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Chapitre 1 : Introduction et problématique

1.3 Le stress associé au réticulum endoplasmique

Le réticulum endoplasmique (RE) est une organelle liée à la membrane nucléaire des cellules eucaryotes. Il reçoit de nombreux signaux cellulaires dans le but de maintenir l'homéostasie de la cellule. Chez les neurones, le RE est présent dans le corps cellulaire et est appelé corps de Nissl. Assurant des rôles multiples au sein de la cellule, le RE joue un rôle particulièrement essentiel dans la synthèse protéique, le repliement des protéines, la régulation et la réalisation des modifications post-traductionnelles (Ellgaard and Helenius 2003). Le RE possède un système de protéines chaperonnes efficace visant à prévenir l'accumulation de protéines mal repliées ou l'agrégation protéique (Horwich 2002). Différentes conditions physiologiques ou pathologiques peuvent venir perturber le processus de repliement des protéines s'effectuant dans la lumière (lumen) du RE, contribuant à l'accumulation de protéines mal repliées. Cette condition cellulaire constitue le stress du RE (Hetz, Martinon et al. 2011). Le RE comprend trois protéines membranaires jouant le rôle de senseur du stress et étant impliquées dans la réponse aux protéines mal repliées : l'inositol-requiring

enzyme 1 (Ire1), l'activating transcription factor 6 (ATF6) et la protein kinase RNA-activated (PKR)- like ER kinase (PERK) (Kraskiewicz and FitzGerald 2012)

1.3.1 La réponse aux protéines mal repliées

La réponse aux protéines mal repliées ou unfolded protein response (UPR) est un mécanisme associé au RE lorsque ce dernier est en condition de stress. Ce mécanisme est très conservé dans les différentes espèces, allant des levures aux mammifères. En condition normale, chaque senseur est lié à la glucose-regulated protein 78/B-cell immunoglobulin binding protein (GRP-78/Bip), une protéine chaperonne jouant un rôle essentiel au sein du RE (Kraskiewicz and FitzGerald 2012). En condition de stress, GRP-78/Bip ne lie plus les senseurs et la cascade de signalisation commence (Figure 1.8) (Healy, Gorman et al. 2009).

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L'effet combiné observé par l'activation des trois branches de l'UPR, Ire1, ATF6 et PERK, résulte en une régulation à la hausse de plusieurs gènes codant pour des chaperonnes et une régulation à la baisse de la synthèse protéique (Roth and Koshland 1981; Turano, Coppari et al. 2002; Atkin, Farg et al. 2006). Les protéines chaperonnes du RE catalysent la formation et le réarrangement des ponts disulfures intra et intermoléculaires, permettant ainsi de diminuer la quantité de protéines mal repliées et par le fait même, le stress associé au RE (Roth and Koshland 1981; Turano, Coppari et al. 2002).

Ire1 est une protéine possédant une activité kinase intrinsèque et endoribonucléase. Elle est encodée chez l'humain par le gène ERN1 (Tirasophon, Welihinda et al. 1998). En condition de stress, GRP-78/Bip ne lie plus Ire1, qui s'oligomérise et active son domaine ribonucléase via l'autophosphorylation. Par la suite, Ire1 est en mesure de cliver l'ARNm de la X-box binding protein 1 (XBP1), enlevant ainsi 26 nucléotides d'un intron non conventionnel et provoquant le déplacement du cadre de lecture (Kober, Zehe et al. 2012). Cette modification à l'ARNm permet la traduction en une protéine fonctionnelle, le facteur de transcription sXBP1 (Calfon, Zeng et al. 2002; Healy, Gorman et al. 2009). La protéine sXBP1 est impliquée dans plusieurs voies de signalisation, telles que la régulation des gènes codant pour certains complexes d'histocompatibilité de classe II et la différenciation des cellules plasmatiques (Ono, Liou et al. 1991; Iwakoshi, Lee et al. 2003). En condition de stress cellulaire, sXBP1 régule à la hausse des gènes codant pour des protéines chaperonnes et des protéines impliquées dans l'endoplasmic-reticulum-associated protein

Figure 1.8 Représentation schématique des voies de signalisation initiées par les trois branches de l'UPR (Healy, Gorman et al. 2009)

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Quant à lui, ATF6 est un facteur de transcription qui, une fois libéré de GRP-78/Bip, subit un clivage protéolytique dans l'appareil de Golgi. La portion cytosolique nouvellement créée est transloquée vers le noyau, où le fragment agira à titre de facteur de transcription pour des gènes associés à des chaperonnes, tels que GRP-78/Bip et GRP-94, et des gènes associés directement à l'UPR, comme XBP1 (Li, Baumeister et al. 2000; Healy, Gorman et al. 2009).

Finalement, lorsque GRP-78/Bip ne lie plus PERK, cette dernière se dimérise et s'autophosporyle, provoquant ainsi son activation (Healy, Gorman et al. 2009). Par la suite, la PERK active peut phosphoryler la sérine 51 du facteur eIF2α, le rendant ainsi inactif (Schroder and Kaufman 2005). L'inactivation de eIF2α entraîne l'inhibition de la traduction majoritaire au sein de la cellule, soit la traduction cap-dépendante. Cependant, les ARNm n'impliquant pas ce processus de traduction, comme les ARNm contenant des Internal ribosome entry site (IRES), peuvent tout de même être traduits (Hetz, Martinon et al. 2011).

Au cours des dernières années, des études ont été réalisées dans le but d'établir un lien entre les trois branches de l'UPR et la SLA. Ces études ont démontré que des souris exprimant certaines mutations associées à la SOD1, combinées à une activation de l'UPR, développent plus rapidement les symptômes de la maladie (Wang, Popko et al. 2011). De plus, il a été démontré qu'en réduisant le stress du RE, il est possible de diminuer in vivo, dans un modèle transgénique de

Caenorhabditis elegans, la toxicité causée par les agrégats de TDP-43 (Vaccaro, Patten et al. 2013).

Une autre étude a également démontré que suite à l'administration de salubrinal, un inhibiteur du stress du RE, la survie des souris mutantes SOD1G93A est augmentée (Saxena, Cabuy et al. 2009).

Ces résultats indiquent donc le lien entre l'UPR et la SLAF, ouvrant ainsi une porte à la recherche d'un traitement agissant directement sur les facteurs du stress associé au RE.

1.3.2 Composés connus pour induire un stress au réticulum endoplasmique 1.3.2.1 Curcuma

Le curcumin, composante majeure responsable du pigment jaune du curcuma (Curcuma longa) est couramment utilisé comme épice dans la cuisine indienne et a retenu l'attention de plusieurs spécialistes en raison de ses propriétés bénéfiques. Malgré la mise en évidence de ses propriétés antioxydantes, anti-carcinogéniques, anti-angiogéniques et anti-inflammatoires par l'intermédiaire de nombreuses études, plusieurs équipes de recherche ont également démontré que le curcuma peut induire une augmentation du stress au niveau du RE (Aggarwal, Sundaram et al. 2007; Pae, Jeong et al. 2007; Bakhshi, Weinstein et al. 2008; Cao, Li et al. 2013). En effet, une augmentation significative de GRP-78/Bip est présente suite à un traitement au curcuma de cellules pulmonaires et immunitaires cancéreuses (Pae, Jeong et al. 2007; Lin, Huang et al. 2008). Le curcuma semblerait augmenter le stress au niveau du RE en stimulant la production d'espèces réactives d'oxygène (ROS) (Minamino, Komuro et al. 2010; Pal, Cristan et al. 2010).

1.3.2.2 Paraquat

Le paraquat est un pesticide à effet herbicide largement utilisé à travers le monde, malgré son utilisation de plus en plus restreinte voire interdite dans certains pays (Wunnapuk, Mohammed et al. 2014). Son ingestion cause des lésions dégénératives aigües du système nerveux. Le paraquat possède des effets neurotoxiques similaires à ceux du plomb et du mercure (Dinis-Oliveira, Duarte et al. 2008; Gawarammana and Buckley 2011). Plusieurs équipes de recherche ont démontré que le paraquat reproduit plusieurs symptômes associés à des maladies neurodégénératives, comme la perte des neurones dopaminergiques, une déficience en dopamine, une augmentation du stress oxydatif, un mauvais fonctionnement du protéasome et des dysfonctions motrices (Liou, Chen et al. 1996; Brooks, Chadwick et al. 1999; McCormack, Atienza et al. 2005; Kuter, Smialowska et al. 2007; Yang, Tiffany-Castiglioni et al. 2009). De récentes évidences démontrent également que le paraquat activerait la voie Ire1 de l'UPR, déclenchant ainsi une cascade de signalisation menant très souvent à l'apoptose de la cellule (Yang, Tiffany-Castiglioni et al. 2009). De plus, il est possible d'observer une augmentation significative de GRP-78/Bip suite à un traitement au paraquat chez des lignées de neurones moteurs et de neuroblastomes humains et murins (Yang and Tiffany-Castiglioni 2007).

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1.3.2.3 Tunicamycine

La tunicamycine est un antibiotique inhibant la N-acétylglucosamine phototransférase (GTP) via l'inhibition de la N-glycolysation, ce qui a pour effet de bloquer la synthèse des oligosaccharides liés aux lipides dans le RE (Banerjee, Lang et al. 2011). Ainsi, la formation des glycoprotéines n'est pas possible, ce qui cause une accumulation de glycoprotéines non repliées et par le fait même un stress au niveau du RE (Kornfeld and Kornfeld 1985; Banerjee, Lang et al. 2011). De plus, un traitement à la tunicamycine induit l'arrêt du cycle cellulaire en G1, en plus d'entraîner éventuellement l'apoptose des cellules (Banerjee, Lang et al. 2011; Schonthal 2012).

1.3.2.4 Rapamycine

La rapamycine, ou sirolimus, est un immunosupresseur inhibant l'activation des cellules T et qui est essentiellement utilisé dans les cas de transplantation rénale (Sehgal, Baker et al. 1975; Thomson, Turnquist et al. 2009; Staats, Hernandez et al. 2013). Ce composé est très utilisé en recherche fondamentale dans le but d'augmenter l'autophagie via la phosphorylation du récepteur mammalian

target of rapamycin (mTOR) (Heitman, Movva et al. 1991; Staats, Hernandez et al. 2013). Bien que

plusieurs études indiquent que la rapamycine a un effet bénéfique sur plusieurs maladies neurodégénératives, telles que l'Alzheimer et le Parkinson, en raison de son effet pro-autophagique, plusieurs études ont également été menées en lien avec la SLA (Spencer, Potkar et al. 2009). De manière intéressante, les souris traitées à la rapamycine ont vu leur survie diminuée ou inchangée (Bhattacharya, Bokov et al. 2012; Staats, Hernandez et al. 2013). Malgré ses effets bénéfiques sur le stress du RE en raison de l'autophagie, un traitement prolongé et intensif à la rapamycine induirait ce dernier de façon importante (Ching and Weihl 2013).

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