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Le surenroulement à deux composantes, libre et contraint

H- NS (Histone-like Nucleoid Structuring protein) se fixe en homodimère avec une haute

3) Le surenroulement à deux composantes, libre et contraint

Le surenroulement négatif de l’ADN bactérien pose la question de l’origine du surenroulement: les supertours sont-ils contraints in vivo ou la double hélice est-elle sujette à une tension, caractéristique de l’ADN libre ? David Pettijohn et Oswald Pfenninger ont analysé la restauration du niveau de surenroulement in vivo en présence ou en absence de gyrase, après avoir induit un nombre contrôlé de cassures simple brin par γ-irradiation sur des cellules d’E coli. La cassure d’ADN simple brin provoque une perte du surenroulement négatif qui est restaurée lorsque la gyrase est fonctionnelle. Néanmoins, en absence de gyrase, les calculs de densité apparente de supertours, reposant sur le relâchement du surenroulement diffusible induit par rayons X, montrent que le chromosome d’E. coli retient une valeur de surenroulement contraint de σc=0,030. Si la moitié du surenroulement est

contraint et l’autre diffusible (σD), comme σ = -0,06, alors σD ≥ 0,03. L’équilibre entre ces

deux types de surenroulement négatif selon les enzymes responsables du maintien de la topologie peut alors être schématisé comme dans la figure 43.

a) Les formes de surenroulement

D’après la relation ΔL = ΔT + ΔW, le déficit du nombre de liens topologiques ΔL < 0 observé

in vivo s’explique soit par une diminution locale du tour d’hélice (ΔT < 0) et/ou par

l’apparition d’une structure tertiaire surenroulée (ΔW < 0) généralement appliquée à une plus grande région. Ces formes de déficit sont nombreuses, notamment in vivo où les protéines se fixent à l’ADN en induisant des déformations structurales variées. L’ensemble des structures présentant une diminution du nombre de tours comprend la réduction globale du tour d’hélice (Wang, 1974) et la séparation locale de brin (Kowalski et al., 1988), les hélices locales gauches c’est à dire la transition de la conformation B vers la

Int Int Figure 45 : représentation schématique de la production de caténane par le système de recombinaison Int de λ entre deux sites attR en répétition directe. Les caténanes in vitro visibles sur gel sont produites par le système seulement si la collision des sites att (figurés par les flèches) forme une synapse inter-domaines. Cette réaction n’est possible que sur un substrat sous forme de plectonème linéaire, comparé aux autres formes de déficit de surenroulement présentées dans la figure 44. Ce système a ainsi permis à Bliska et Cozarelli de mettre en évidence la forme plectonémique du surenroulement (d’après Bliska et Cozzarelli, 1987). Echange de brins Synapse inter-domaines Collision des sites attR ΔW<0 ΔT<0

Figure 44 : représentation schématique des différentes formes de déficit du nombre de liens topologiques ΔLk < 0. A : représentation schématique des différentes formes de surenroulement. On distingue le pléctonème sous forme linéaire (a) ou branché (b) où le plectonème se développe perpendiculairement au segment sous forme de branchement, ou encore le toroïde ou solénoïde (c). B : représentation schématique des différentes formes de diminution du tour d’hélices. On distingue la séparation de brins (d), la réduction globale du tour d’hélice (e), la conformation ADN-Z locale (f) et l’extrusion de cruciforme (g) (d’après Bliska et Cozzarelli, 1987). A B (a) Plectonème linéaire (b) Plectonème branché (c) Toroïde (d) Séparation de brins (e) Réduction globale du tour d’hélice (f) Tour d’hélice gauche (local) (g) Extrusion de cruciformes

correspondant à un toroïde linéaire c’est à dire un toroïde sous forme hélicoïdale (Carpentier et al., 2005).

Afin de déterminer la forme prise par le déficit du nombre de liens in vivo, Bliska et Cozzarelli ont sondé les produits du système de recombinaison spécifique promue par l’intégrase Int du bactériophage λ, entre sites attB et attP répétés directement. Cette réaction est linéairement proportionnelle à la densité de supertours du substrat in vitro (Bliska and Cozzarelli, 1987) et elle produit des caténanes. Seuls les supertours négatifs formant des noeuds par le croisement de différents domaines sont convertis en nœuds de caténanes (figure 45). Or, la collision aléatoire de deux sites att dans un substrat sous forme de plectonème linéaire génère des nœuds inter-domaines ou caténanes, tandis que les autres formes alternatives de surenroulement n’engendrent que des nœuds intra- domaines. Le surenroulement toroïdal d’un substrat Int ne peut quant à lui ne résulter au mieux qu’en un seul nœud de caténane. La comparaison du nombre de nœuds de caténanes (ou complexité des produits caténés) obtenu in vivo et in vitro permet donc de déterminer la proportion d’ADN sous forme de plectonème linéaire. In vivo, aucun nœud de caténane n’est observé, mais dès que l’activité des topoisomérases de type II est inhibée, les produits topologiques issus de la recombinaison apparaîssent, reflétant indirectement la proportion de surenroulement libre. On estime que la moitié du déficit de liens, observé dans les plasmides, est capturée sous forme de nœuds de caténane, l’autre moitié du déficit étant organisée de manière indéfinie. Ainsi, in vivo, 40% du déficit de liens chromosomiques est sous forme de surenroulement plectonémique non stabilisé, donc libre, et l’autre moitié du surenroulement est contraint majoritairement sous forme de solénoïdes, par les protéines qui se fixent à l’ADN. Chez les eucaryotes et chez certaines archaea, la majorité du surenroulement négatif est contraint, sous forme de toroïdes composés d’ADN enroulé

(a)

(b)

Figure 46 : représentation schématique de la diffusion des supertours négatifs de pléctonèmes, suivant le modèle du coulissement (a) ou du branchement (b) de l’ADN. En (a), l’ADN du plectonème glisse sur lui- même, tandis qu’en (b), c’est la rotation d’un plectonème voisin qui forme ou dénature le pléctonème (d’après Staczek et Higgins, 1998).

Figure 47 : représentation schématique du profilage de l’occupation in vivo du chromosome d’E. coli par les protéines, par Vora et al, 2009. Les EPODs ont été mis en évidence par un fractionnement aqueux- organique, dont les séquences ADN à l’interface, fixées par les protéines, ont été déterminées par des puces ADN à haute résolution. Les régions ts sont transcriptionnellement inactives (d’après Cho et Palsson, 2009). Profil d’occupation des protéines in Domaines topologiques Fractionnement physique Phase organique In te ns ité d u si gn al Phase aqueuse Interface

topologique peut être diffusée sur plasmide jusqu’à 5 kb chez un mutant topA de S.

thyphimurium (El Hanafi and Bossi, 2000). Sur le chromosome, la variation du nombre de

supertours dans de grandes régions non contraintes peut induire la dynamique des plectonèmes, permettant de rapprocher des régions éloignées. Deux formes de déplacement de l’ADN induiraient cette diffusion continue du surenroulement libre permettant le rapprochement plectonémique: soit un mouvement de glissement de l’ADN correspondant au glissement d’un brin de la double hélice par rapport à son partenaire, tel un serpent, soit un mouvement de branchement où la rotation de l’axe parallèle d’un plectonème cause l’enroulement ou le désenroulement des deux doubles hélice du pléctonème voisin (Higgins et al., 1996) (figure 46).

c) Les barrières topologiques

Le blocage de la diffusion du surenroulement met en jeu des barrières topologiques qui peuvent être physiques ou énergétiques.

i) Les grands domaines d’occupation protéique et les pontages ADN

50 % du surenroulement est contraint par la fixation de protéines sur l’ADN (Bliska and Cozzarelli, 1987). L’énergie d’interaction entre les protéines et l’ADN surenroulé stabilise la molécule d’ADN, de sorte qu’aucune tension n’est transmise le long de celle-ci. Le surenroulement peut donc être contraint par des complexes nucléoprotéiques qui imposent à l’ADN une configuration particulière en trois dimensions, comme le font les NAPs en rigidifiant, courbant, enroulant ou pontant l’ADN. Vora et ses collaborateurs ont profilé l’occupation chromosomique des protéines d’E. coli à la résolution d’un seul site de fixation. Ce travail a démontré l’existence de grands domaines d’occupation protéiques (EPODs) dont

Figure 48: cartes chromosomiques d’E. coli représentant les sites de fixation de GalR en rouge dans la figure (a) et les pontages effectifs réalisés par GalR démontrés par 3C en (b) (d’après Qian et al, 2012).

(a) (b)

Figure 49 : les régions de haute structuration chez E. coli. A : carte chromosomique d’E. coli représentant les différentes caractéristiques structurales mises en évidence par analyse bio-informatique du génome. B : tableau recensant les vingt régions cumulant trois caractéristiques observables en A, à savoir une forte courbure, une accumulation d’énergie et une rigidité élevée. Le signe + ou – indique le sens de transcription

B Position (kb) Gène flanquant 5’ Gène flanquant 3’ Type Promoteur

A

protéine-ADN ont principalement été décrits dans le mécanisme de la régulation transcriptionnelle. Sur de longues distances génomiques, cette régulation se traduit par le pontage de l’ADN par des répresseurs comme la protéine GalR qui unit l’ensemble des promoteurs de gènes qu’elle cible en phase stationnaire de croissance (Qian et al., 2012) (figure 48). Sur de plus courtes distances, elle correspond à la formation de boucles par des répresseurs d’opérons tels AraI (Dun et al, PNAS, 1984), LacI (Krämer et al., 1987), DeoR (Amouyal et al., 1989), Nag (Plumbridge and Kolb, 1993), ou encore l’interaction répressive des homodimères AraC et LexA (Kornacker et al., 1998). Cela concernerait également des activateurs d’opérons tels LeuO (Chen and Wu, 2005) ou des NAPs comme Fis, ciblant les opérons ribosomiques (Bokal et al., 1997) ou encore H-NS qui séquestre le facteur σ70 de l’holoenzyme (Shin et al., 2005). ii) Les régions de haute structuration

Le surenroulement négatif de l’ADN observé chez les procaryotes existe majoritairement sous la forme de plectonèmes (Bliska and Cozzarelli, 1987). Il a été montré par ailleurs qu’une région d’ADN hautement courbée de par sa séquence (Bolshoy et al., 1991) est capable, à l’état surenroulé, d’orienter les supertours de sorte que le sommet du plectonème corresponde à cette région courbée (Hsieh and Griffith, 1988; Laundon and Griffith, 1988). Le bénéfice énergétique stocké au sommet du plectonème serait proportionnel au degré de la courbure (Ornstein and Rein, 1978): plus celui-ci est important, plus l’ADN resterait courbé à cette position, comme figé. D’après cette hypothèse, si le sommet d’un supertour de plectonème est fixé, le coulissement de l’ADN et ainsi le coulissement des supertours est contraint, formant une barrière de diffusion du surenroulement. Les régions extrêmement courbées fonctionneraient donc comme des

Position sur le génome (kb) Po si tio n su r l e gé no m e (k b) Sans traitement + rifampicine Scores d’interaction Hi-C Di re ct io nn al it é A B Figure 50 : interactions chromosomiques de C. crescentus obtenue par Hi-C. A : carte d’interactions Hi-C de C. crescentus, à 10 kb de résolution, mettant en évidence 23 CIDs sous forme de carrés, dépendants de la transcription : ceux-ci ne sont plus visibles lorsque les cellules sont traitées à la rifampicine. B : carte d’interactions d’un seul bras chromosomique de C. crescentus, associé à la préférence de directionnalité gauche (vert) - droite (vert) des interactions observées en A. Les CIDs sont soulignés en jaune et les gènes annotés sont fortement exprimés, correspondants aux potentielles frontières de domaines (d’après Le et

al, 2013).

Figure 51 : les barrières topologiques comme frontières des CIDs. A : comparaison des cartes d’interactions Hi-C de S. crescentus obtenues expérimentalement et par simulation d’un chromosome comportant une région relâchée au locus indiqué. Cette région sans plectonèmes ajoute une frontière de domaine lors de la simulation des interactions Hi-C (d’après Le et al, 2013). B : représentation schématique de la barrière de surenroulement (rouge) générée par la diminution du surenroulement lors de la transcription de l’opéron ribosomique rrnG chez S. thyphimurium, mesurée par recombinaison dépendante Opéron rrnG en cours de transcription Hi-C expérimental Hi-C simulé A B Moyenne génomique σ =-0,060

même ordre de grandeur que le nombre de frontières de domaines mis en évidence par Sinden et Pettijohn (20 à 50), ne seraient évidemment pas les seules barrières de domaines du chromosome d’E. coli. Mais les propriétés stochastiques des frontières de ces domaines, s’intègrent parfaitement avec la nature dynamique de l’équilibre évoqué. Il n’est donc pas à exclure que ces régions soient des clusters de sites de fixation de NAPs. Il est également intéressant de mentionner que les macrodomaines Ori et Ter présentent la plus grande concentration de regions RES dans le chromosome (9 et 5 sites respectivement).

iii) Les domaines d’interaction chromosomique (CIDs) : des régions relâchées

La capture de conformation du chromosome à haute résolution sur des cellules synchronisées de C. crescentus a également montré la présence de 23 domaines d’interaction chromosomique (CID) où les loci interagissent plus fréquemment entre eux qu’avec les loci d’autres domaines. Le traitement des cellules à la rifampicine inhibant l’élongation de la transcription (Campbell et al., 2001) montre que l’expression active des gènes est nécessaire à la formation des frontières de CID. L’insertion d’un gène fortement exprimé, rsaA, à l’intérieur d’un domaine, est d’ailleurs suffisante pour induire de nouvelles frontières. En effet, 17 des frontières de domaines coïncident avec des gènes fortement exprimés, qui seraient des régions moins compactées que les régions voisines (Le et al., 2013) (figure 50). Il a été montré chez S. thyphimurium, que le glissement de l’ADN dépendant du surenroulement serait bloqué par des barrières topologiques générées par des promoteurs forts (Booker et al., 2010). Ces régions relâchées sans plectonèmes, formeraient des barrières topologiques énergétiques bloquant la diffusion de supertours, un conducteur primaire d’interactions à courtes distances (figure 51). On peut supposer qu’il en est de même chez E. coli, où l’activité transcriptionnelle semble corrélée avec le nombre

Elément ADN flexible « contraction » (NTP)n (PPi)n ARN abortif Consensus ΔT>0 ΔT<0 -35 -10 16 pb -35 -10 17 pb -35 -10 18 pb A B

Figure 52 : contrôle de l’initiation de la transcription par le surenroulement. A : représentation schématique de l’échappée de l’ARN polymérase du promoteur contracté par la synthèse de 9 à 11 nt d’ARN. Cette contraction dépend de la topologie de l’ADN entre les boîtes -35 et -10, reconnues par la sous- unité σ de l’holoenzyme (d’après Revyakin et al, 2006). B : représentation schématique du modèle établissant un lien entre la longueur de l’espace en pb entre les boîtes -35 et -10 et la sensibilité du promoteur au surenroulement. ΔT<0 implique un promoteur actif par relâchement et ΔT>0 implique un promoteur actif par surenroulement.

niveau de surenroulement. Si ce niveau de surenroulement est maintenu par un ensemble de facteurs garants de l’intégrité cellulaire, c’est en raison de son rôle crucial dans le contrôle de ces processus.

a) Facteur d’expression

La variation du niveau de surenroulement local ou à l’échelle du chromosome, peut être un moyen pour la cellule de réguler finement l’expression des gènes, afin de s’adapter rapidement aux changements des conditions du milieu.

i) Echappement de l’ARN polymérase depuis la région promotrice

Des expériences de nano-manipulation d’ADN en molécule unique ont démontré que l’initiation de la transcription d’au moins 2 nt d’ARN synthétisés provoque l’accumulation d’assez d’énergie (14-18 kcal/mol) sous forme d’une structure intermédiaire sous tension, pour permettre l’échappement de l’enzyme cœur ARN polymérase depuis le promoteur (figure 52 A). Cet échappement dépend de l’interaction de la région d’ADN située en amont de l’initiation, avec le facteur σ de l’holoenzyme et les facteurs activateurs de la transcription qui facilitent la courbure et l’enroulement de l’ADN autour de la polymérase (Straney and Crothers, 1987). Les promoteurs stables, tels ceux des ARNr et des ARNt, qui sont également les plus actifs chez E. coli, répondent au surenroulement négatif (Pemberton et al., 2002). L’analyse de leur séquence montre que deux éléments de séquence semblent déterminer leur réponse à la superhélicité. L’une est une région conservée riche en GC située entre l’hexamère -10 et le TSS, appelée discriminateur car elle constitue une haute barrière d’énergie à la nucléation (Travers, 1980) et l’autre est une séquence UAS (Upstream Activating Sequence) localisée en amont de l’hexamère -35

Figure 53 : carte chromosomique d’E. coli représentant les 306 gènes sensibles au surenroulement (SSGs). Les gènes induits par le relâchement sont en rouge, tandis que ceux qui sont réprimés par la relâchement sont en vert (d’après Peter et al, 2004).

protéines, entre des mutations non létales soit dans le gène gyrB, ou dans le gène topA, c’est à dire lors entre une diminution ou une augmentation de la densité globale de surenroulement respectivement, 39 % des protéines montrent une variation de quantité suivant le niveau de surenroulement (Steck et al., 1993). In vitro, il semble que la force d’un promoteur constitutif corrèle avec la longueur de l’espace entre les régions -10 et -35. Les promoteurs dont l’expression maximale a lieu à faible densité de surenroulement, tend à présenter des espaces plus courts que 17 pb, et inversement pour les promoteurs dont l’expression est maximale à haute densité de surenroulement (Aoyama et al., 1983) (figure

52 B).

Le surenroulement étant également fonction de la séquence, chaque promoteur dispose de son propre niveau de surenroulement négatif consécutif à son activation. Aussi, l’altération de la densité de surenroulement de l’ADN peut, d’une part, modifier la structure d’une région promotrice et ainsi sa capacité à former le complexe fermé, et d’autre part, altérer sa capacité à être modifiée topologiquement pour former le complexe ouvert.