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Impact du séisme sur Haïti et sur la MINUSTAH

D’autre part, en dépit de la situation déjà très fragile d’Haïti, il semble que celle-ci se soit lourdement complexifiée depuis le séisme de janvier 2010. De magnitude 7.0, le séisme, qui a fait plus de 230 000 victimes et qui a dévasté la capitale Port-au- Prince, causa des dommages s’évaluant à plus de 8 milliards de dollars, soit 120 % du PIB (selon l’Évaluation de Besoin post-catastrophe78). De nombreux Haïtiens se sont retrouvés sans abri et ont quitté les villes pour la campagne, rendant la situation économique dans ces régions encore plus précaire qu’elle l’était auparavant (ibid.). « Le séisme a créé une situation sans précédent, touchant la zone la plus peuplée du pays ainsi que son centre économique et administratif. La situation est d’autant plus tragique que le pays connaissait depuis trois années une tendance à la stabilisation de la situation sociopolitique, de la sécurité, de la croissance économique et à un début d’amélioration des conditions de vie des populations. » (Haïti PDNA du Tremblement de Terre – Évaluation des dommages, des pertes et des besoins généraux et sectoriels 2010 : 9).

Quant à la MINUSTAH, celle-ci fut aussi durement touchée par le séisme. 18 policiers civils ont perdu la vie dans la catastrophe, dont deux canadiens, et de nombreuses infrastructures associées à la mission, dont le quartier général, se sont écroulées. Les pertes de vie dans le secteur de la sécurité ainsi que l’écroulement des infrastructures de ce secteur ont étiré à la limite les capacités du personnel de sécurité sur le terrain (MINUSTAH 2010c).

En plus des dégâts tangibles, le séisme a aussi profondément modifié le contexte opérationnel de la mission et, par extension, le rôle des policiers sur le terrain. À commencer par la résolution 1908 votée par le Conseil de sécurité des Nations Unies

le 19 janvier 2010 qui fit passer le nombre autorisé de Casques bleus militaires de la MINUSTAH de 6 940 à 8 940 et le nombre autorisé de policiers civils de 2 211 à 3 71179.

En matière de sécurité, le séisme a sensiblement modifié la situation qui semblait se stabiliser graduellement. En effet, la destruction de la prison de laquelle se sont échappés de nombreux prisonniers80, les nombreux réfugiés internes qui se sont retrouvés sans domicile, le manque de nourriture et d’eau potable et l’absence d’infrastructure sont des éléments avec lesquels les policiers de la MINUSTAH et la PNH ont dû composer, et ce, malgré le fait que ces derniers aient aussi vécu des moments difficiles en raison du décès de proches dans le tremblement de terre.

Depuis les évènements du 12 janvier, les policiers de la MINUSTAH et leurs homologues de la PNH mènent des opérations de sécurité quotidienne en appui à l’aide humanitaire dans différentes grandes villes du pays. Une entrevue réalisée par le mensuel MINUSTAH Police Express avec Gerardo Christian Chaumont, le nouveau commissionnaire des Nations Unies de la MINUSTAH nous renseigne sur les différentes tâches des CIVPOLs dans l’après-séisme : un mois après le séisme, les policiers de la MINUSTAH aidaient la PNH à rétablir la sécurité publique tout en aidant au rétablissement de l’économie du pays. Les « Formed Police Units » (FPU) de la MINUSTAH avaient pour mandat d’escorter des convois d’argent en direction des banques, de sécuriser les centres de distribution d’essence et de protéger les supermarchés qui s’apprêtaient à rouvrir (MINUSTAH police express 2010a). Dans les mois suivants, le séisme, la presque totalité des policiers de la MINUSTAH disponibles fut déployée sur le terrain pour des patrouilles à pieds dans les rues de Port-au-Prince et d'autres villes touchées. Certains policiers des Nations Unies furent toutefois mandatés dans les postes de police de la PNH pour assurer la

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Des milliers d’individus se sont évadés de la prison suite au séisme dont certains avec la tenue professionnelle de la Police Nationale haïtienne, ce qui compliqua les choses pour l’implantation des mesures post-séisme. En effet, l’une des priorités fut, entre autres, de fournir un nouvel uniforme à tous les membres de la PNH afin d’éviter que les prisonniers évadés puissent profiter des uniformes volés (http://minustah.org/?page_id=21344&postTabs=0).

coordination et appuyer la PNH dans la gestion de l’après-séisme (MINUSTAH police express 2010a). À titre d’exemple, avant le séisme, Hugo Letellier et Jeannot Carrier, tous deux policiers au Service de Police de la Ville de Montréal, étaient affectés à l’académie de police d’Haïti au développement des formations pour les instructeurs haïtiens. Un mois après le séisme, lors de leur entretien avec les membres de MINUSTAH Police Express, les deux policiers étaient assignés, comme de nombreux autres policiers de la mission, à la livraison de nourriture dans des orphelinats de Port-au-Prince (MINUSTAH police express 2010 b). Quant à Adrian Hamilton, de la police Jamaïquaine, avant le séisme, il était conseiller technique auprès de l’Unité Narcotiques du Directorat Central de la Police Judiciaire d’Haïti. Il développait des cours afin d’entrainer des policiers haïtiens à mener des enquêtes spécifiques. À la suite du séisme, puisque les activités de formation furent suspendues, son unité fut affectée à la recherche d’information reliée à la criminalité, notamment en rapport aux prisonniers évadés (MINUSTAH police express 2010 b). Pour ce qui est de Christine Briand, policière canadienne qui travaillait pour le Bureau de la protection des mineurs et des crimes sexuels, elle affirme dans une entrevue que tout a changé après le séisme. Dans son cas, puisqu’elle est bilingue, elle fut affectée à divers postes afin de transcrire des rapports pour communiquer avec le siège des Nations Unies à New York. Trois mois après la catastrophe, elle était de retour à son poste initial, mais affirmait que le travail était beaucoup plus compliqué qu’avant. Dans le contexte post-séisme, il lui était très difficile de rejoindre et de trouver les jeunes et les femmes vulnérables (MINUSTAH 2010a).

Six mois après le séisme, un rapport de situation produit par la MINUSTAH nous renseigne sur les problématiques causées par les nouveaux camps de réfugiés internes (IDP). La prolifération de ces camps de réfugiés a modifié le travail des CIVPOLs au sens où ils doivent aussi assurer la sécurité dans ce type de communauté. Il y aurait plus de 1000 camps dans lesquels la PNH et les CIVPOLs effectuent des patrouilles 24 heures sur 24 et sept jours sur sept. Le cas de la violence envers les femmes est l’une des problématiques urgentes avec lesquelles les

CIVPOLs doivent composer à l’intérieur de ces camps (Leclerc et Letarte 2010; MINUSTAH 2010c). Ces différents témoignages ainsi que les différents rapports analysés nous illustrent clairement le contexte opérationnel nouveau auquel sont confrontés les policiers de la MINUSTAH. Ainsi, il nous est possible de postuler que l’un des impacts du séisme aura été de ramener la situation d’Haïti à un stade où les CIVPOLs doivent maintenant effectuer des tâches de maintien de la paix, délaissant ainsi les tâches de renforcement des capacités et de construction de la paix auxquelles ils s’affairaient précédemment.