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5. LES FLUX TOURISTIQUES EUROPEENS VERS LA WALLONIE

5.2 L ES MODELES MATHEMATIQUES : REVUE DE LA LITTERATURE

5.2.1 Le modèle de Hambourg

La meilleure manière d'expliquer et de critiquer ce modèle est de partir des hypothèses et données de départ utilisées par les auteurs45. Ceux-ci, remarquant une carence dans la littérature scientifique en ce qui concerne le lien entre changements climatiques et tourisme, ont décidé d'y palier en créant un modèle liant les changements climatiques et d'autres facteurs explicatifs aux flux touristiques. Ils ont ainsi voulu mettre au point un modèle général qui, au niveau mondial, pourrait estimer l'évolution des départs et des arrivées.

Chaque mot a ici son importance : tout d'abord, c'est un modèle créé pour prédire les flux à l'échelle mondiale qui produit une évolution des départs et une évolution des arrivées sans les coupler. Ce modèle a évolué au cours des années et en fonction des évolutions dans les préoccupations. Il existe ainsi des versions 1.0, 1.1, 1.2. La 1.2 ayant en plus la volonté de prédire l'impact économique des changements de flux touristiques.

5.2.1.1 Le modèle et les variables

Concrètement, les auteurs ont utilisé une base de données des départs et arrivées internationaux de 1995 pour chaque pays du monde. Cependant, ces départs et ces arrivées ne sont pas liés entre eux : il n'y a pas de données d'origine des arrivées ni de destination des départs. Sur base de ces données, les auteurs ont élaboré un modèle de régression.

Les arrivées, pour un pays i, sont synthétisées de la manière suivante : Ln Ai= 5.97 + 2.05*10-7Area i+ 0.22Ti - 7.91*10-3Ti2

+ 7.15*10-5Coast i + 0.80 lnYi Où

- A est le total des arrivées,

- Area est la surface du pays (en kilomètre carré),

- T est la température moyenne annuelle du pays (c'est à dire la température de la capitale, calculée en degrés Celsius sur les années 1961 à 1990),

44 Cette revue de la littérature se trouve au chapitre 3.

45 Les explications résument plusieurs articles d’Hamilton cités en bibliographie.

- Coast est la longueur des côtes (en kilomètre), - Y est le revenu moyen par habitant.

Les arrivées sont donc influencées par la température, seule donnée climatique présente dans le modèle, la présence de côtes, la surface du pays et le revenu moyen par habitant du pays de réception. Il est à noter ici que les auteurs ont pris comme hypothèse de départ que plus le pays était riche, plus il attirait des touristes. A l'inverse, les pays avec un faible revenu moyen sont répulsifs.

Les départs d'un pays i observent ce modèle :

lnDi/Popi= 1.51 - 0.18 Ti +4.8*10-3 Ti2 - 5.56*10-2Border + 0.86 lnYi - 0.23 lnAreai, Où

- D est le nombre de départs (i indexe ici le pays de départ), - Pop est la population (en pour mille),

- Border est le nombre de pays frontaliers au pays de départ.

Le nombre de départs est donc lié positivement à la population du pays de départ, à la température de ce pays et au revenu des habitants. Par contre, il est lié négativement à la taille du pays de départ, à la température et au nombre de pays limitrophes. Ce dernier facteur est contre intuitif au niveau touristique mais n’est malheureusement pas expliqué par les auteurs. Quant à la température, le fait qu’elle soit liée positivement et négativement aux départs représente le fait que le climat d’un pays peut soit être un facteur d’attrait pour les touristes soit un facteur de répulsion.

Il y a donc deux équations, une formulant les départs et l'autre les arrivées. Les flux bilatéraux (entre deux pays) sont dérivés comme suit : les auteurs ont, tout d'abord, élaboré un index général d'attractivité pour chaque pays. Celui-ci correspond au poids de chaque pays dans le tourisme mondial. Ensuite, ils ont construit un index d'attractivité spécifique qui correspond à l'index d'attractivité général multiplié par la distance entre les deux capitales des pays concernés élevée à la puissance -1.7*10-4. Les touristes sont donc répartis en fonction de l'attractivité du pays d'arrivée et des distances.

Cette manière de répartir laisse perplexe : il n'est pas fait mention, entre autre, de l'attractivité du pays de départ, et d'ailleurs les auteurs reconnaissent eux-mêmes que les résultats ne sont pas conformes à la réalité. Pour exemple, ils citent le cas des Allemands et comparent les résultats obtenus par calculs et la réalité (Figure 94).

De plus, la formule qui permet de répartir les départs est liée au poids de l’attractivité de la région d’arrivée et c’est justement ce poids qui risque de changer à cause des variations climatiques. C’est donc une donnée dont la variation est cruciale à déterminer. Au contraire, dans ce modèle, l’attractivité reste constante seul le facteur multipliant les distances entre les capitales diminue car les auteurs supposent qu’il sera de plus en plus facile et bon marché de voyager.

Figure 94 : Répartitions des touristes allemands – Comparaison entre les prévisions du modèle de Hambourg et la réalité (Hamilton et al. 2005)

En résumé, le modèle fonctionne selon les principes suivants : " le nombre de touristes allant en vacances à l'étranger est déterminé par les revenus et le climat du pays d'origine.

Les gens riches voyageant plus. Les personnes résidant dans des pays très chauds ou très froids voyagent plus. D'autres raisons pour voyager sont supposées être constantes (surfaces, pays frontaliers) ou oubliées. Après décision de voyager à l'étranger, la destination est choisie. Les pays pauvres, les pays chauds et les pays froids ne sont pas attractifs. D'autres aspects qui attirent les touristes sont supposés constants (surface, côtes) ou oubliés. Avec différents climats, revenus et population, différents modèles de voyage existent. Le modèle est admis comme simple, mais capture l'essentiel ". (Hamilton et al 2005)

a) L’utilisation

Concrètement, pour faire varier les équations, les auteurs ont utilisés des scénarios du GIEC. Nous présentons ici les résultats pour les changements de température avec une croissance économique et démographique forte (scénario A1B). Les auteurs ont fait deux simulations pour 2025 : une augmentation arbitraire de 1°C (carte du dessus) et l'autre de 4°

Celsius (carte du dessous). Les résultats sont représentés à la Figure 95. Le premier scénario est réaliste, l'autre par contre l'est beaucoup moins.

Figure 95 : Modèle de Hambourg, pourcentage de changement dans les arrivées de touristes en 2025 selon un scénario de croissance démographique et économique forte et une hausse de la température de 1°C et 4°C (Hamilto n et al. 2005)

Au-delà de ces résultats, les auteurs ont mené quelques réflexions sur la température. En effet, si celle-ci continue d'augmenter, il se peut que certains pays deviennent moins attirants, mais quel est le seuil de tolérance ?

Les auteurs ont estimé que "si un pays devient plus chaud, il attire plus de touristes, cependant, si il devient trop chaud l'attraction diminue. Le point d'inversion se situe à 14°C (de température moyenne annuelle en 24h). De la même manière, si un pays froid devient plus chaud, il générera moins de touristes jusqu'à ce qu'il devienne trop chaud. Le point d'inversion se situe à 18°C (de température moyenne annuelle en 24h)" 46.