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2. Le STM à l’interface liquide/solide

2.3 Le substrat

De manière générale, le substrat doit être conducteur et atomiquement plan, sur de larges surfaces (de l’ordre du μm2

). Pour ce qui est des expériences à l’interface liquide/solide, il doit également être chimiquement inerte pour éviter toute réaction parasite et donc contaminante avec l’environnement extérieur. Les deux substrats ici utilisés sont le graphite HOPG et l’Au (111). En ajoutant le MoS2, on obtient la liste exhaustive des substrats utilisés à l’air.

Les échantillons de HOPG (Highly Oriented Pyrolytic Graphite)

Les échantillons utilisés sont des carrés de 10 mm de côté et de 2 mm d’épaisseur achetés chez Goodfellow. Ils sont rincés à l’éthanol, séchés et clivés de manière systématique avant

1 A. Stemmer, A. Hefti, U. Aebi, A. Engel. Scanning Tunneling and Transmission Microscopy on Identical Areas of Biological Specimens. Ultramicroscopy 30, 263 (1989).

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53 chaque expérience1. Cette dernière étape permet, sans souci particulier, de travailler sur des terrasses atomiques de l’ordre du µm2.

Tout comme le mica, les échantillons de HOPG sont constitués de couches polycristallines de symétrie hexagonale, maintenues entre elles par des forces de van der Waals. La structure STM observée est hexagonale centrée alors qu’elle devrait être hexagonale simple. Ceci est dû au fait que le STM est un outil permettant l’obtention d’images à partir de surfaces d’isodensité électronique. Le décalage entre les feuillets, en réalité une translation de 1,4 Ǻ, est à l’origine de l’observation de deux types distincts d’atomes. Les premiers notés A sont ceux qui se trouvent à l’aplomb d’un atome du feuillet inférieur à l’inverse de ceux notés B qui ne se superposent pas à un atome sous-jacent (Figure 2.7.a)). La distance séparant deux atomes du même type (A ou B) vaut 2,46 Å. Le fait que les atomes B présentent une densité d’états au niveau de Fermi plus importante que les A puisque leurs électrons π n’interagissent pas avec ceux de la couche du dessous, permet de considérer les atomes B comme étant ceux observés (Figure 2.7 b) et c)). Ce phénomène peut parfois s’inverser en cas de contamination de la pointe. La pointe peut alors venir appuyer sur les feuillets, afin de les imager. Les atomes B, plus mobiles, vont alors avoir tendance à s’enfoncer sous l’effet des interactions répulsives pointe-échantillon, tandis que les A resteront bloqués et seront donc favorablement imagés. Il devient alors possible de trouver des conditions d’imagerie intermédiaires pour lesquelles les deux types d’atomes sont visibles.

Figure 2.7 : a) Représentation schématique de la structure volumique d’un cristal de graphite hexagonal

(empilement ABAB) montrant les deux types non-équivalents d’atomes de carbone. Les cercles blancs entourés de noir correspondent aux atomes A possédant des voisins directement dans la couche sous-jacente. Les cercles noirs entourés de rouge correspondent aux atomes B qui se trouvent à la perpendiculaire de chaque centre d’hexagone sous-jacent et donc sans voisin direct. Les pointillés délimitent la maille élémentaire. b) Vue du dessus d’un plan de HOPG montrant les atomes observés en c). Figures reproduites d’après [2].

1

H. Chang, A.J. Bard. Observation and Characterization by Scanning Tunneling Microscopy of Structures Generated by cleaving Highly Oriented Pyrolytic Graphite. Langmuir 7, 1143 (1991).

2 F. Atamny, T.F. Fässler, A. Baiker, R. Schlögl. On the Imaging Mechanism of Monatomic Steps in Graphite.

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Cette façon d’expliquer les images obtenues sur HOPG nu fait encore l’objet de nombreux débats. Un travail théorique récent a même proposé que les points clairs visibles correspondent, en réalité, aux alvéoles présentes entre les atomes de carbone1.

Le graphite est le substrat à partir duquel nombre des résultats qui suivent sont issus, à la suite de certains travaux précurseurs réalisés au sein de notre service dans le groupe de J. Cousty au CEA Saclay2. Ce fait repose sur un comportement largement étudié des alcanes, déposés sur cette surface, qui s’y epitaxient selon le modèle de Groszek qui sera décrit ultérieurement3.

Les échantillons d’Au (111)

Ces échantillons sont décrits dans le manuscrit de thèse de Karen Perronet (2004).4 Des surfaces d’or ont été utilisées pour ce travail dans la mesure où l’or permet une bonne propagation des plasmons de surface qui interviennent activement dans le processus d’émission de lumière sous pointe, en opposition au HOPG. Ce phénomène a été détaillé dans le chapitre I (partie 2.3) de ce manuscrit.

Structure

Les surfaces d’or utilisées pour ce travail correspondent à la face cristalline (111) de ce métal présentant une structure surfacique hors du commun parmi les métaux puisqu’elle possède un agencement cubique face centrées (cfc) de reconstruction 22×√3. Cette structure, observée tardivement par STM5, a pu être déterminée. La couche terminale est plus dense que celles du volume : elle contient en effet 4,5 % d’atomes supplémentaires entraînant une contraction uniaxiale et donc un réarrangement structurel de celle–ci. La couche terminale comporte de ce fait des régions d’empilement cfc, comme dans le volume, alternant avec des régions d’empilement hexagonal compact (hc) (Figure 2.8 a)). La différence de hauteur entre les deux zones n’excède pas quelques dixièmes d’angström (cette valeur, mesurée par STM, dépend de la nature de la pointe et des conditions de balayage). Ces deux régions sont séparées par des domaines de transition où les atomes se retrouvent dans des sites de symétrie inférieure. La zone située entre deux lignes appariées correspond à un empilement hc et celle entre deux paires de lignes à un empilement cfc. On notera que les zones cfc, plus stables énergétiquement occupent logiquement la plus grande surface (Figure 2.8 b)). Les vecteurs de

1

M. Ondráček, P. Pou, V. Rozsíval, C. González, P. Jelínek, R. Pérez. Forces and Currents in Carbon Nanostructures: Are We Imaging Atoms?. Phys. Rev. Lett. 106, 176101 (2011).

2 G. Watel, F. Thibaudau, J. Cousty. Direct Observation of Long Chain Alkane Films on Graphite by Scanning Tunneling Microscopy. Surface Science Letters 281, L297 (1993).

3

A. J. Groszek. Selective Adsorption at Graphite/Hydrocarbons Interfaces. Proc. Roy. Soc. Lond. A. 314, 473 (1970).

4 K. Perronet. Étude par détection de photons des processus électroniques au sein d'une jonction tunnel dans un milieu moléculaire. Ann. Phys. Fr. 30, 1 (2005).

5

J. V. Barth, H. Brune, G. Ertl, R. J. Behm. Scanning Tunneling Microscopy on the Reconstructed Au (111) Surface: Atomic Structure, Long-Range Superstructure, Rotational Domains and Surface Defects. Phys. Rev. B. 42, 9307 (1990).

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55 base (b1;b2) de la maille reconstruite s’obtiennent à partir des vecteurs de base (a1;a2) de la maille élémentaire non reconstruite par la relation matricielle suivante :

=

On arrive ainsi à une maille rectangulaire avec des vecteurs de base de normes respectives 22a et √3a où a est la distance entre deux atomes d’or adjacents dans le volume, d’où la notation utilisée pour nommer cette reconstruction (Figure 2.8 c)). Les marches résiduelles, de hauteur h = 2,5 Å, sont généralement orientées dans la direction de (a1) notée aussi < 110 > et les lignes de reconstruction sont suivant la direction (b2) ou < 112 >.

Figure 2.8 : a) Image à résolution atomique de l’Au (111) reconstruit le long de deux paires de lignes de

corrugation (en blanc). La maille élémentaire y est apposée. IT = 631 nA, VT = -69 mV, 57 × 89 nm2. b) Domaine de 123 × 128 nm2 montrant les lignes de reconstruction par paires ainsi que les coudes formés. c) Schéma d’une face (111) de l’or. Le réseau hexagonal est décrit par les vecteurs de base (a1;a2). Les vecteurs de base (b1;b2) de la maille reconstruite sont représentés. L’orientation des marches et des lignes de reconstruction est donnée. Figures reproduites d’après [1].

1

J. V. Barth, H. Brune, G. Ertl, R. J. Behm. Scanning Tunneling Microscopy on the Reconstructed Au (111) Surface: Atomic Structure, Long-Range Superstructure, Rotational Domains and Surface Defects. Phys. Rev. B. 42, 9307 (1990).

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Les lignes sont coudées, formant des chevrons (« herringbones ») pour trouver un équilibre entre la stabilisation énergétique due à la reconstruction et les contraintes imposées par la forte densité d’atomes et la contraction uniaxiale. En effet, les coudes des différentes lignes de reconstruction, eux-mêmes alignés, sont le lieu d’une relaxation élastique et les lignes de coudes présentent une interaction répulsive entre elles. Un équilibre est atteint pour une certaine distance entre ces lignes.

Préparation des surfaces

Les substrats d’Au utilisés pour cette étude ont été fabriqués au sein de notre laboratoire, après une longue période d’optimisation par un précédent doctorant (G. Metgé).

Afin d’obtenir une surface rigoureusement plane d’Au (111), nous sommes partis d’un substrat de mica muscovite [KAl2(Si3Al)010(OH)2], lui-même parfaitement plan. Ce dernier est composé d’un empilement de feuillets, liés entre eux par des liaisons de type van der Waals. Ils peuvent être clivés selon le plan (001), le long duquel se trouve une monocouche d’ions potassium qui forment un réseau hexagonal et qui se trouvent alors répartis de manière équivalente sur les deux surfaces [110].

Figure 2.9 : Structure cristalline du mica a) projection [110] b) surface clivée [111].

Le support de mica est placé dans l’enceinte d’évaporation et porté à haute température (350°C) pendant plusieurs jours afin de lui permettre un dégazage complet (déshydrogénation)1. La pression à l’intérieur de la chambre est alors égale à 1 × 10-7

mbar. Des pépites d’or ultra pur à 99,9999 % (Strem Chemicals), préalablement placées dans un creuset disposé à 200 mm de la surface de mica, sont ensuite portées à leur température de

1 E.H. Lee, H. Poppa, G. M. Pound. Quantitative Measurements of Nuclation and Growth Kinetics of Gold on Mica. Thin Solid Films 32, 229 (1976).

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57 fusion (1064 °C sous 1 atm). L’évaporation d’Au peut alors commencer, à une température légèrement supérieure à cette température (~1200 °C).

Le contrôle de l’épaisseur ainsi déposée se fait à l’aide d’une balance à quartz refroidie en continu par un filet circulant d’eau. Lors de l’évaporation en elle-même, la pression peut atteindre 1 × 10-6 mbar et la vitesse de dépôt doit être constamment surveillée et réglée sur 3 Å.s-1. L’épaisseur finale des échantillons obtenus peut varier de 60 à 250 nm et s’approche des 120 nm en ce qui concerne les expériences présentées dans ce manuscrit.

Flammage des surfaces d’Au

A la sortie de l’évaporateur et après quelques jours passés à l’air, il est possible que les substrats soient contaminés par diverses substances présentes dans l’atmosphère ou que les terrasses ne présentent pas une taille optimale. Ces deux problèmes peuvent être réglés en effectuant un flammage à l’hydrogène. Ce dernier est produit à partir de l’hydrolyse de l’eau selon les réactions :

2 H2O (liquide) → O2 (gaz) + 4 H+ (aqueux) + 4 e -4 H2O (liquide) + 4 e- → 2 H2 (gaz) + 4 OH (aqueux) Soit globalement : 2 H2O (liquide) → 2 H2 (gaz) + O2 (gaz)

Dans sa partie bleutée, une flamme de dihydrogène peut atteindre la température de 2300 K, ce qui permet d’éliminer nombre de contaminants1

et de modifier la structure surfacique de l’or en permettant aux atomes de se réarranger (obtention de terrasses plus vastes).

Lors de l’imagerie, il est possible que les marches d’Au se déforment sous l’effet du champ électrique et forment alors ce que l’on appelle des empreintes (« fingerprints »).2,3