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La synthèse et l’élaboration d’une typologie préliminaire

Chapitre 4 Le prototype et la validation

3.2 Les conceptions des universités

3.2.4 L’organisation et les métaphores

Le concept d‘organisation est tout aussi complexe. Plusieurs définitions de l‘organisation sont proposées par les théoriciens des organisations. La définition variant en fonction des perspectives théoriques. Une organisation est habituellement considérée comme un regroupement d‘individus, dans un contexte donné, qui travaillent, utilisent des ressources et se coordonnent pour atteindre un objectif commun. Dans la perspective de ce projet de recherche, l‘organisation est vue comme une arène à l‘intérieure de laquelle des individus et des groupes vont essayer de guider la vie quotidienne et la survie de l‘organisation. À l‘intérieur de cette arène, les acteurs (individus, groupes ou organisations) peuvent avoir une conception différente de la performance de l‘organisation. Morgan propose une des synthèses les plus importantes de la théorie des organisations ou chaque perspective théorique devient une métaphore.

La prémisse de Morgan (1999) veut que toute théorie soit une métaphore; ce qui veut dire que toute perspective abordée lors de l‘étude de l‘organisation et de la gestion, quoique ayant la capacité de créer des idées de valeurs, est incomplète et partiale :

La métaphore est souvent considérée comme une simple technique destinée à embellir le discours, mais elle a une signification beaucoup plus importante. C‘est que l‘emploi de la métaphore suppose une façon de penser et une façon de voir qui agissent sur notre façon de comprendre le monde en général. C‘est ainsi que, dans un grand nombre de champs, des recherches ont montré que la métaphore exerce une influence créatrice sur la science, sur notre langage et sur la façon dont nous pensons, tout autant que sur la manière dont nous nous exprimons dans la vie de tous les jours. » (Morgan, 1999, p. 4)

Morgan identifie huit métaphores pour décrire une organisation. Ces différentes métaphores sont décrites brièvement dans ce qui suit. L‘organisation comme une

machine intègre les principes de la gestion scientifique, c‘est-à-dire la division du travail,

la planification et la rationalité des activités, le contrôle; dans cette perspective, on se soucie avant tout des rapports entre buts, structures et rendement. L‘efficacité et l‘efficience sont recherchées.

L‘organisation comme un organisme vivant cherche l‘harmonie entre les besoins humains, l‘organisation et son environnement. Cette perspective, en reconnaissant que les individus et les groupes qui composent les organisations ont des besoins à satisfaire, reconnaît du même coup qu‘ils dépendent d‘un milieu plus vaste. La motivation des employés, la qualité du climat de travail, les relations harmonieuses avec l‘environnement et la capacité d‘adaptation à cet environnement sont recherchées.

L‘organisation comme un cerveau pense, réfléchit, prend des décisions et apprend de ses expériences. Elle cherche la bonne information pour prendre les bonnes décisions. Cette perspective reconnaît la place de l‘incertitude, du hasard et reconnaît le rôle clé joué par l‘échange d‘informations. Elle privilégie l‘apprentissage en boucle double, c‘est-à-dire celui qui permet la réflexion sur ses propres orientations.

L‘organisation comme une culture est un phénomène intimement lié à la société, à son histoire, à son contexte. L‘organisation qui réussit devient celle qui érige des structures cohésives autour d‘ensembles de normes, de valeurs et d‘idées communes qui créent un contexte convenable. Le changement passe nécessairement par un changement de la culture et des modèles de pensée.

Dans une perspective politique, l‘organisation est pluraliste, composée d‘individus et de groupes aux intérêts divergents. On s‘y demande : qui a une influence sur qui? Qui obtient quoi, quand et comment? Quelles sont les sources de conflits et de pouvoir? L‘organisation vue comme une prison du psychisme invite à explorer la caverne de Platon. Les organisations ne sont plus déterminées par leur environnement, mais par les préoccupations inconscientes de ceux et celles qui en font partie. Cette perspective remet à jour l‘intuition, le non-dit, les luttes intestines, l‘irrationnel.

L‘organisation en tant que transformation s‘intéresse aux logiques du changement qui déterminent la vie sociale. Elle cherche à comprendre et à gérer le changement et les forces qui le déterminent.

Enfin, la dernière proposition explore l‘idée que les organisations sont des instruments

de domination aux services d‘intérêts particuliers. Cette perspective s‘oppose à la

performance.

Ces différentes métaphores abordées pour comprendre l‘organisation font en sorte que la notion de performance varie en fonction des différentes perspectives. Les buts et les objectifs à prioriser diffèrent d‘une métaphore à l‘autre.

Ces conceptions des organisations peuvent-elles s‘appliquer aux universités? S‘il est traditionnellement plus difficile de voir les universités comme une machine, cette conception s‘actualise dans le courant de la gestion par résultat qui fait pression sur elles de plus en plus. Les universités gagneraient, peut-être, à se concevoir comme un organisme vivant et à se préoccuper davantage des besoins des individus et groupes qui la composent. L‘organisation vue comme un cerveau a inspiré tout un courant de recherche sur les universités apprenantes. Les universités se rapprochent peut-être de l‘organisation vue comme une culture, avec sa volonté de protéger ses prérogatives et ses traditions. La métaphore de l‘organisation politique décrit bien la réalité des universités soumises à des pressions de toutes sortes, venant de l‘intérieur ou de l‘extérieur de ses frontières.

Notre projet propose, à partir de la mission fondamentale des universités, d‘identifier les conceptions qui imprègnent cette mission, un peu comme le fait Morgan avec les

organisations et les métaphores. Notre projet cherche à identifier les conceptions de l‘université plutôt que les conceptions de l‘organisation, se démarquant ainsi du modèle de Morgan. Dans la perspective de ce projet de recherche, le conflit prend ainsi une importance particulière. Les conceptions incarnées par des acteurs individuels ou collectifs vont se confronter impliquant une nécessaire négociation entre les différents protagonistes. La typologie de Boltanski et Thévenot propose à la différence de Morgan une typologie des différents principes de justification qui peuvent être mobilisés par les acteurs dans le cadre de négociation des différends. Ces principes prennent la forme de sept mondes de justification (ideal typique).