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2.3 - Le TAT

Dans le document The DART-Europe E-theses Portal (Page 113-133)

Le TAT est une méthode complémentaire du Rorschach : alors que ce dernier est une épreuve structurale, portant sur des tâches abstraites, le TAT, lui, est une épreuve thématique, il est figuratif. Cela signifie que cette méthode présente, tout comme le Rorschach, les deux points importants soulignés précédemment (« réalité matérielle » du support et préoccupations essentielles du sujet »), mais que, la « réalité matérielle » du support en dévoile un double avantage très bien exposé par C. Chabert et F. Brelet-Foulard (1990) :

- Elle « se prête à une analyse objective de type perceptif (qui conduit à la mise en place d’une description du matériel manifeste) ».

- Elle « se prête à une interprétation subjective, entraînant des associations d’ordre projectif (ce qui traduit les significations latentes attribuées au stimulus) ».

De plus, les planches du TAT sont présentées comme des images mettant en scène des personnages dans des situations de la vie quotidienne, les sujets peuvent, ou non, créer des liens entre ces différents personnages et leurs actions réciproques. Ils réactivent ainsi, de façon latente, des conflits universels, notamment la relation œdipienne. Les récits des sujets révèlent les mécanismes de défense, spécifiques à leur personnalité, qu’ils utilisent pour appréhender et/ou résoudre ces conflits. Aux vues de ces éléments et de la nature des hypothèses posées dans le cadre de cette recherche, il semble pertinent d’administrer les planches 2, 5, 6GF, 7GF, 9GF et 13MF aux femmes rencontrées.

Les contenus de ces planches sont définis par C. Chabert et F. Brelet-Foulard (1990) et présentés dans les tableaux suivants :

Planche 2 Contenu manifeste

Sollicitations latentes

Scène champêtre. Au premier plan, une jeune fille avec des livres ; au second plan, un homme avec un cheval, une femme adossée à un arbre. Différence de sexes, pas de différences de générations.

La planche renvoie au triangle œdipien père-mère-fille malgré l’absence de différence de générations au niveau manifeste. Elle met à l’épreuve l’organisation œdipienne et son caractère plus ou moins structurant : attirance de la jeune fille par l’homme, rivalité avec la femme, reconnaissance de l’interdit, renoncement à l’amour œdipien, nostalgie, déclin de l’œdipe.

L’interdit et le renoncement auquel il contraint sont éprouvés comme une impossible séparation d’avec les objets originaires. Le sujet reste « collé » au couple en refusant de reconnaître son lien sexuel privilégié, l’exclusion par rapport au couple étant ressentie comme un rejet massif et insupportable.

Planche 5 Contenu manifeste

Sollicitations latentes

Une femme d’âge moyen, la main sur la poignée de la porte, regarde à l’intérieur d’une pièce.

Renvoient à une image féminine/maternelle qui pénètre et regarde.

Dans un contexte œdipien, la planche ravive la culpabilité liée à la curiosité sexuelle et aux fantasmes de scène primitive, la figure de la mère apparaissant à la fois séductrice et interdictrice.

Dans un autre registre, ce sont les mouvements ambivalents, plus archaïques, associés à l’angoisse de perdre l’amour de l’objet, qui sont touchés avec des traitements différents selon les sujets (versant narcissique, dépressif ou persécutif).

Planche 6 GF Contenu manifeste

Sollicitations latentes

Une jeune femme assise, au premier plan, se retournant vers un homme qui se penche sur elle (légère différence de générations, différences de sexes)

Renvoient à une relation hétérosexuelle dans l’opposition conflictuelle entre désir et défense.

Dans un contexte œdipien, cette planche convoque des fantasmes de séduction de type hystérique : c’est l’homme plus âgé (le père ou son substitut) qui est l’agent séducteur, version qui préserve l’innocence de la jeune fille.

La problématique de perte d’objet est beaucoup moins repérable à cette planche. Elle peut être sous-jacente à la relation œdipienne au père (renoncement difficile) ou à la mère (peur de perdre son amour dans la rivalité). Cependant, dans certains registres, il apparaît évident que la figure du père occupe une place et assure une fonction réparatrice lorsque la figure maternelle est trop fortement connotée par l’abandon.

Planche 7GF

Contenu manifeste

Sollicitations latentes

Une femme, un livre à la main, penchée vers une petite fille à l’expression rêveuse qui tient un poupon dans les bras (différence de générations, pas de différences de sexes).

Renvoient à la relation mère/fille.

Dans un contexte œdipien, la planche sollicite des mouvements d’identification de la fille à la mère qui autorise ou non l’accession à une place de femme et de mère.

Dans d’autres contextes, le conflit se double de la réactualisation de l’ambivalence dans la relation mère/enfant, en termes d’amour et de haine, de proximité et de rejet.

Planche 9GF Contenu manifeste

Sollicitations latentes

Au premier plan, une jeune femme, derrière un arbre, regarde une autre jeune femme qui court en contrebas, au second plan (pas de différence de sexes, pas de différence de générations).

Renvoient à la rivalité féminine.

Dans un contexte œdipien, la rivalité entre les deux femmes se noue autour d’un tiers, un homme aimé.

Au-delà de la rivalité, c’est une agressivité plus violente, et éventuellement mortifère, qui se mobilise dans une problématique où l’attaque de l’autre est susceptible d’entraîner sa disparition.

Planche 13 MF Contenu manifeste

Sollicitations latentes

Une femme couchée, la poitrine dénudée et un homme debout, au premier plan, le bras devant le visage (différence des sexes, pas de différence de générations).

Renvoient à l’expression de la sexualité et de l’agressivité dans le couple.

Dans un contexte œdipien, la planche s’organise autour d’une situation triangulaire dramatisée mettant plus ou moins au jour une fantasmatique incestueuse et meurtrière.

Au-delà, et comme toutes les planches qui sont susceptibles de solliciter une fantasmatique mortifère, c’est la question de la perte violente et de la destruction qui est ravivée, et cette fois, la massivité de la problématique peut entraîner un débordement et une désorganisation patents.

La planche 7 GF permet la mise à l’épreuve de la première hypothèse relative au télescopage des générations. Un intérêt particulier est porté sur la manière dont les personnages figurés sont nommés, individualisés ou non (reconnaissance de la différence générationnelle, utilisations de pronoms personnels) et sur le choix des qualificatifs utilisés pour décrire chacun des personnages.

Les planches 2, 6GF et 13 MF permettent la mise à l’épreuve de la deuxième hypothèse envisageant le passage à l’acte en réaction au traumatisme de la réalisation de l’interdit œdipien. La qualité et la nature des relations projetées ainsi que le choix des qualificatifs utilisés dans la description des figures masculines représentées sur ces trois planches seront analysés dans une perspective clinique.

Enfin, les planches 5, 7GF et 9GF permettent d’opérationnaliser la troisième hypothèse relative à la qualité de l’imago maternelle intériorisée. Là encore, ce sont la nature et la qualité des relations projetées ainsi que le choix des qualificatifs utilisées dans la description de l’imago maternelle qui seront étudiés sur un plan clinique.

L’utilisation d’indices qualitatifs répond au besoin de cette recherche dans la mesure où la question de la structure de personnalité des femmes auteurs de filicide, abordée sur le plan théorique, reste discutée et ne suffit pas, à elle seule, pour mettre à jour les processus psychiques en jeu au moment du passage à l’acte. Ainsi, il n’est pas opportun d’utiliser ici la grille d’analyse de V. Shentoub présentée dans l’ouvrage de C. Chabert et F. Brelet-Foulard (1990). Cette grille permet au clinicien d’évaluer les « agencements défensifs » du sujet et de poser des hypothèses quant à son fonctionnement psychique. Pour la dynamique de cette recherche, « le mode de construction des récits », « le lien et l’écart entre affects et

représentation », « le poids des mobilisations défensives » et « la résonance fantasmatique aux sollicitations latentes du matériel » (C. Chabert et F. Brelet-Foulard, 1990) seront privilégiés.

Ces différents repères permettent d’apprécier de façon plus précise l’élaboration du discours du sujet et d’en analyser les composantes en relation avec nos hypothèses.

Voici la consigne présentée lors de la passation :

« Imaginez une histoire à partir de la planche ».

Comme pour la passation du Rorschach, le temps de latence est relevé.

Au fur et à mesure de la passation, j’invite le sujet à développer : - A partir de l’histoire mise en scène par la femme.

- En lui demandant comment s’achève l’histoire selon elle.

L’ensemble des outils sera proposé aux sujets dans le même ordre que celui utilisé pour les présenter, c’est-à-dire :

- Entretien semi-directif - Génosociogramme - Rorschach

- TAT

Cette chronologie permet d’établir un cadre de confiance favorable à la mobilisation et à l’expression d’éléments inconscients enrichissant notre recueil de données.

V - Présentation des hypothèses de travail.

Hypothèse 1

Rappel de l’hypothèse théorique :

Dans un cadre de violences familiales non élaborées, le passage à l’acte filicide interviendrait dans une dynamique de télescopage des générations où l’enfant est perçu comme mauvais objet persécuteur.

Indicateur 1 : La présentation de la composition familiale est floue dans le discours des femmes auteurs de filicide, quant à la place de chacun de ses membres et leurs relations.

Indicateur 2 : Les femmes auteurs de filicide représentent, dans le cadre du génosociogramme, des maltraitances subies et des relations conflictuelles avec leurs ascendants et leur(s) enfant(s).

Indicateur 3 : Les femmes auteurs de filicide présentent des traits paranoïaques à l’épreuve projective du Rorschach (projection de menace externe, mégalomanie, besoin de protection, projection d’intention malveillante au testeur).

Indicateur 4 : A la planche 7GF du TAT les femmes auteurs de filicide utilisent des pronoms personnels qui entraînent une confusion.

Hypothèse 2

Rappel de l’hypothèse théorique :

Dans le cadre d’une relation au père de type incestuelle, le passage à l’acte filicide interviendrait en réaction au traumatisme de la réalisation de l’interdit œdipien, réactivé par l’existence de l’enfant.

Indicateur1 : Les femmes auteurs de filicide décrivent dans leur discours conscient leur père en des termes négatifs et évoquent une relation avec lui de nature incestuelle.

Indicateur 2 : Les femmes auteurs de filicide représentent, dans le cadre du génosociogramme, le symbole « ab » (inceste, viol, abus sexuel).

Indicateur 3 : Les femmes auteurs de filicide présentent des indices d’anxiété au Rorschach, notamment aux planches IV et VI (Clob, C’/C, référence au blanc, IA%, qualité de l’investissement objectal, caractère crû ou mal symbolisé des contenus projetés, degré de dévitalisation de ces contenus), sans possibilité de dégagement. Elles projettent aussi une thématique oedipienne non structurante (kinesthésies saturées par un aller-retour entre désir et interdit impossible à élaborer ou particulièrement conflictuel).

Indicateur 4 : Les femmes auteurs de filicide projettent aux planches 2, 6GF et 13MF du TAT une relation de type incestuelle et utilisent des qualificatifs négatifs dans la description de l’homme, sans possibilité de dégagement.

Hypothèse 3

Rappel de l’hypothèse théorique :

Dans le cadre de l’intériorisation d’une imago maternelle destructrice, le passage à l’acte filicide s’inscrirait dans une dynamique de répétition intergénérationnelle.

Indicateur 1 : Les femmes auteurs de filicide décrivent dans leur discours conscient leur mère en des termes négatifs et évoquent une relation avec elle de nature destructrice.

Indicateur 2 : Les femmes auteurs de filicide représentent, dans le cadre du génosociogramme, une mésentente, voire des conflits avec leur mère.

Indicateur 3 : Les femmes auteurs de filicide présentent des indices d’anxiété au Rorschach, notamment aux planches VII et IX (Clob, C’/C, référence au blanc, IA%, qualité de l’investissement objectal, caractère crû ou mal symbolisé des contenus projetés, degré de dévitalisation de ces contenus), sans possibilité de dégagement.

Indicateur 4 : Les femmes auteurs de filicide projettent des interactions sur un mode destructeur aux planches 5, 7GF et 9GF du TAT, et utilisent des termes négatifs pour décrire le personnage renvoyant à la mère, sans possibilité de dégagement.

Hypothèse 4

Rappel de l’hypothèse théorique :

Le passage à l’acte filicide signerait l’impossibilité à élaborer le deuil de l’enfant idéalisé.

Indicateur : Les femmes auteurs de filicide décrivent, dans leur discours conscient, une modification dans leur représentation de l’enfant : celui-ci est évoqué en des termes idéalisés jusqu’à la période précédant le passage à l’acte.

VI - Démarche inductive.

Ma population d’étude concerne des femmes auteurs de filicides pour lesquelles nous avons posé des hypothèses théoriques que nous avons opérationnalisées. L’ensemble de la partie théorique concerne donc exclusivement cette population. L’idée est de développer, au-delà des analyses cliniques, une approche comparative en étudiant les mêmes dimensions chez ces femmes, des femmes auteurs de violences sexuelles et une population témoin.

Dans les analyses cliniques des deux derniers groupes, il s’agirait de rappeler les hypothèses posées au sujet de la population étudiée (femmes auteurs de filicides) afin d’envisager dans quelle mesure il existe ou non des éléments spécifiques aux femmes auteurs du meurtre de leur enfant, et donc par défaut dans quelle mesure il existe des points communs ou des différences entre les trois groupes.

Nous travaillerons à la suite des analyses cliniques, non pas une synthèse, mais une analyse comparative. Ce travail mettra probablement en évidence notamment l’idée « que les femmes auteurs de violences sexuelles présentent à la fois des points communs et des différences par rapport aux femmes auteurs de filicides ». Cependant, il s’agirait ici de formaliser ces différences et similitudes sur un plan théorique, A PARTIR des analyses cliniques (et non à partir de la théorie, comme cela serait le cas dans le cadre d’une démarche hypothético-déductive).

Ce travail s’inscrit dans une démarche inductive visant à formuler des propositions générales hypothétiques plus sensibles que celles existantes aujourd’hui,

notamment en intégrant un point de vue pluridimensionnel, des facteurs de risques et de protection d’un passage à l’acte meurtrier.

Nous allons donc mettre à l’épreuve les hypothèses posées auprès des femmes rencontrées.

Dans un second temps, nous procéderons à une analyse comparative, d’abord intragroupe puis intergroupe avant de conclure quant aux facteurs de risques et de protection d’un passage à l’acte filicide.

Analyses

Cliniques

Analyses Cliniques :

Femmes

Auteurs de Filicide

Etude de la situation clinique de Madame H (auteur d’infanticide)

I - Présentation du sujet, première rencontre.

Dans le document The DART-Europe E-theses Portal (Page 113-133)