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1 - La MAPK Hog1 de S. cerevisiae : une plateforme d’assemblage sur la chromatine

Chez Saccharomyces cerevisiae, Hog1, une MAPK de type p38, est impliquée dans la réponse au stress, et notamment aux changements d’osmolarité du milieu externe. La voie de signalisation Hog1 est activée par deux senseurs membranaires différents, et l’activation de ses cibles a pour conséquences une augmentation de la concentration interne d’osmolytes, un ralentissement du cycle cellulaire, une réorganisation du cytosquelette et une modification de l’activité métabolique (Chen and Thorner, 2007). Parmi les cibles nucléaires de Hog1 se trouvent les facteurs de transcription Msn2/Msn4, Sko1 et Hot1, permettant de contrôler l’expression d’un vaste réseau de gènes. Cette phosphorylation se produit directement sur la chromatine (Figure 7). En effet, Hog1 est recrutée sur les promoteurs de gènes cibles tels que GPD1, CTT1 et HSP12, et y active par phosphorylation les facteurs déjà en place Hot1, Msn2/4 (Alepuz et al., 2001). Une fois fixée sur les promoteurs, Hog1 joue un rôle de plateforme d’assemblage pour les complexes contrôlant l’initiation de la

transcription. Hog1 est notamment nécessaire pour recruter l’ARN Pol II sur ces promoteurs. Ce recrutement implique une interaction directe entre Hog1 et l’ARN Pol II, indépendamment de la phosphorylation des facteurs de transcription (Alepuz et al., 2003). Hog1 est aussi requise pour le recrutement de plusieurs cofacteurs de l’ARN Pol II stimulant l’initiation de la transcription, dont l’histone désacétylase Rpd3 (De Nadal et al., 2004), le complexe SAGA et le complexe Mediator (Zapater et al., 2007). Hog1 est également capable de transformer un répresseur de la transcription en activateur. En effet, certains gènes de réponse au stress osmotique, tels que les gènes GRE2, AHP1 et HAL1, sont réprimés par le complexe répresseur de la transcription Sko1-Cyc8-Tup1 en absence de stress. En présence d’un excès de sel dans le milieu, Hog1 est recrutée aux promoteurs par Sko1 et le phosphoryle. Le complexe répresseur devient alors un complexe activateur (Proft and Struhl, 2002). Enfin, Hog1 recrute sur la chromatine et active par phosphorylation l’ubiquitine protéase Ubp3, dont l’action est d’empêcher la dégradation des protéines en les dé-ubiquitinylant. Ubp3 protège alors de la dégradation les facteurs de transcription et l’ARN Pol II, ce qui favorise l’activation de la transcription. (Sole et al., 2011).

L’étude de la fixation de Hog1 à la chromatine par ChIP-chip a permis de compléter ces résultats en montrant que Hog1 n’est pas fixée uniquement sur le promoteur des gènes mais sur toute la séquence codante ainsi que sur la région 3’-UTR (Proft et al., 2006). Le rôle de Hog1 ne s’arrête donc pas au contrôle de l’initiation de la transcription mais concerne également les étapes d’élongation et de terminaison de la transcription. En effet, Hog1 interagit directement avec les facteurs d’élongation de la transcription Spt4, TFIIS, Paf1 et Thp1 (Proft et al., 2006) et aussi avec le facteur de remodelage de la chromatine RSC, de la famille SWI/SNF (Mas et al., 2009). RSC facilite la progression de l’ARN Pol II et de Hog1, qui

voyagent ensemble le long de la séquence codante des gènes de réponse au choc osmotique.

Ces différentes études ont révélé un rôle inattendu de la MAPK Hog1 dans le contrôle de la transcription, qui s’étend au-delà de la simple phosphorylation des facteurs de transcription cibles. Hog1 constitue en effet une véritable plateforme d’assemblage sur la chromatine, recrutant de nombreux complexes favorisant les différentes étapes de la transcription (initiation, élongation, terminaison). Cette propriété est partagée par plusieurs autres kinases de levure appartenant ou non à la famille des MAPK (Chow and Davis, 2006). On peut ainsi citer à titre d’exemple les MAPK Fus3P et Kss1 de la voie de réponse aux phéromones sexuelles, qui se fixent elles aussi sur le promoteur et la séquence codante de gènes de réponses aux phéromones tel que AGA1. Dans cet exemple particulier, il a été montré que, de façon surprenante, la protéine d’échafaudage Ste5p, permettant de former un complexe entre les trois kinases de la cascade de signalisation, est elle aussi fixée à la chromatine avec les MAPK (Pokholok et al., 2006).

2 - La MAPK p38 contrôle différentes étapes de la transcription au cours de la différenciation musculaire

Cette fonction des MAPK sur la chromatine n’est pas restreinte aux eucaryotes unicellulaires, plusieurs exemples étant aussi connus chez les mammifères. Par exemple, p38, JNK et ERK1/2 sont recrutées sur le promoteur de l’insuline et contrôlent sa transcription en réponse à un changement de glycémie (Lawrence et al., 2008; Lawrence et al., 2009). Mais l’exemple le plus documenté est celui de la MAPK p38 au cours de la différenciation musculaire.

promoteur

Gène de différentiation musculaire

Figure 8 : Modèle de l’activation des gènes de la différenciation myogénique par la MAPK p38

(A) Avant différenciation, YY1 recrute l’histone méthyltranferase EZH2 qui dépose la marque épigénétique répressive H3K27me3 sur les gènes de différenciation musculaire. (B) Les facteurs de transcription MyoD, MEF2 et Six4 se fixent au promoteur de ces gènes et y recrutent l’histone déméthylase UTX, les histones acétyltranférases pCAF et p300 ainsi que l’ARN Pol II. Le promoteur est alors déméthylé, acétylé et l’ARN Pol II est maintenue en pause. (C) L’activation et la fixation de p38 sur le promoteur conduisent à la phosphorylation de MEF2 et au recrutement de l’histone méthyltransferase Ash2 qui dépose la marque activatrice H3K4me3. P-TEFb est ensuite recruté, phosphoryle l’ARNpollII qui devient alors processive. La polymérase est accompagnée le long du gène par UTX qui retire la marque

L’analyse par immunoprécipitation de la chromatine des sites de fixation de p38 a révélé sa présence sur le promoteur du gène Myog ainsi que sur la séquence « enhancer » de Ckm, deux gènes impliqués dans la différenciation myogénique (Simone et al., 2004). Toutefois, p38 n’a jamais été détectée sur la séquence codante de ces gènes. Plusieurs observations suggèrent que p38 serait recrutée à la chromatine par les facteurs de transcription MyoD et MEF2. p38 n’est pas impliquée dans le contrôle des premières étapes de l’activation de la transcription comme le recrutement d’autres facteurs de transcription ou l’acétylation du promoteur, mais son activation est requise pour le recrutement et la phosphorylation du facteur de remodelage de la chromatine SWI/SNF et l’entrée en élongation de l’ARN Pol II (Simone et al., 2004).

L’activation de certains gènes de la différenciation myogénique semble donc se faire en deux temps (Figure 8). Avant différenciation, les promoteurs des gènes myogéniques sont fixés par YY1 et l’histone méthyltransférase EZH2 qui triméthyle l’histone H3 sur la lysine 27 (H3K27me3), constituant un environnement chromatinien répressif pour la transcription (Caretti et al., 2004). Au cours de la première étape de l'activation, le recrutement sur les promoteurs et les séquences régulatrices de facteurs de transcription tel que MyoD, Six4 et MEF2 permet le recrutement de l’ARN Pol II ainsi que des acétyltransférases p300 et pCAF, de l’histone déméthylase UTX et d’autres modificateurs de la chromatine (Aziz et al., 2010; Rampalli et al., 2007; Seenundun et al., 2010; Simone et al., 2004). Cependant, ces événements ne sont pas suffisants pour démarrer la transcription et résultent en un promoteur qui reste en état de pause transcriptionnelle. Au cours d'une seconde étape, l’activation de p38 et son recrutement sur les promoteurs et les séquences régulatrices induit la phosphorylation de MEF2. Cet événement conduit au recrutement de l’histone méthyltransférase Ash2L, du complexe SWI/SNF et du facteur d’élongation de la

ch arniè re notum thorax poche lame A B C

Figure 9 : Structure du disque imaginal d’aile (A) et de l’aile adulte (B, C) de Drosophila melanogaster

(A) Au troisième stade larvaire, le disque d’aile contient environ 50 000 cellules pour une taille d’approximativement 300 x 450µm, constituant le plus grand disque imaginal de

Drosophila melanogaster. Il contient trois zones majoritaires : le notum, qui formera la

moitié du thorax dorsal ; la poche, qui formera la lame de l’aile ; la charnière, entourant la poche et qui permettra l’attachement de l’aile au thorax. (B) Schéma d’aile adulte montrant les frontières antéro-postérieure (AP) et dorso-ventrale (DV) (en pointillés). Les lignes noires représentent les futures veines numérotées de 1 à 5. (C) Photographie d’une aile montrant les veines longitudinales (L1 à L5) et les veines transversales antérieure et postérieure (acv et pcv). Le trait rouge figure la position de l’axe antéro-postérieur. (D’après Lewis et Hedel, 2002).

transcription P-TEFb (Giacinti et al., 2006; Rampalli et al., 2007; Simone et al., 2004). L’ARN Pol II entre alors dans une phase d’élongation processive, accompagnée par UTX qui supprime la marque épigénétique répressive H3K27me3 encore présente sur le corps du gène (Aziz et al., 2010; Seenundun et al., 2010).

Ces deux exemples montrent que, chez la levure et les mammifères, les différentes étapes de la transcription peuvent être contrôlées directement sur la chromatine par les MAPK. Ce mécanisme peut permettre une adaptation rapide et efficace de l’état de transcription des gènes en réponse à un signal extérieur, comme un stress ou un signal développemental. Les travaux de l’équipe Chromatine et Développement où j’ai réalisé ma thèse suggèrent qu’un tel mécanisme pourrait aussi exister chez la drosophile, au cours du développement des tissus de l’aile.

III. Les grandes étapes du développement de l’aile de Drosophile