• Aucun résultat trouvé

Le mythe de la complexité

Dans le document Les systèmes de connaissances (Page 75-77)

Aspects fonctionnels

4.6.2. Le mythe de la complexité

Le mot "complexité", ainsi que des mots qui s'y rattachent fortement tels que "hasard", "chaos", "turbulence", "instabilité" ou "bifurcation" et autres "attracteurs étranges", font actuellement couler beaucoup

d'encre52. Mais nous avons vu qu'il peut prendre des sens divers : il peut s'agir de la complexité informationnelle

d'un système, de la complexité asymptotique d'un algorithme, de l'instabilité d'un système dynamique calculée par différentes grandeurs (en terme d'information, où en terme de grandeurs mathématiques dont nous n'avons pas parlé ici comme la dimension fractale, les exposants de Lyapounov, les corrélations, les résonances etc.). Nous avons également vu qu'il existe des rapports, parfois étroits, voire des équivalences, entre ces différentes notions, qui ne se recoupent cependant pas toutes.

Ces notions de complexité exercent, à juste titre, une fascination formelle intense dans de nombreux courants de pensée actuels. La théorie s'est développée avec une grande rapidité et a montré combien ces notions étaient riches et fécondes dans leur potentiel de formalisation et de généralisation. On est très rapidement passé

des phénomènes physico-chimiques à d'autres phénomènes qui semblent réagir à des lois similaires53. Des

généralisations parfois hâtives, voire douteuses (comme par exemple la modélisation des émeutes dans les

52 "Aujourd'hui, les textes évoquant le chaos abondent. Ils occupent une place de choix dans les vitrines des

librairies et pour chaque sujet on peut trouver un texte intitulé "Le chaos et...". Tout serait-il chaos ? " [Eckman 92].

53 "Comprendre ce qui se passe autour de nous revient en réalité à construire des modèles et à les confronter à

nos observations[...]. Dans une telle démarche, l'une des étapes fondamentales est l'utilisation systématique d'analogies et d'archétypes [...]. Les systèmes physico-chimiques qui donnent naissance à des phénomènes (complexes) [...] peuvent servir d'archétypes. " [Nicolis 92] Chap. 6.

prisons par la théorie des catastrophes !) ont vu le jour. De nombreux domaines très divers sont traités par ces approches : science des matériaux, biologie, climatologie, insectes sociaux, systèmes humains... L'avenir dira quelle validité sera donnée à toutes ces modélisations. Ces méthodes, à caractère peu ou prou universel, ont tendance, d'une certaine manière, à s'approprier la problématique de la complexité des systèmes en général. Dans le point de vue que esquissé ici, il en va tout autrement. Si l'on se réfère à un système de connaissances, la complexité au(x) sens ci-dessus ne relève que de l'axe informationnel du système, dans sa composante phénoménologique. On peut même dire qu'en ce qui concerne la complexité algorithmique, elle est en dualité bijective avec la composante ontologique de ce même axe. Cette notion de complexité n'est donc qu'un apport partiel, même s'il est considérable, aux connaissances que l'on peut avoir sur un système (dans la problématique connaissances des systèmes/systèmes des connaissances cf.. Chap. 3). C'est en ce sens qu'on peut parler de "mythe de la complexité".

Chapitre 5

Connaissance et signification

Aspects fonctionnels

5.1. Introduction

Dans sa composante informationnelle, l’aspect structurel de la connaissance relève de l’information et l’aspect fonctionnel du traitement de l’information. Le traitement de l'information, tel qu’on vient de le voir au chapitre 4, se définit comme une description des mécanismes algorithmiques qui manipulent les données.

Dans sa composante sémantique, l’aspect structurel de la connaissance relève des structures sémantiques qui rendent compte de la génération et de l’organisation cognitive du sens, c’est-à-dire tel qu’on le modélise dans la mémoire sémantique de l’être humain. Dès lors, l’aspect fonctionnel de la sémantique relève aussi d’une perspective cognitive. Le traitement du sens se définit alors comme la description des mécanismes intellectuels qui manipulent les structures sémantiques (ou données sémantiques). C’est ainsi qu’on l’abordera dans ce chapitre.

Ce chapitre est très inspiré par l’intelligence artificielle, dans sa partie fortement liée aux sciences cognitives. C’est un choix délibéré, qui pourra paraître très restrictif, mais il est justifié par plusieurs arguments. C’est d’abord notre culture d’origine, qui a abouti aux questions évoquées dans cet ouvrage. C’est ensuite une discipline qui fournit des réflexions, qui, si elles peuvent être contestées, ont le mérite d’être formalisées (parfois trop, parfois insuffisamment il est vrai !) et procurent ainsi une bonne base de discussion. C’est enfin une science pour l’ingénieur, et c’est dans cette optique que nous alimentons notre propos. Mais là n’est sans doute pas la raison principale. L’intelligence artificielle s’est en effet toujours posée comme une alternative à la science de l’information, elle s'affirme "en rupture avec une tradition léguée par la théorie de l'information, elle assigne à la connaissance une fonction opératoire indépendante de son contenu informatif" [Ganascia 90]. A travers ses nombreux avatars, elle a toujours exploré des voies en dehors de l’algorithmique classique et en dehors de la représentation standard des données. Les représentations sémantiques des données, telles qu’elles ont été décrites au chapitre 2, forment la base de ce que l’intelligence artificielle appelle la représentation des connaissances, il est donc naturel qu’elle aborde sous cet angle de la signification le traitement de ces données. On verra dans ce chapitre, que si l’intelligence artificielle a réduit petit à petit ses ambitions de comprendre d’une manière générale les mécanismes intellectuels, elle n’a jamais abandonné son projet initial qui était de décrire des mécanismes cognitifs en liaison avec la mémoire sémantique telle qu’on a pu l’appréhender au fur et à mesure des avancées dans ce domaine.

5.2. La résolution de problèmes

Dans le document Les systèmes de connaissances (Page 75-77)