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5.1.1 Les caractéristiques du travail et ses contraintes

Il n’est pas étonnant que le premier groupe de facteurs étudiés soit lié au travail. En effet, il n’est pas possible de parler de satisfaction au travail sans parler de travail. Nous pouvons alors nous demander ce qui caractérise le travail. Selon la théorie sur les caractéristiques du travail de Hackman et Oldham (1976) vue dans les théories de la motivation (cf. 3.1.2), le noyau des caractéristiques du travail est défini sur la base de cinq éléments : la variété des compétences, l’identité de la tâche, le sens de la tâche, l’autonomie et le feedback sur le travail. Un niveau élevé dans ces cinq caractéristiques détermine, entre autres, un haut niveau de satisfaction au travail. De nombreuses recherches vont dans le sens de la théorie et des résultats de Hackman et Oldham (Fried & Ferris, 1987 ; Judge et al., 2000 ; Loher et al., 1985), mais le sens de la relation n’a pas pu être défini.

Dans leur théorie des caractéristiques du travail, Hackman et Oldham (1976) mentionnent encore que le niveau du besoin de chacun à se réaliser dans des besoins supérieurs, tels que l’autonomie, peut modérer le lien entre satisfaction au travail et caractéristiques du travail. Ceci a été soutenu par certaines recherches (Fried & Ferris, 1987 ; Loher et al., 1985 ; Spector, 1985) et infirmé par d’autres (Graen et al., 1986 ; Tiegs et al., 1992).

En 2000, Goris et al. sont revenus sur l’effet modérateur de l’intensité du besoin de développement et ont trouvé que lorsqu’il y avait congruence entre le besoin de développement et les caractéristiques du travail, alors la satisfaction au travail était plus élevée.

Karasek (1979) propose quant à lui de prendre en compte simultanément deux caractéristiques de l’environnement de travail : la latitude décisionnelle du travail et les demandes du travail. La première caractéristique coïncide avec une des caractéristiques de Hackman et Oldham (1976), et correspond à la possibilité du travailleur de décider comment atteindre ces demandes. La seconde correspond aux demandes psychologiques du travail (charge psychologique qualitative et quantitative). De nombreuses

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recherches ont montré qu’un niveau élevé de demande psychologique et un niveau bas de latitude décisionnelle présentent un impact négatif sur la santé et sur la satisfaction au travail (Karasek, 1979 ; Niedhammer et al., 2006 ; Pelfrene et al., 2001).

Une troisième dimension a été ajoutée plus tardivement au modèle de Karasek : le soutien social au travail (Karasek & Theorell, 1990). L’ajout de cette dimension est en accord avec les théories des besoins qui stipulent que les individus ont besoin de relations. Dans la validation du modèle “Job Demand-Control-Support” de Karasek, Pelfrene et al. (2001) ont trouvé que la latitude décisionnelle et le soutien social au travail avaient une grande influence sur la satisfaction au travail, tandis que le niveau de demande psychologique était plus lié au sentiment de stress qu’à la satisfaction au travail.

Si le premier facteur environnemental ayant un lien avec la satisfaction au travail sont les caracté-ristiques du travail, un autre facteur environnemental correspond aux contraintes organisationnelles.

Ces contraintes amoindrissent la satisfaction au travail lorsque les employés les ressentent (Spector, 1997) et peuvent être directement liées aux caractéristiques du travail, comme par exemple avoir be-soin de plus de compétences que celles à disposition pour effectuer la tâche, ne pas avoir d’autonomie (Spector, 1986), ne pas avoir de feedback (Anseel & Lievens, 2007). Peters et O’Connor (1980) ont défini huit groupes de contraintes organisationnelles pouvant affecter la performance et qui affectent également la satisfaction au travail : l’information relative au travail (l’information provenant des supérieurs, des collègues, des procédures, etc. dont l’employé a besoin pour effectuer son travail), les outils et l’équipement, les matériaux et les approvisionnements, les appuis budgétaires, les services et l’aide des autres, la préparation à la tâche (formation, formation continue, expérience, etc.), le temps à disposition et l’environnement physique (bruit, température, luminosité, etc.). Plusieurs études ont montré qu’en effet, les contraintes organisationnelles avaient un impact négatif sur la satisfaction au travail (p. ex. : Jex & Gudanowski, 1992 ; Keenan & Newton, 1984 ; O’Connor et al., 1984 ; Spector et al., 1988).

5.1.2 Justice organisationnelle et confiance

La justice organisationnelle est reconnue pour être une des causes majeures de la satisfaction au travail (par ex. : Irving et al., 2005 ; Loi et al., 2009 ; Masterson et al., 2000 ; Moorman, 1991). Elle correspond à la perception d’équité (cf. section 3.1.3 sur la théorie de l’équité de J. S. Adams (1963)) et elle est usuellement examinée à travers trois dimensions : la justice distributive (i.e. : distributions des ressources correspondant à des normes implicites telle que équité, égalité et besoin (Deutsch, 1975)), la justice procédurale (i.e. les processus par lesquels les décisions sont prises) et la justice interactionnelle (i.e. le traitement interpersonnel des décideurs, le respect et l’explication des décisions au cours des procédures) (Colquitt, 2001). Pour plus de détails sur la théorie de la justice organisationnelle et ses mesures, cf. chapitre 11.

La justice organisationnelle est fortement liée à la confiance dans l’organisation. La confiance dans l’organisation peut être augmentée en veillant à la justice procédurale (Dirks & Ferrin, 2002 ; Tan &

Tan, 2000). Des relations de confiance amènent à des sentiments de confiance, de soutien et de sécurité qui sont définis comme des besoins de base par les théories des besoins. Ces sentiments permettent d’améliorer la satisfaction au travail (p. ex. : Mulki et al., 2006). La confiance dans les organisations est décrite comme une source de l’engagement affectif organisationnel (Albrecht & Travaglione, 2003) qui motive les employés à s’identifier aux objectifs et valeurs de leur organisation et donc à développer une loyauté envers elle (Ladebo, 2006). Un niveau élevé de confiance en ses collègues et en l’organisation sont positivement liés à la satisfaction au travail (Aryee et al., 2002).

5.1.3 Les rôles

Un autre facteur source d’insatisfaction réside dans les problèmes liés aux rôles dans l’entreprise.

Ainsi, la satisfaction générale au travail corrèle négativement avec l’ambiguïté de rôle (c’est-à-dire

à quel point un employé est sûr de connaître ses fonctions et ses responsabilités) et le conflit de rôle (lorsque l’employé se trouve face à des demandes incompatibles par rapport à ses fonctions et ses responsabilités) (Abramis, 1994 ; Acker, 2004 ; Jackson & Schuler, 1985 ; Yousef, 2000). Yousef (2000) a également trouvé que le conflit de rôle et l’ambiguïté de rôle affectaient indépendamment la satisfaction au travail. Encore une fois, il est difficile de savoir si l’ambiguïté de rôle ou les conflits de rôle influencent la satisfaction au travail ou si le fait d’être satisfait influence la perception des rôles.

Les conflits entre rôles de différentes sphères comme l’interférence entre les responsabilités pro-fessionnelles et familiales diminuent également la satisfaction au travail et touchent principalement les couples avec enfants dans lesquels les deux parents travaillent (p. ex. : G. A. Adams et al., 1996 ; Bruck et al., 2002 ; Ford et al., 2007 ; Kossek & Ozeki, 1998 ; Lewis & Cooper, 1987 ; Rice et al., 1992).

Pour permettre de diminuer les conflits travail-maison ou permettre de faire face aux conflits, de nom-breuses organisations ont mis en place des politiques telles que horaires flexibles, semaine compressée, temps partiel, travail à la maison, garde d’enfants, etc. (Saltzstein et al., 2001). Ce ne sont pas tant les politiques mises en place qui diminuent les conflits et par là-même augmentent la satisfaction au travail, mais plutôt la perception de la culture de l’entreprise vis-à-vis de la relation travail-famille et le soutien perçu de son superviseur (L. T. Thomas & Ganster, 1995). Une manière efficace et peu coû-teuse de diminuer ces conflits et d’augmenter la satisfaction au travail est d’avoir dans les entreprises une politique en faveur des familles comme la flexibilité des horaires de travail (Cao, 2006 ; Saltzstein et al., 2001 ; L. T. Thomas & Ganster, 1995).

Les principales politiques mises en place pour diminuer les conflits travail-famille sont de l’ordre des horaires. Nous pouvons alors nous demander quel est l’impact des différents types d’horaires sur la satisfaction générale au travail.

5.1.4 Les horaires

Les horaires standards de travail correspondent à 8 heures de travail durant la journée, 5 jours par semaine. Il existe différents types d’horaires non standards : les horaires flexibles (horaires complète-ment libres ou limités selon certaines règles), le travail compressé (plus de 8 heures de travail par jour), les tournus de nuit et le temps partiel. Les études traitant de la relation entre la satisfaction générale au travail et les horaires sont plutôt inconsistantes. En effet, pour les horaires flexibles, certains cher-cheurs ont trouvé une relation positive (Baltes et al., 1999 ; Pierce & Dunham, 1992 ; Ralston, 1989 ; Scandura & Lankau, 1997) et d’autres pas de relation (Krausz & Freibach, 1983 ; J. B. McGuire &

Liro, 1987). Pour les horaires compressés, certains chercheurs ont trouvé que les personnes ayant des horaires compressés étaient plus satisfaites au travail que les personnes travaillant 5 jours par semaine (Breaugh, 1983 ; Baltes et al., 1999 ; Pierce & Dunham, 1992), tandis que d’autres n’ont pas trouvé de différences (Cunningham, 1989 ; Dunham et al., 1987 ; Foster et al., 1979 cités par Dunham et al., 1987). Des études menées auprès d’infirmières, comme celle de Shader et al. (2001), ont montré que plus les horaires étaient stables, plus les infirmières étaient satisfaites au travail.

En ce qui concerne le temps partiel, certains chercheurs ont trouvé une relation positive (Eberhardt

& Shani, 1984 ; Fenton-O’Creevy, 1995 ; Fields & Thacker, 1991 ; Jackofsky & Peters, 1987), certains une relation négative (Hall & Gordon, 1973 ; H. E. Miller & Terborg, 1979) et d’autres n’ont pas trouvé de différences significatives entre les personnes travaillant à plein temps et celles travaillant à temps partiel (Krausz et al., 2000 ; Levanoni & Sales, 1990 ; Steffy & Jones, 1990 ; Thorsteinson, 2003 ; Vecchio, 1984). Finalement, concernant le travail de nuit, ce n’est pas le travail de nuit à proprement parler qui diminue la satisfaction générale au travail, mais la rotation des horaires jour-nuit. Ainsi, ce n’est pas tant le type d’horaires qui présente un impact sur la satisfaction générale au travail, mais plutôt la variabilité des horaires. Il ressort clairement que les employés ayant des horaires variables sont moins satisfaits que ceux avec des horaires fixes (Barton & Folkard, 1991 ; Jammal & Baba, 1992 ; Krausz & Koslowsky, 1995 ; Poissonnet & Veron, 2000).

En ce qui concerne le télétravail qui est une forme de travail plus récente, elle est positivement liée

à la satisfaction au travail d’après une méta-analyse récente (r = 0.10, Gajendran et Harrison (2007)).

L’effet du télétravail sur la satisfaction au travail est totalement médiatisée par l’autonomie perçue et partiellement médiatisée par les conflit famille-travail.

5.1.5 Les autres déterminants

Nous venons de voir plusieurs facteurs liés au travail étudiés en lien avec la satisfaction au travail.

D’autres variables comme le revenu (méta-analyse de Judge et al. (2010) trouvant une corrélation de 0.15 entre satisfaction au travail et niveau de revenu), l’avancement, la responsabilité, la quantité de travail, la participation à la prise de décision, la sécurité de l’emploi, les stresseurs sociaux ou encore la complexité de la tâche ont également été étudiés en tant que déterminants de la satisfaction globale au travail. Cette liste au vu du nombre de recherches effectuées dans le domaine est bien évidemmentloin d’être exhaustive.