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1.1 Développement durable

1.1.3 Le mouvement vert au Québec

C’est au tournant des années 1960 que la pensée écologiste est introduite au Québec. D’hier à aujourd’hui, la pensée écologiste a généré une conscience environnementale qui fait sans aucun doute consensus, soit par la reconnaissance d’une crise écologique appuyée par des données scientifiques diffusées (ex. : Groupe d'experts intergouvernemental sur l'évolution du climat-GIEC) ou par un sentiment d’urgence ou de survie planétaire. Cette conscience environnementale se traduit tant dans une diversité de secteurs d’activités et de milieux (économie sociale, syndicats, les institutions d’enseignement tels que les Établissements verts Brundtland, les institutions gouvernementales, etc.) qu’aux différentes échelles territoriales (locale, régionale, nationale, internationale). Vaillancourt résume les principaux enjeux auxquels le mouvement vert s’attarde.

Le mouvement vert québécois centre surtout son attention sur les problèmes les plus importants, les plus grands enjeux de l’heure, à savoir l’énergie, l’alimentation, l’eau et les changements climatiques. Il veut, par exemple, faire sortir le Québec et le Canada de leur dépendance à l’égard des énergies fossiles et les faire entrer dans l’ère du développement durable, des économies d’énergies alternatives. À cet effet, des coalitions se forment et s’activent, grâce à des regroupements tels l’AQLPA, Greenpeace, Équiterre, Québec-Kyoto, le collectif Stop aux méthaniers (Vaillancourt, 2010 : 7).

Vaillancourt (2010) reconnaît que la conscience verte a pénétré toutes les sphères de la société et de la culture grâce à Internet et à la multiplication des communications sur le sujet (par exemple : émission de radio ou de télévision sur les alternatives vertes telle que La semaine verte; des journalistes environnementaux tels que Louis-Gilles Francoeur et François Cardinal; etc.). Selon lui, l’évolution du mouvement vert des années 60 jusqu’aujourd’hui peut se concevoir, entre autres, par un passage d’une mobilisation sociale autour d’une conscience écologique à son institutionnalisation progressive. Le Plan d’action du développement durable du Québec, déposé en 2004 par le gouvernement du Québec, en est un bon exemple.

L’institutionnalisation peut donc s’opérer autant « par la droite que par la gauche » (Vaillancourt, 2010). À ce sujet, Vaillancourt décrypte la structure idéologique du

mouvement vert par une typologie des tendances qui se constatent tant au Québec qu’ailleurs dans le monde.

Tableau 1.2 Les tendances idéologiques du mouvement vert

Cette classification permet de bien cerner les différentes tendances idéologiques sur lesquelles peuvent s’appuyer soit un individu, un groupe, une organisation, une entreprise ou un gouvernement. D’un côté, on retrouve les conceptions plus progressistes (gauche), et de l’autre, celles conservatrices (droite). Elles peuvent ainsi se décliner selon la priorité accordée à la culture (culturalisme), à l’être humain (anthropocentrisme) ou à la nature (biocentrisme). Le passage suivant décèle de manière éloquente les tensions entre le courant environnementaliste et le courant écologiste en situant le développement durable au centre de la structure idéologique.

[…] le conflit porte sur la pertinence de travailler avec les forces plus libérales ou conservatrices de la société (ce qu’accepte l’environnementalisme) ou de promouvoir de véritables changements sociaux, y compris l’ordre politique et économique, afin de venir à une société plus écologique (c’est l’écologisme). […] les écologistes se divisent plutôt selon leur croyance de la capacité de la société de se transformer par des moyens politiques (écologie sociale et politique) ou leur espoir d’une nouvelle soumission de l’être humain aux lois de la nature (l’écologie profonde). Il va sans dire que le développement durable […] se situe en plein cœur des préoccupations de divers types de verts, et tout particulièrement des environnementalistes, qui conçoivent les problématiques environnementales comme des enjeux d’adaptation des structures sociales existantes et non comme des signes avant-coureurs d’une révolution culturelle (comme les mouvements contre-culturels) ou d’une nouvelle

domination de la nature sur l’être humain (comme chez les biocentristes) (Vaillancourt, 2010 : 8-9).

Comme nous l’avons observé dans l’étude menée par Corinne Gendron (2006) sur les représentations du développement durable au sein des hauts dirigeants des entreprises, la pensée écologiste s’interprète ou se manifeste de diverses manières en fonction de la conception du rapport entre la société, l’économie et l’environnement. Les effets de son institutionnalisation n’excluent pas l’existence de clivages idéologiques ou pratiques, voire la formation de coalitions autour d’une vision commune (ex. : le Réseau québécois des groupes écologistes). Si nous prenons l’exemple du Plan de développement durable du Québec déposé en novembre 2004 par le gouvernement, malgré l’effort salué par plusieurs groupes écologistes au Québec, ce plan n’a pas été exempté de critiques de la part de plusieurs intellectuels et de la société civile, y compris les tenants du mouvement vert. Selon l’auteure, ce plan :

[…] vise à instaurer un cadre de gestion permettant à l’administration publique de concourir à un développement durable. […]. [Or], il ne faudrait pas réduire l’inévitable Plan de développement durable du Québec à sa composante gouvernementale. […] car ce qui est proposé par le gouvernement, outre la stratégie de biodiversité, est d’abord et avant tout un plan de « verdissement » de l’administration publique. […]. Mais même s’ils [principes du développement durable du plan] s’inspirent des principes adoptés à Rio, ils s’en distinguent néanmoins en négligeant d’intégrer certains éléments qui nous apparaissent essentiels à toute stratégie du développement durable, tels que l’équité sociale et l’intégration des femmes, des jeunes et des autochtones. […] (Gendron, 2005 : 24-25).

Par ailleurs, elle poursuit sa réflexion en indiquant que le ministère du Développement durable, de l'Environnement et des Parcs (dénommé ministère de l'Environnement en 2005) n’a ni l’autorité, ni les ressources, ni la juridiction pour convaincre les autres ministères d’adopter la stratégie du développement durable. De plus, elle note que le Fonds vert dans le projet de loi ne résout pas le sous-financement chronique du ministère concerné pour la mise en œuvre d’activités. C’est ainsi que, malgré les consultations publiques auprès de divers acteurs, dont les groupes dits verts, qui ont précédé ce plan de développement durable du Québec, l’« acteur dominant imposera son dispositif, tout en faisant des concessions », ce qui implique alors une certaine légitimation des choix négociés dans la coopération ou dans le

conflit (Gendron, 2007 : 154). Ce compromis institutionnalisé nous permet donc de confirmer que la problématique environnementale génère de nouveaux rapports sociaux.