce nouveau type de rapport pédagogique. Pouvoir nommer le lien est en effet quelque chose qui importe ici beaucoup pour savoir si nous sommes toujours une relation formative, constitutive de la fonction de formateur ou non. On peut ensuite s'interroger si la mise en œuvre de ce nouveau rapport pédagogique, introduite par la distance, est commune à l'ensemble des formateurs ELEGIA ou si elle ne concerne qu'une partie d'entre eux. Il n'est effectivement pas interdit de penser que certaines matières de la licence, dites « souples » ou plus « comportementales » comme le module de gestion du stress ou celui de management situationnel se prêtent beaucoup mieux à être transmises via une relation fondée sur l'aide que des thèmes plus techniques comme la comptabilité générale ou le droit de l'entreprise. Si ce dernier cas est avéré, on ne pourrait que difficilement intégrer la distance, dans sa dimension pédagogique, comme un élément venant alimenter la dynamique identitaire de l'ensemble des formateurs ELEGIA : seule une partie d'entre eux ne serait alors concernée. Si par contre il ne l'est pas et que tous les formateurs se retrouvent dans cette relation d'accompagnement, alors s'impose une troisième question : qu'est-ce qui, dans ce nouveau type de rapport généré par la distance, fait écho à un élément constitutif de l'identité des formateurs ?

La relation d'aide mise en œuvre dans la licence peut-elle être qualifiée de tutorale ? La généralisation des dispositifs en ligne, mixtes ou non, en France, a remis sur le devant de la scène un vieux mot français, celui de tuteur.

L'évolution de la notion de tuteur est extrêmement longue et riche, mais son emploi dans le cadre de formations à distance beaucoup plus récente. Selon Viviane Glikman, les tuteurs en ligne « ont pour

mission de gérer les interactions entre les apprenants et les savoirs, l'institution, les enseignants concepteurs des cours et de provoquer des échanges entre apprenants. » Puis l'auteur précise que

les tuteurs « sont des médiateurs, des intermédiaires, des passeurs. » (Glikman, 2011). Ils ont un rôle d'accompagnement mais aussi de coordination et parfois de support technique (Trespeuch, 2009). Une circulaire de la DGEFP en 2001 qualifie quant à elle le tutorat d' « assistance

pédagogique in situ ou non, c'est un élément annexe de la formation » (circulaire DGEFP 2001/22

cité in Roupié 2008). Certains encore prônent une différence fondée sur le principe du tuteur auteur du contenu mis en ligne (ce que ne sont pas les formateurs) ou non. Il est dans ce dernier cas en charge d' « accompagner les apprenants dans la démarche méthodologique à adopter au sein de

donc accompagner et éclairer les apprenants au niveau conceptuel ; et répondre aux questions de compréhension sémantique. » (Guillaume, 2009).

On pourrait multiplier les exemples de définitions, la fonction de tutorat dans des formations à distance bénéficiant depuis le milieu des années 90 d'une grande production, universitaire notamment42. Mais si l'ensemble de ces définitions fait ressortir une grande hétérogénéité des rôles

du tuteur, elles n'en restent pas moins unies par un point commun : le tuteur est celui qui accompagne l'apprenant dans l'appréhension des savoirs en l'éclairant sur ceux-ci, provoquant des échanges et débats, répondant à ses questions, etc.. Il se situe donc comme un élément « annexe de

la formation » pour reprendre une expression peu valorisante de la circulaire étatique. Il serait

certainement plus juste d'écrire que le tuteur ne se situe pas dans la transmission directe de connaissances ou de savoir-faire dont il est le détenteur mais dans l'interfaçage de ceux-ci auprès de ses étudiants. On retrouve ici l'aspect de médiation, définie comme nous l'avons vu lorsque nous avons tenté de qualifier le dispositif de la licence, à savoir un accompagnement dans une perspective cognitive (Peraya, 2009).

Pouvons-nous considérer l'intervention des formateurs ELEGIA dans le cadre de Licence en Management des Entreprises comme relevant non plus d'un acte de formation mais d'activités tutorales ? La relation d'aide déployée par les formateurs semble pousser dans ce sens : les approches motivationnelles, socio-affectives et métacognitives rentrent exactement dans les attributions d'un tuteur qui place l'apprenant au cœur du dispositif. Sous cet angle là, nous assisterions à un glissement de fonctions de la formation vers le tutorat. Ce glissement serait à même de bousculer à son tour les dynamiques identitaires des formateurs qui ne forment plus en tant que tels mais assistent les étudiants dans la construction de leurs savoirs. Cependant la dimension même de médiation du tuteur s'oppose à ce glissement. Définie comme un accompagnement « dans une perspective cognitive », la médiation tutorale s'incarne dans la même dimension d'acquisition de connaissances que l'acte de former. Elle ne s'oppose donc pas tant à la formation qu'elle vient l'enrichir et ne saurait conséquemment remettre en cause le formateur dans ce qui constitue le fondement de son activité. Ceci est d'autant plus vrai que nous avons vu que les formateurs ELEGIA ne renoncent pas à leur expertise comme fondement de leur autorité, ni à leurs ingénieries pédagogiques, ni au soucis de transmettre des savoirs auprès des apprenants de la manière la plus efficiente. De cet enrichissement des compétences pourrait être déduit que tout tuteur est a priori un formateur qui se place aux côtés de l'étudiant et l'accompagne tout au long de son apprentissage. L'intervention dans la LME pourrait donc être qualifiée de tutorale : l'identité des formateurs en serait alors impactée mais non fondamentalement remise en cause.

L'interview menée auprès des formateurs vient cependant à son tour remettre en cause l'hypothèse de formateurs-tuteurs dès lors que le tutorat est avant tout une question de médiation. Celle-ci place en effet le tuteur entre deux pôles : les savoirs en ligne (les cours sous format PDF, les cas pratiques, les exercices d'auto-évaluation, etc.) et l'apprenant qui y accède. Si il peut venir enrichir le cours en ligne en apportant des ressources complémentaires (par exemple en mettant dans la perspective de l'entreprise ou de leur expérience la matière abordée), il n'en reste pas moins tenu de « mettre en

valeur les contenus de la formation […] il n'a pas pour rôle non plus de restituer ces contenus. Il

42 Geneviève Jacquinot-Delaunay a eu l'occasion au cours d'une intervention faite dans le cadre de la biennale de l'éducation et de la formation de qualifier le tuteur comme celui dont le rôle est de « supprimer la distance ou plus

exactement faire circuler les signes de présences » (Jacquinot, 1999 ). J'ai pris le parti d'exclure cette définition de

mes recherches pour deux raisons. La première est que la question de la distance n'est pas propre aux formations en ligne et donc à la notion tutorale, mais traverse toute la formation (Bernard, 1999 cité dans Maurin, 2004). La deuxième est que la distance est abordée comme le fondement de la relation pédagogique selon... les termes du même auteur quelques années plus tôt. Le rôle du tuteur est donc d'intégrer la distance dans sa relation pédagogique

n'est pas un transmetteur de savoir mais plutôt un médiateur. Il est le pont entre le savoir et le stagiaire » (Djafar-Girard, 2009). Seules les relations que les formateurs entretiennent avec les

ressources de la plate-forme pourrait donc permettre de qualifier si l'introduction de la distance a enrichi leur activité professionnelle ou non. Or la plupart ne semble pas accorder une place importante au contenu en ligne dans les webconférences, forum ou journées de regroupement. Aucune mention n'en a jamais été faite sur la plate-forme et au cours des interviews les plus cléments des formateurs se sont contentés de prudentes litotes pour marquer leur distance vis-à-vis des ressources :

« je ne suis pas en dissonance par rapport au cours » « le contenu n'est pas remis en cause »

« je l'ai lue en diagonale »

d'autres, au contraire, se sont avérés un peu plus virulents dans leurs propos :

« j'ai autre chose de mieux à faire[que de lire la ressource en ligne] » « ça m'ennuyait »

tandis que d'autres encore ont choisi tout simplement de les ignorer

« On ne m'a jamais dit « il faut que tu lises tous les docs » » « je n'ai pas eu la nécessité de faire référence au cours »

Il existe donc de la part des formateurs une certaine méfiance vis-à-vis des ressources en ligne qui les conduit à chercher à s'affranchir de celles-ci pour ne fonder leur accompagnement qu'à partir de leur propres savoirs43. Ils ne peuvent donc être formellement qualifiés de formateurs-tuteurs44.

Si la distance les a amenés à enrichir leurs missions en mettant en avant la dimension de l'accompagnement, les formateurs ELEGIA refusant de s'appuyer sur le jeu de la médiatisation originelle du dispositif (c'est-à-dire l'ingénierie pédagogique qui a présidé à sa conception) restent ancrés sur ce qui fait le fondement de leur identité professionnelle : la formation en tant que transmission de savoirs et connaissances.

La relation d'aide est-elle déployable sur toutes les matières animées ?

Il est évident que la matière semble apporter aux formateurs spécialisés dans une expertise technique (comptabilité, droit de l'entreprise, gestion financière et business plan) une limite à la possibilité de faire jouer cette relation d'accompagnement.

Cependant ces mêmes formateurs se réclament tout autant que les autres d'une démarche d'accompagnement des étudiants. Ils mettent par exemple en valeur l'importance de les faire collaborer :

43 Dans la cinquième partie de ce mémoire, nous chercherons à comprendre cette méfiance vis-à-vis des ressources en ligne.

44 Un seul formateur ELEGIA appuie ses interventions sur la ressource en ligne et peut dès lors être qualifié de formateur-tuteur. Cet intervenant a la particularité d'appartenir au même courant de pensée et à la même école que le concepteur du cours sous format PDF.

« il faut relier les étudiants entre eux » « il faut éviter le chacun pour soi »

« le mec qui est tout seul dans son coin, je ne vois pas comment il peut faire » ou de les motiver :

« Nous, en tant qu'intervenants, on doit rassurer » « j''essaie de voir quelles sont leurs attentes »

« il faut faire un lien avec la réalité, leur donner des exemples concrets » « leur faire apprécier la matière »

Et si la plupart des webconférences qu'ils animent se structurent sur un rythme de questions- réponses, ils n'hésitent pas à faire, dès qu'ils le peuvent, le pas de côté pour aider les étudiants à mieux appréhender la matière qu'ils animent :

Formateur : « Quel axe pensez-vous retenir ou mettre en place CF/CV/C/CI?

Étudiant 1 : j'avance mais doucement : j'ai lu et fait les trainigs pour : indentification des chrages

à incorp, préambule au calcul des couts (pas dans cet ordre bien sur) et je suis en train de lire les cout complets

Formateur : Ya -t-il des points de blocage? Étudiant 1: pour l'instant ça va

Étudiant 1 : ça parait logique