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Le travail policier dans un contexte domestique

2.3 Cadre théorique

2.3.2 Le travail policier dans un contexte domestique

Après avoir porté notre regard sur les différents rôles que peuvent jouer les policiers civils dans le cadre d’une opération de paix, il apparait évident que les situations dans lesquelles sont plongés les policiers dans ce contexte sont très différentes de ce qu’ils peuvent vivre dans leur pays d’origine. À ce sujet, nous aborderons brièvement des travaux qui traitent du travail policier dans un contexte domestique.

Dans un premier temps, le contexte opérationnel des policiers travaillant dans des sociétés comme celle du Québec est relativement stable et sécuritaire. La prévalence de certaines règles de droit, l’acceptation du contrat social entre les citoyens et l’État, la présence d’institutions solides ainsi que le consensus populaire en matière de respect de la loi font en sorte que les policiers peuvent travailler dans un environnement où la loi, qui est aussi clairement définie, est sensiblement respectée par la majorité. Dans un contexte comme celui-ci, les policiers ont non seulement des pouvoirs exécutifs, mais également le devoir de faire respecter les lois en vigueur. Ces éléments, caractéristiques du contexte opérationnel des sociétés industrialisées, contrastent énormément avec les conditions qui caractérisent les sociétés en sortie de guerre dans lesquelles sont déployés les CIVPOLs, comme

nous avons pu en tracer les grandes lignes ci-dessus. Ainsi, il est relativement facile d’affirmer que les théâtres d’opérations d’Haïti et du Québec sont des champs bien distincts.

Dans un deuxième temps, afin de valider le premier postulat que nous avons formulé, il convient également de dresser le portrait de l’action des policiers qui travaillent dans une société stable afin de le comparer aux rôles et aux tâches des CIVPOLs en mission de paix. À cet effet, plusieurs études ont été réalisées au fil des années sur la nature du travail de la police. Tout d’abord, l’un des grands mythes reliés au travail de la police est le fait que celui-ci soit associé à la répression de la criminalité (Brodeur 2003). En 1965, les conclusions obtenues par Cumming et coll. (cité dans Reiner 2010 :141) démontraient que plus de la moitié des appels placés à la police était des demandes d’aide et de support pour des conflits personnels dans lesquels les policiers jouaient le rôle de guide. Les mêmes types de résultats furent obtenus par Punch et Naylor en 1973 ainsi que par plusieurs autres chercheurs (Reiner 2010 ; Van Maanen 1973). Aussi, après une étude qualitative à ce sujet, Banton arriva à la conclusion suivante :

The policeman on patrol is primarily a ‘Peace officer’ rather than a ‘law officer’. Relatively little of his time is spent enforcing the law in the sense of arresting offenders; far more is spent ‘keeping the peace’ by supervising the beat and responding to request for assistance (Banton 1964 cité dans Reiner 2010:141).

D’autre part, en 1967, John A. Webster effectua lui aussi une recherche sur la nature du travail policier. Ses données, ne touchant que le travail du policier-patrouilleur, formaient une représentation des assignations quotidiennes des policiers ainsi que le temps qu’ils y consacraient. Étonnamment, plus de 50 % du temps de travail du policier était consacré à des tâches administratives telles que la rédaction de rapport (Webster 1973 : 13). Au niveau du travail de la police au Québec, Dupont et Pérez (2006) affirment que ce sont les appels du public qui définissent largement les tâches des policiers québécois. « Une proportion importante de ces appels est constituée de demandes de renseignement, de signalement divers (disparitions,

pertes, accidents) ou de suivis d’incidents » (Dupont et Pérez 2006 : 49). Du côté pancanadien, les rapports des Commissions Ouimet et Hale (cité dans Brodeur 2003 : 45) indiquaient que plus de 80 % du temps du policier était consacré à autre chose qu’au contrôle de la criminalité.

Bien que ces études nous renseignent, pour la plupart, sur la nature du travail d’un policier-patrouilleur, il est facile de voir que les tâches reliées à cette fonction diffèrent largement de celles qui attendent le policier sur un théâtre d’opérations de paix. En effet, si les appels téléphoniques du public font partie des grands déterminants de l’action policière au Québec (Dupont et Pérez 2006), qu’en est-il du policing en mission de paix lorsqu’il n’y a pas de téléphone permettant à la population de contacter la police? Si au Québec les procédures sont claires et simples en matière de circulation routière, qu’en est-il de l’application de ces mêmes lois dans un pays où la signalisation routière est absente? Ainsi, L’action de police semble tributaire du contexte dans lequel elle s’actionne. Par ailleurs, il est possible de croire que les autres fonctions reliées au travail policier au Québec (enquête, circulation, etc.) soient aussi très différentes des mandats conférés aux policiers de la SQ à Haïti. Toutefois, bien que les pratiques policières activées à Haïti soient différentes de celles utilisées au Québec, est-il possible de croire que la pratique policière domestique soit utile dans le contexte des opérations de paix et vice versa? La prochaine section tentera de nous orienter par rapport à ce questionnement.

2.3.3 Les méthodes policières domestiques appliquées au contexte des opérations de paix?