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Le facteur de la chromatine Corto : un Enhancer de Trithorax et Polycomb (ETP)

SWI/SNF RSC BAP PBAP BAF PBAF

A. Le facteur de la chromatine Corto : un Enhancer de Trithorax et Polycomb (ETP)

Le gène corto a été identifié en 1998 au cours d’un crible visant à découvrir de nouveaux gènes essentiels au développement de la drosophile (Kodjabachian et al., 1998). Il semble spécifique des arthropodes puisqu’il a été identifié chez plusieurs insectes et un crustacé, alors qu’aucun homologue n’a été identifié dans d’autres embranchements. Par ailleurs la comparaison des séquences disponibles montre que la conservation est restreinte à un domaine particulier, le chromodomaine (voir ci-dessous) (Figure 16). Ce résultat suggère une vitesse d’évolution rapide des autres domaines. Le gène corto de Drosophila melanogaster ne contient pas d’introns et permet la production de deux transcrits de 3,2 et 3,6 kb issus de deux promoteurs différents. Chez l’adulte, seul le plus court est synthétisé et déposé maternellement dans l’embryon. Ces deux transcrits codent une protéine de 550 acides aminés riche en répétitions homopolymériques telles que des séquences polyglutamine, polyhistidine, polyproline. L’analyse prédictive de la structure secondaire de Corto par la méthode HCA (Hydrophobic Cluster Analysis) révèle l’existence de trois domaines globulaires qui pourraient représenter des domaines fonctionnels. Seul le domaine le plus proche de l’extrémité N-terminale, situé entre les acides aminés 127 et 203, présente une similarité de structure mais également de séquence avec un domaine de type chromodomaine (Salvaing et al., 2003) (Figure 17A- B). Les chromodomaines sont présents dans de nombreuses protéines de la chromatine comme Polycomb et HP1. Ce sont des domaines d’adressage à la chromatine capables de reconnaître les lysines triméthylées des histones et de fixer les ARN

Figure 18: Exemples de phénotypes induits par la dérégulation de corto

A : Apparition de veines ectopiques dans l’aile d’un individu hétéroallèlique pour deux allèles perte de fonction de corto. Les veines ectopiques sont indiquées par des astérisques.

B : Apparition d’une dent de peigne sexuel ectopique (flèche) sur le deuxième article du tarse d’une patte T1 de mâle hétéroallèlique pour deux allèles perte de fonction de corto. C: Transformation d’une arista en extrémité de patte chez un individu sur-exprimant corto

grâce au système UAS/Gal4. (D’après Kodjabachian et al., 1998).

sauvage UAS::corto, ptc::GAL4 corto420/corto0728

C

B

corto07128/cortoL1

A

*

*

*

(Brehm et al., 2004). Je reviendrai plus en détail sur les propriétés des chromodomaines dans la troisième partie des résultats. Afin de tester la fonctionnalité d’adressage à la chromatine du chromodomaine de Corto, des lignées transgéniques de drosophile ont été produites au laboratoire, permettant la synthèse d’une forme étiquetée du chromodomaine de Corto (Chromodomaine-FLAG). Des expériences d’immunolocalisation sur chromosomes polytènes montrent que le chromodomaine de Corto est effectivement capable de se fixer à la chromatine en de très nombreux sites (Figure 17C) (Coléno et al. soumis).

Les mutants corto présentent une forte létalité tout au long du développement. 10% des individus parviennent toutefois au stade adulte. Les survivants présentent de nombreux phénotypes tels que des défauts de soies mécano-sensorielles thoraciques, des veines ectopiques dans l’aile (Figure 18A), et un phénotype de type homéotique, l’apparition de peignes sexuels ectopiques (Figure 18B). De plus, la surexpression de corto grâce au système UAS/Gal4 induit également l’apparition de phénotypes homéotiques tels que la transformation de l’extrémité de l’antenne en patte (Kodjabachian et al., 1998; Lopez et al., 2001) (Figure 18C). Ces phénotypes homéotiques, partagés par différents mutants des gènes PcG et TrxG suggèrent que corto participerait à la régulation de plusieurs gènes Hox et pourrait se comporter soit comme un activateur de transcription, soit comme un répresseur, en fonction du stade de développement et des gènes cibles considérés. Il a été effectivement montré dans l’équipe que corto intervient dans la régulation de l’expression de trois gènes Hox au moins, Ubx, Scr et AbdB (Lopez et al., 2001; Salvaing et al., 2006; Salvaing et al., 2008a). Par ailleurs, des analyses génétiques ont permis de montrer que corto interagissait avec des gènes PcG, TrxG et des Enhancers de Trithorax et Polycomb (ETP). De plus, la protéine Corto interagit, in vitro comme in vivo, avec certaines de ces protéines. Enfin, Corto possède plus de 270 sites de fixation aux chromosomes polytènes de

Corto GAGA

Corto PH

Corto E(Z)

A B

C

Figure 19 : Corto se fixe sur les chromosomes polytènes et co-localise partiellement avec des protéines PcG et ETP

Co-localisations entre Corto et E(Z) (A), Corto et PH (B), Corto et GAGA (C). L’anti-Corto est détecté en vert, et les autres anticorps sont détectés en rouge. Les flèches indiquent certaines colocalisations. (Salvaing et al., 2003).

drosophile, et plusieurs de ces sites sont communs à d’autres protéines PcG et ETP (Lopez et al., 2001; Salvaing et al., 2006; Salvaing et al., 2003) (Figure 19). Le gène corto possède donc les caractéristiques d’un ETP, à savoir qu’il se comporte à la fois comme un gène PcG et un gène TrxG (Gildea et al., 2000). De plus, le grand nombre de sites d’adressage à la chromatine de Corto suggère que, outre les gènes Hox, cette protéine serait impliquée dans la régulation de nombreux autres gènes cibles, ce qui peut expliquer la grande variété des phénotypes observés en condition de perte ou de gain de fonction. L’étude approfondie de la régulation de l’expression du gène Hox Scr par Corto et un autre ETP, DSP1, a permis de suggérer que la présence au niveau d’un gène cible d’une combinaison particulière d’ETP pourrait permettre le recrutement soit de complexes PcG, soit de complexes TrxG. Suivant les tissus ou les stades de développement, ce gène pourrait ainsi être maintenu soit activé, soit réprimé (Salvaing et al., 2003).