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La présentation et la discussion des résultats

5.1 Le jugement des experts sur la problématique

Les experts avaient à juger de l‘adéquation et de la pertinence de la problématique qui leur était présentée au début de l‘entretien. Rappelons que cette problématique était constituée des onze énoncés suivants.

1 En tant qu‘organisations complexes, les universités poursuivent plusieurs objectifs dont certains peuvent être concurrents et même antagonistes. 2 Pour mesurer leur performance, les universités n‘utilisent qu‘un petit

nombre d‘indicateurs.

3 Ce petit nombre d‘indicateurs ne donne qu‘une vision partielle et réduite de l‘action de ces établissements.

4 Le choix des indicateurs est souvent guidé par des initiatives externes en provenance d‘organismes de régulation.

5 Les indicateurs utilisés favorisent davantage la reddition de compte que le diagnostic institutionnel.

6 Les données recueillies sont peu utilisées dans les opérations de planification.

7 Ces indicateurs sont davantage orientés vers l‘uniformité en vue de la comparaison entre établissements plutôt que vers le rendu de la spécificité de ces établissements.

8 Plusieurs conceptions des universités sont susceptibles de coexister dans un même établissement.

9 Les indicateurs de performance ne sont pas neutres, ils constituent l‘opérationnalisation de la conception de l‘université qui les sous-tend. 10 Les indicateurs qui ont actuellement cours favorisent souvent dans les faits

une conception spécifique de l‘université au détriment d'autres conceptions qui pourraient être présentes dans l‘établissement.

11 Il n‘existe pas de modèle d‘évaluation de la performance qui rende compte des conceptions multiples qui peuvent coexister dans une université.

La principale critique formulée par Expert 1 concerne le fait de ne pas tenir compte de l‘approche historique. Selon Expert 1, on ne peut faire abstraction de l‘histoire des universités. Expert 2 exprime son accord avec la problématique dans son ensemble. Expert 3 se dit d‘accord de façon générale avec la problématique à l‘exception du choix de fonctionner par idéal type. Expert 4 formule son accord avec la problématique, mais il apporte des nuances et des commentaires fort pertinents reliés à son expérience des

indicateurs. D‘une façon générale, il est très critique face à l‘utilisation d‘un modèle de performance en enseignement supérieur, il croit à l‘utilisation de l‘information plutôt pour la prise de décision que pour l‘évaluation de la performance. Expert 5 énonce son accord avec la problématique présentée. Les experts 6, 7, 8 et 10 reconnaissent généralement l‘adéquation de la problématique tout en y apportant quelques nuances et commentaires. Selon Expert 6 (p. 8)13, il faudrait plutôt trouver des modèles qui composent avec la complexité des conceptions. Expert 9 (p. 1) se dit d‘accord avec la problématique : « Je crois comprendre que vous souhaitez élargir la problématique en

tenant compte de la nature de l’institution, de son histoire, de sa complexité et je suis d’accord avec ça. Oui! » (Expert 9, p. 1)

Bien, les constats ne me posent pas un problème insoluble, ce que vous semblez vouloir dire c‘est que la question de la reddition de compte ou l‘évaluation de la performance des universités pose problème parce qu‘elle est présentement un peu réductrice. Si on se fit aux indicateurs les plus couramment utilisés, axés sur essentiellement les résultats, oui je pense que c‘est vrai, il y a une reddition de compte ou une imputabilité qui, depuis quelques années, est à peu près exclusivement centrée là- dessus, au nom de l‘efficacité et de l‘efficience, comme si l‘université pouvait se réduire exclusivement à cela. Je crois comprendre que vous souhaitez élargir la problématique en tenant compte de la nature de l‘institution, de son histoire, de sa complexité; et je suis d‘accord avec ça. Oui! (Expert 9 p. 1)

C‘est aussi l‘avis d‘Expert 11 (p. 7) qui est d‘accord avec la problématique proposée, il trouve le sujet riche: « Moi je trouve ça très normatif évidemment, mais c’est bien. [...]

Oui c’est riche… oui ». (Expert 11 p. 8)

La problématique, elle dit essentiellement que si on ne prend uniquement que les indicateurs actuels, on se trouve à biaiser en fonction d‘une certaine conception d‘université. C‘est ça que vous dites dans votre problématique, en gros, c‘est qu‘actuellement si on mesure la performance d‘une université avec certains indicateurs, surtout des indicateurs de reddition de compte, ça biaise vers une conception de l‘université. C‘est la problématique de départ. [...] je pense qu‘il faut être plus large? OK. [...] Si moi je perçois cette université, ces universités selon cette étiquette-là, ils sont totalement ça ou une combinaison de un, deux, trois de ces types-

là. Alors on devrait mesurer la performance à l‘aide de ces critères-là. (Expert 11 p. 7)

Par ailleurs, pour Expert 9 (p. 3), on pourrait analyser la problématique comme un déplacement important du noyau central historique de l‘institution vers des éléments plus périphérique (le marché, l‘entreprise, le management moderne) et qui sont en outre perçus par une partie du personnel de l‘institution comme des corps étrangers menaçants.

Vous pourriez analyser la problématique comme signifiant dans certains cas un déplacement de ce qui [...] serait le noyau central, historique de l‘institution… Si il y avait un déplacement vers des éléments plus périphériques et qui sont d‘ailleurs perçus comme menaçants (le marché, l‘entreprise, le management moderne), qui sont perçus comme des corps étrangers par une partie du personnel de l‘institution; donc perçus comme un peu illégitimes parce que c‘est comme si ils venaient grignoter, réduire, coloniser, contaminer le cœur dur de l‘institution. C‘est un peu comme ça qu‘un certain nombre d‘humanistes verraient les choses, ça c‘est certain. (Expert 9 p. 3)

Expert 9 (p. 3) exprime son accord avec le fait que les indicateurs construits actuellement sont trop réducteurs, que la réalité des universités est beaucoup plus complexe, mais, précise-t-il, les affaires de l‘université ne se mesurent pas toujours à l‘aide d‘indicateurs quantitatifs, il faut parfois utiliser le qualitatif et les mots pour décrire sa complexité. Enfin, Expert 9 propose de distinguer deux branches au modèle académique : l‘université libérale, des humanités (plus élitiste) et l‘université recherche dans le sens de communauté de chercheurs.