• Aucun résultat trouvé

Chapitre 3 : L’immunothérapie pour le traitement de la sclérose latérale amyotrophique

3.3 Introduction

La Sclérose Latérale Amyotrophique (SLA) est une maladie caractérisée par la dégénérescence sélective des neurones moteurs du cerveau et de la moelle épinière. Elle se déclenche généralement à l’âge adulte, entraînant une paralysie progressive et la mort dans les 3 à 5 ans suivant l'apparition des premiers symptômes. Environ 10% des cas de SLA sont familiaux (SLAF) et 90% sont sporadiques (SLAS) [1]. À l’heure actuelle, des mutations dans les gènes SOD1, TARDBP, FUS/TLS et C9ORF72 sont les principales causes clairement identifiées de la SLAF [2-6]. Toutefois, pour la plupart des cas de SLA, c.-à-d. les cas sporadiques, les causes demeurent toujours inconnues. De façon intéressante, il a été démontré que les cas sporadiques partageraient avec les cas familiaux une voie pathogénique commune impliquant le mauvais repliement de la protéine SOD1 [7]. Plus de 150 différentes mutations faux-sens dans le gène SOD1 ont été identifiées.

Plusieurs modèles de souris transgéniques, surexprimant des mutations dans le gène SOD1 trouvées chez les patients SLAF, ont déjà été générés (tableau 3.1). Dans tous ces modèles de souris, on observe la mort massive des neurones moteurs de la moelle épinière et la perte d'axones myélinisés dans les racines ventrales motrices menant à des déficits moteurs, de l'atrophie musculaire et à une paralysie fatale. En plus de la dégénérescence neuronale observée chez ces modèles murins, on observe également, de façon similaire à la pathologie humaine, une astrocytose et une microgliose dans les tissus lésés. En dépit de ces similitudes histopathologiques, le moment d'apparition des premiers symptômes, la progression et la sévérité de la maladie diffèrent souvent de façon drastique. À ce jour, les chercheurs n'ont pas encore été en mesure d’établir une corrélation entre ces différences phénotypiques et l'activité enzymatique de SOD1, pouvant varier selon la nature de la mutation, ou encore avec la stabilité des différentes protéines SOD1 mutantes. SOD1 est une importante métalloprotéine responsable en quelque sorte de la défense contre le stress oxydatif et la production de radicaux libres lors de la respiration cellulaire. La grande variabilité dans l’activité enzymatique associée aux différents mutants SOD1 et l'absence de dysfonctionnement moteur ou autres signes de dégénération chez des souris knock-out (KO) pour le gène Sod1, rend la perte de la fonction un mécanisme pathogénique peu probable [8, 9]. Ces résultats suggèrent donc que la toxicité des divers mutants SOD1 viendrait d’un gain plutôt que d'une perte de fonction. De plus, les souris transgéniques surexprimant de façon ubiquitaire diverses mutations du gène SOD1 humain développent une neurodégénérescence qui est similaire à la maladie humaine [10-13].

48

Toutefois, des souris transgéniques surexprimant à un niveau similaire la protéine SOD1 humaine de type sauvage (tgSOD1wt) ne développent pas la maladie [14]. Bien que ces modèles impliquent la protéine SOD1 mutante dans le développement de la dégénérescence des motoneurones, le mécanisme par lequel SOD1 mutante provoque une dégénérescence spécifique des motoneurones, en l’absence de pathologie dans d’autres tissus ou organes, reste encore mal compris. Étonnamment, les souris transgéniques exprimant de façon spécifique la SOD1 mutante seulement dans les neurones (NFL-SOD1G37R) ne développent pas la maladie [15]. De plus, des études avec des souris SOD1 mutantes chimériques démontrent que la toxicité de la SOD1 mutante n’est pas uniquement intrinsèque aux motoneurones [16].

Tableau 3.1 Souris transgéniques SOD1 couramment utilisées pour l’étude de la SLA

Lignée G93Ahigh G93Alow G37R G85R hWT-SOD1 Sod1 KO

Publication originale Gurney et al., Science 1994 Alexander et al., Brain Res Mol Brain Res 2004

Wong et al.,

Neuron 1995

Bruijn et al.,

Neuron 1997

Bruijn et al., Science 1998

Reaume et al.,

Nat Genet. 1996

Promoteur hSOD1 hSOD1 hSOD1 hSOD1 hSOD1 ---

Expression du transgène Élevée Ubiquitaire Faible Ubiquitaire Faible Ubiquitaire Faible Ubiquitaire Élevée Ubiquitaire --- Dégénération

neurone moteur Oui Oui Oui Oui Non Non

Stabilité de la

protéine Stable Stable Stable Réduite Stable ---

Début des symptômes Tôt 3-4 mois Tardif 6-7 mois Tardif 11 mois Tardif 7,5 mois --- --- Progression de la maladie Modérée (3 semaines) Lente (8 à 9 semaines) Lente (4 à 6 semaines) Rapide (2 semaines) --- --- Accumulation SOD1

mal repliée Élevée Élevée Modérée Modérée Aucune Aucune

Diverses hypothèses ont été proposées comme contributeurs potentiels de la maladie, telles que les dommages oxydatifs, l’excitotoxicité, les anomalies mitochondriales, la neuroinflammation et l’autophagie, mais ces derniers pourraient être secondaires au processus de neurodégénérescence. L'hypothèse la plus vraisemblable à ce jour est que la toxicité de la protéine SOD1 mutante serait liée à un mauvais repliement tertiaire de la protéine [7]. Cette hypothèse est pleinement compatible avec le gain de propriétés toxiques associé aux mutations du gène SOD1, suggérant que l’adoption d’une mauvaise conformation pourrait induire une forme de toxicité associée à la protéine SOD1 ainsi modifiée. Plusieurs effets délétères peuvent résulter de l'interaction de la protéine SOD1 mal repliée avec des composants cellulaires essentiels (fig. 3.1). Des études ont démontré qu'une fraction de SOD1 mutante pouvait être transférée via le réseau réticulum endoplasmique (RE)-Golgi. De plus, les chromogranines, protéines abondantes dans les neurones moteurs, les interneurones et les astrocytes activés, pourraient agir en tant que protéines chaperonnes afin de promouvoir la sécrétion de SOD1 mal repliée [17, 18]. La protéine SOD1 mutante extracellulaire pourrait alors induire une microgliose et la mort des motoneurones [18]. Un tel mécanisme pathogénique, basé sur la toxicité de SOD1 mutante sécrétée, est en lien avec les conclusions selon lesquelles la maladie n’est pas strictement intrinsèque aux neurones moteurs et que la toxicité se propage d'une cellule à une autre [16, 19, 20]. Toutefois, même si un tel modèle est intéressant et suggère que SOD1 mal repliée peut induire le mauvais repliement de SOD1WT (protéine sauvage), la vulnérabilité sélective des neurones moteurs dans la SLA reste énigmatique. Les défis dans l'avenir sont donc d’identifier quels sont les dommages somatiques provoquant un changement de conformation de la protéine SOD1, de découvrir des façons de prévenir le mauvais repliement de cette protéine et de limiter sa propagation à travers le système nerveux.

Bien que la SLA ne soit pas considérée comme une maladie déclenchée par le système immunitaire, des études utilisant des modèles murins transgéniques ont démontré que la réponse immunitaire pourrait jouer un rôle important dans le processus de dégénération [21-24]. Le système immunitaire pourrait avoir des effets bénéfiques ou indésirables selon le contexte. Récemment, des approches expérimentales visant à induire une réponse immunitaire humorale chez les modèles murins de SLA ont connu des effets bénéfiques. Dans cet article, nous ferons une revue et discuterons de la manière dont l’activation du système immunitaire via des approches d’immunisation pourrait offrir des avenues thérapeutiques prometteuses dans la SLA.

50

Figure 3.1 Modèle de toxicité associé au mauvais repliement de la protéine SOD1 et à son agrégation

Dans des conditions normales, le monomère réduit (non métallé) de SOD1 se dimérise avec lui- même avant que les ions métalliques du cuivre (Cu) et de zinc (Zn) puissent s’incorporer au dimère. La formation de ponts disulfures intramoléculaires permet ensuite la stabilisation de l’enzyme. Le mauvais repliement de la protéine SOD1 par divers facteurs qui favorisent la conversion des monomères réduits vers sa forme mal repliée mène à la formation de petits et de gros agrégats protéiques avec des propriétés toxiques.

3.4 Éléments cruciaux à considérer pour le développement d’une

Documents relatifs