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Délicatesse de la conduite d’expériences STM et de leur interprétation

2. Le STM à l’interface liquide/solide

2.7 Délicatesse de la conduite d’expériences STM et de leur interprétation

Dans les chapitres qui suivent, les résultats obtenus par STM seront présentés. A de nombreuses reprises, le manque de stabilité de certaines images et la difficulté d’interprétation des images seront évoqués et nous avons choisi d’en expliciter les raisons.

Les conditions opératoires

Une fois l’expérience lancée en STM, il faut garder plusieurs points en tête :

La concentration des solutions utilisées ne reflète a priori pas de façon rigoureuse ce qui se passe en surface. Dans le cas de l’interface liquide/solide, la manière dont la goutte déposée recouvre le substrat n’est pas forcément homogène et des gradients de concentration sont à envisager. Ceci signifie qu’une zone imagée peut refléter un comportement qui ne sera pas global, à l’échelle de l’échantillon complet. Un grand nombre de déplacements sur la surface est donc nécessaire.

 Les surface, les pointes, les solvants ainsi que tout matériel entrant en contact direct avec les objets d’étude (pinces, porte-pointe, surface sur laquelle repose l’échantillon,

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ressort tenant l’échantillon) sont soigneusement nettoyés avant chaque expérience. Néanmoins, il se peut qu’un contaminant coriace soit toujours présent (exemple des thiols qui peuvent rester dans l’environnement atmosphérique) et modifie l’organisation en surface. Ainsi, certaines étrangetés sont parfois observées (organisation ou motifs différents) ou des expériences sont parfois non reproductibles.

L’interprétation des images de topographie

Comme nous l’avons déjà dit, une image STM n’est pas une photographie de la surface :

 Les densités locales d’états électroniques sont à la source des images obtenues. Elles résultent du recouvrement des états de la pointe avec celle de l’échantillon mais aussi celles du substrat. Un effet électronique « saugrenu » peut parfois donner lieu à des interprétations hasardeuses.

 Les parties conjuguées des molécules sont préférentiellement imagées, leurs niveaux énergétiques étant les plus facilement atteignables lors du transfert des électrons tunnel puisque plus proches des niveaux de Fermi des électrodes Le courant tunnel récolté est alors plus important que, par exemple, pour les parties alkyles dont le gap est généralement plus grand.

 La comparaison d’images entre elles est délicate. Au sein d’une même image, la valeur absolue en z reste la même et les variations de contraste, attribuées à des variations de hauteur, peuvent donc être mises en parallèle. Ceci est encore plus vérifié pour des éléments situés sur une même ligne de balayage selon l’axe rapide. Ces considérations ne sont plus valables d’une image à l’autre, cas pour lequel la pointe peut être modifiée, et surtout pas pour des expériences différentes ou tous les paramètres sont changés (dérive de la céramique piézo-électrique, surface, pointe, conditions d’imagerie).

 La qualité de l’apex, c’est-à-dire la finesse terminale de la pointe, est de la plus haute importance. Une pointe peut être double, c’est-à-dire qu’elle peut interagir en deux points différents avec le substrat. Les images sont alors dédoublées ce qui peut se repérer sur une image si ces deux points ne sont pas trop éloignés l’un de l’autre. Une pointe peut également être trop large et, être imagée par la surface, à l’inverse de ce que nous désirons.

La stabilité des molécules

La pointe est en contact extrêmement rapproché avec les molécules ce qui entraîne certains inconvénients :

 Si elles ne sont pas fortement ancrées, c’est-à-dire, si leur organisation repose sur la physisorption et que la force de cohésion avec le substrat mais aussi entre molécules

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67 est trop faible, elles sont alors susceptibles d’être arrachées et/ou déplacées sur l’échantillon. Sur les images, cela se traduira par des points ou des traînées très claires ou sombres puisque le passage du courant tunnel sera fortement perturbé par ce mouvement.

 Le passage d’électrons tunnel implique l’établissement d’un fort champ électrique (de l’ordre de 109

V.m-1) sur de très faibles surfaces. Les molécules, notamment les plus petites et ioniques ou simplement polaires, ne peuvent pas toujours supporter ces forces induites. Un désordre s’installe alors au sein de l’assemblage provoquant, par exemple, certains mouvements qui vont perturber le courant tunnel et donc les images obtenues. Des mouvements internes sont également possibles au sein des molécules, liés à leur géométrie (Chapitre III, partie 2, Figure 3.14), ce qui aura les mêmes conséquences.

 Selon le signe de la polarisation appliquée, une force électrostatique défavorable peut, encore une fois, perturber les molécules et même accentuer leur arrachage de la surface. Envisageons une tension négative appliquée à l’échantillon (ce qui est, majoritairement notre configuration, les orbitales ainsi atteintes de manière résonnante étant plus facilement imagées) sur lequel les molécules sont déposées. La pointe est donc chargée positivement. Les molécules en surface vont alors subir une force électrique qui va être perpendiculaire et dirigée vers la pointe. Les molécules, entraînées par cette force sont donc incitées à se décoller de la surface plutôt qu’à y rester. Ce phénomène sera d’autant plus présent lors de tentatives d’émission, puisque pour obtenir des photons, nous devons continuer à imager dans les conditions extrêmes nécessaires à l’injection de charges (~ 1 nA et 2-3 V) éloignées des conditions usuelles pour l’imagerie STM (quelques pA et 0,5-1,5 V). Au-delà de ce que subissent les molécules, le substrat est également souvent détérioré, de manière irréversible, après l’application de telles conditions.

 La stabilité des molécules est également mise à rude épreuve lors de la réalisation de courbes de spectroscopie tunnel. Les brusques variations d’intensité et/ou de signe sont très brutales pour elles (phénomènes électrochimiques possibles entre les molécules neutres et les molécules chargées). Ce point est développé dans l’annexe B. Loin de devoir décourager l’expérimentateur, ces aspects sont indispensables à la conduite d’expériences fiables et à une interprétation à l’analyse accrue.

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