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2.4 La satisfaction au travail : une attitude

4.1.1 Le processus cognitif d’expression des attitudes

Sur la base des différentes recherches effectuées durant les 20 dernières années dans le champ des attitudes (p.ex. : Chaiken, 1987 ; Fazio, 1990 ; R. E. Petty & Cacioppo, 1986 ; Wegener & Petty, 1997 ; Wilson et al., 2000), Krosnick et al. (2005) distinguent trois étapes dans le processus d’évaluation : la phase d’activation automatique, la phase de délibération et la phase de réponse.

Durant la phase d’activation automatique, un objet ou sa représentation symbolique suscite des évaluations automatiques et cela sans intention, sans effort et sans en être conscient. Cette évaluation spontanée serait le résultat d’une activation automatique associée à un contenu se trouvant dans la mémoire à long terme (p.ex. : Bargh et al. (1992) ; De Houwer et al. (1998), cités par Krosnick et al.

(2005, p.25)).

Ces processus automatiques se développeraient suite à des expériences fréquentes et répétitives avec un certain stimulus (Shiffrin & Schneider, 1977). Ceci aurait pour conséquence que certains contenus dans la mémoire seraient automatiquement activés en fonction de la force de l’association entre le

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contenu et l’objet. Ainsi, l’activation automatique dépend de l’accessibilité de l’information, et donc toutes les attitudes ne seront pas également sujettes à ce type de processus.

Dans la deuxième phase, dite de délibération, une recherche contrôlée d’informations a lieu, mais uniquement si la personne en a l’opportunité et la motivation. Cette recherche inclut les évaluations stockées en mémoire ainsi que toutes les associations pertinentes, et dépend de son accessibilité au moment de la recherche (Salancik et Conway (1975) ; Tourangeau et al. (1989), cité par Krosnick et al. (2005)).

La troisième et dernière phase est la phase de réponse. Ces réponses peuvent être aussi bien délibérées qu’automatiques, et peuvent donc être explicites ou implicites en fonction que la personne émettant la réponse est consciente ou non du lien existant entre son attitude et sa réponse.

Pour mesurer ces réponses, il existe deux types de mesures : les mesures explicites, qui nous intéressent plus particulièrement, et les mesures implicites, que nous aborderons très brièvement.

Les mesures explicites

Une manière traditionnelle de mesurer les attitudes consiste à utiliser des mesures directes auto-rapportées. Les pionniers dans ce type de mesure des attitudes sont Thurstone (1928) et Likert (1932).

Leurs méthodes sont très élaborées, mais sont rarement utilisées aujourd’hui, les chercheurs préférant des mesures plus simples. Ci-dessous figure un bref descriptif des méthodes proposées par Thurstone et Likert.

La méthode de Thurstone (1928) :

– Générer 100 à 150 déclarations d’évaluations favorables et non favorables à un objet ; – Réviser les déclarations et les réduire au nombre de 80-100 ;

– 200 à 300 juges doivent évaluer les déclarations et les placer en 11 piles, représentant un conti-nuum allant de “extrêmement négatif” à “extrêmement positif”, les piles étant à même distance les unes des autres ;

– A chaque déclaration est attribué un chiffre entre 1 et 11, représentant la pile dans laquelle elle a été mise et cela pour chaque juge ;

– Les déclarations qui obtiennent un chiffre très variable entre les juges sont supprimées ;

– Puis, deux à trois déclarations avec des moyennes proches sur le continuum sont sélectionnées afin d’obtenir une batterie de déclarations espacées de manière régulière le long du continuum ; – Les participants doivent dire s’ils sont d’accord ou non avec les différentes déclarations ;

– Chaque participant obtient un score définissant son attitude par rapport à l’objet.

La méthode de Likert (1932) :

– Générer 100 déclarations d’évaluations très favorables et très défavorables à un objet (pas de déclaration neutre) ;

– Des participants doivent évaluer chaque déclaration à l’aide d’une échelle en 5 points allant de fortement en désaccord à fortement en accord ;

– Calculer un score par participant en attribuant les valeurs 1, 2, 3, 4, 5 aux déclarations favorables et 5, 4, 3, 2, 1 aux déclarations défavorables. Le score est égal à la somme des déclarations ; – Une corrélation est calculée entre chaque item et le score total ;

– Tous les items corrélant faiblement avec le score total sont supprimés ;

– Une vingtaine de déclarations ayant les corrélations les plus fortes sont retenues dans la batterie finale ;

– Les participants doivent dire s’ils sont d’accord ou non avec les différentes déclarations ; – Chaque participant obtient un score définissant son attitude par rapport à l’objet.

Le score final étant mesuré sur de nombreux items, cette technique permet d’offrir un score final contenant une erreur de mesure plus petite. De plus, la validité de cette technique est basée sur des évidences empiriques (Krosnick et al., 2005).

Malheureusement, ces méthodes coûtent cher en temps et en participants pour ne mesurer qu’une unique attitude, et c’est pourquoi elles ne sont plus utilisées aujourd’hui.

Les mesures implicites

Lors de l’administration de questionnaires auto-rapportés, plusieurs problèmes se posent. Le pre-mier est lié à la désirabilité sociale. Les participants pourraient déformer leurs réponses de sorte à donner une image plus positive d’eux-mêmes (Paulhus, 2002). Plusieurs mesures ont été développées afin de capturer cette désirabilité sociale. L’utilisation de ces mesures dans un questionnaire per-mettrait notamment d’identifier les participants sujets à la désirabilité et de pouvoir contrôler si la relation entre deux variables est uniquement induite par la désirabilité sociale ou non (Paulhus &

Reid, 1991). La désirabilité sociale peut être à la fois consciente et inconsciente (Damarin & Messick, 1965 ; Wiggens, 1964). Paulhus (1984) à partir de l’étude de Damarin et Messick (1965) propose le concept de désirabilité en deux dimensions : “self deception” (pouvant être traduit par “autoduperie”

(Tournois et al., 2000)) et “impression management” (pouvant être vu comme une forme “d’hétérodu-perie” (Tournois et al., 2000) et pouvant être traduit par la gestion d’impression) . L’autoduperie se réfère au degrés de dissimulation ou de minimisationinvolontaire de qualités indésirables par un indi-vidu (Paulhus & Reid, 1991)), alors que la gestion d’impression correspond au degré d’engagements volontaires dans certains comportements socialement désirables, comme ne jamais mentir (Paulhus &

Reid, 1991).

Une manière de minimiser au mieux les problèmes d’hétéroduperie est de garantir l’anonymat des questionnaires de sorte que les participants ne soient pas tenté de modifier leur réponse en fonction de ce qu’ils pensent qu’il serait bien de répondre et ainsi de donner une image plus favorable d’eux-mêmes.

Pour minimiser les problèmes d’autoduperie, l’anonymisation des questionnaires est inutile, vu que le participant déforme ses réponses non pas pour la personne qui lira les questionnaires, mais pour lui, afin d’avoir une bonne image de lui-même. En travaillant avec des données auto-rapportées comme c’est le cas avec les questionnaires, il n’est pas possible de passer outre ce problème, par contre il est possible de contrôler en partie ce problème en incluant dans le questionnaire une échelle d’autoduperie afin de détecter les participants qui pourraient avoir cette tendance.

Comment contourner ce problème afin de mesurer la “vraie attitude” et non “l’attitude qu’ils aimeraient avoir” ? Plusieurs méthodes ont vu le jour et sont depuis quelques années très populaires.

Nous pouvons par exemple mentionner l’observation effacée, les mesures de latence de réponses et les mesures physiologiques (Krosnick et al., 2005).

L’idée de l’observation effacée est de déguiser ce qui est mesuré et/ou de dissimuler la mesure en soi. Une étude bien connue basée sur ce type de mesure est l’étude de Milgram (Milgram, 1965).

Le but de ce type de mesure est de réduire l’impact des préoccupations normatives et par là-même, de rendre difficile au participant d’identifier l’attitude testée comme un potentiel déterminant de son comportement.

Les mesures de latence de réponses sont les mesures implicites ayant reçu le plus d’attention.

Elles se basent sur l’idée que l’activation des attitudes dépend du temps mis pour émettre certains jugements. Deux classes de mesures générales peuvent être distinguées : les mesures des procédures d’amorçage de séquences et les mesures utilisant des tâches de compétition entre réponses, comme le test d’association implicite (IAT) (Krosnick et al., 2005).

Les mesures physiologiques ont également été utilisées afin de mesurer l’évaluation implicite d’ob-jets. L’idée est que nous n’avons pas de contrôle sur nos réponses physiologiques et que nos réponses physiologiques seraient corrélées à nos attitudes.

L’utilisation des mesures implicites permettrait d’accéder à des attitudes sans avoir à introspecter nos émotions et nos croyances, ou encore à des attitudes à propos desquelles les personnes sont inca-pables d’évaluation explicite, car elles n’ont pas conscience qu’elles évaluent d’une certaine manière certains objets.

Bien que ces mesures semblent prometteuses, il est important de relever que les corrélations entre les différences mesures implicites sont souvent rapportées comme étant faibles (Cameron et al. (2000) ; Marsh et al. (2001) ; M. A. Olson et Fazio (2003) ; Sherman et al. (2003), cité par Krosnick et al.

(2005)).

Il est vrai qu’une personne pourrait se sentir obligée d’évaluer positivement son travail pour plu-sieurs raisons, comme celle de justifier pourquoi elle reste, ou car il serait trop difficile pour elle de faire face à une évaluation négative (consciemment ou inconsciemment). Peut-être que les techniques telles que l’IAT pourraient être adaptées voire être utiles, ou même essentielles pour le champ, question qui mériterait d’être explorée avec plus d’attention.

Pour la suite de la thèse, nous nous intéresserons uniquement à la satisfaction au travail, mesurée à l’aide de questionnaires auto-rapportés. Dans la chapitre 10, nous en présenterons les problèmes et quelques solutions.