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L’expression de nombreux gènes est contrôlée par la pause transcriptionnelle

Les étapes de pré-initiation et d’initiation de la transcription ont longtemps été considérées comme les plus importantes pour le contrôle de l’expression des gènes. Le recrutement de l’ARN Pol II sur les promoteurs était donc perçu comme l’étape principale régulant la transcription. Mais le contrôle de la pause de l’ARN Pol II au début de l’élongation est lui

aussi primordial pour la régulation de l’expression d’un certain nombre de gènes, dont les gènes de réponse aux chocs thermiques.

1 - Mise en évidence expérimentale des gènes en pause

Les promoteurs des gènes de réponse au choc thermique chez la drosophile, et en particulier celui de hsp70, sont connus depuis le milieu des années 1980 pour posséder une ARN Pol II en état de pause de transcription en absence d’induction. En effet, une ARN Pol II a été décrite sur le promoteur de hsp70 entre les positions -12 et +65 par rapport au +1 de transcription avant induction, alors qu’aucune polymérase n’est présente sur le corps du gène (Gilmour and Lis, 1986). Cette polymérase produit des ARN de 17 à 37 nucléotides de long ayant la particularité d’être coiffés en 5’ (Rasmussen and Lis, 1993). L’activation de l’élongation de la transcription de hsp70 après un choc thermique est très efficace et rapide, l’ARN Pol II en élongation s’associant à la séquence codante en quelques secondes, ce qui entraîne l’augmentation de plus de 100 fois de la quantité de transcrits en une minute (Boehm et al., 2003).

Certaines observations ont suggéré que ce mécanisme de régulation de la pause transcriptionnelle s’étend à d’autres gènes, comme les oncogènes humains c-myc (Strobl and Eick, 1992), c-myb (Bender et al., 1987), c-fos (Collart et al., 1991) et aussi certains gènes codés par le virus du VIH (Kao et al., 1987).

Plus récemment, des études globales ont montré que de nombreux promoteurs sont en état de pause transcriptionnelle. Une analyse sur des fibroblastes humains a identifié 28 % des gènes comme étant en pause (Core et al., 2008). De même, chez la drosophile, deux études

ont montré que 12 à 18% des gènes sont en pause juste après le promoteur, en embryons et en cellules S2 (Muse et al., 2007; Zeitlinger et al., 2007). Ces deux études reposent essentiellement sur des expériences d’immunoprécipitation de chromatine avec un anticorps dirigé contre l’ARN Pol II suivies d’un séquençage global (ChIP-Seq). Les gènes en pause sont ensuite identifiés en définissant un index de pause qui compare l’enrichissement en ARN Pol II sur les promoteurs par rapport à son enrichissement sur la séquence codante (Figure 3). Par ce critère, les gènes en pause sont définis comme possédant un index de pause supérieur à 4 et les gènes transcrits un index de pause inférieur à 2.

2 - Mécanismes de maintien et de sortie de la pause transcriptionnelle

Le répresseur de l’élongation NELF, tout comme DSIF, est important pour le maintien en pause de nombreux gènes, dont hsp70. NELF se fixe à plus de 2000 gènes chez la drosophile (Lee et al., 2008; Wu et al., 2003). Dans un mutant perte de fonction pour NELF, 60% des gènes en pause perdent leur enrichissement en ARN Pol II sur leur région 5’-UTR sans que celui-ci n’augmente dans la séquence codante (Muse et al., 2007). Ce rôle a été confirmé pour la transcription du gène slp1, un gène régulé par les facteurs de transcription « pair-ruled » au cours de l’embryogénèse précoce chez la drosophile (Wang et al., 2007). D’autres facteurs interviennent pour la levée de la pause. C’est par exemple le cas des facteurs d’élongation de la transcription P-TEFb, ELL et Elongin, qui sont recrutés sur hsp70 après un choc thermique et sont nécessaires pour son expression (Gerber et al., 2005; Lis et al., 2000; Smith et al., 2008). Le complexe TrxG TAC1 est lui aussi recruté au promoteur de hsp70 après choc thermique, où il dépose la marque épigénétique H3K4me3, acétyle les histones et est requis pour la pleine activation de la transcription (Smith et al., 2004). Il en est de même

A B

C

Figure 3 : Identification des gènes en pause par le calcul de leur index de pause

A : Graphique représentant l’enrichissement en ARN Pol II sur un gène en pause hypothétique. L’enrichissement maximal au niveau du promoteur est rapporté à l’enrichissement moyen le long du transcrit afin de calculer l’index de pause.

B : Dans l’embryon de Drosophile, 12% des gènes présentent un index de pause supérieur à 4 et sont donc considérés en pause, 27% possèdent un index de pause inférieur à 2 et sont donc considérés comme transcriptionnellement actifs, 37% ne présentent aucun enrichissement en ARN Pol II et sont considérés comme réprimés, les 24% restants se trouvent dans un état indéterminé. (D’après Zeitlinger et al., 2007).

C : Graphiques représentant l’enrichissement en ARN Pol II totale (anti-Rpb3) ou phosphorylée sur la Ser2 du domaine CTD (anti-CTD-Ser2P) sur les locus de eiF-5C, RpS7, rho et net. eiF-5C et RpS7 sont deux gènes activement transcrits et présentent un index de pause faible. rho et net sont deux gènes en pause et présentent un index de pause élevé. En bleu est schématisée la structure des gènes, avec des boîtes pour les exons et des lignes pour les

pour le complexe de remodelage de la chromatine NURF et, chez les mammifères, pour le complexe SWI/SNF. Toutefois, ce dernier est requis dans le cas d’une activation par des métaux lourds ou un inhibiteur du métabolisme et non pas par un choc thermique, indiquant une sélectivité de recrutement des complexes de remodelage de la chromatine dépendant de la voie d’activation (Badenhorst et al., 2005; de La Serna et al., 2000). Enfin, la kinase JIL-1 phosphoryle la sérine 10 de l’histone H3, ce qui est nécessaire à l’entrée en élongation productive après un choc thermique (Ivaldi et al., 2007).

L’analyse bioinformatique des séquences des gènes en pause identifiés par Zeitlinger et ses collaborateurs (Zeitlinger et al., 2007) a permis de découvrir un motif important pour le maintien en pause, appelé bouton de pause (PB), dont la séquence consensus est KCGRWCG (Figure 4A). Ce motif se retrouve dans plus d’un quart des gènes analysés, principalement entre les positions +20 et +30. Les éléments de promoteur Inr (Initiator) et DPE (Downstream Promoter Element), responsables du recrutement du facteur général de transcription TFIID, sont également sur-représentés dans ces promoteurs (Hendrix et al., 2008). Enfin, 39% des gènes possédant NELF sur leur promoteur possèdent aussi une séquence GAGA de fixation pour le facteur GAGA (GAF), un facteur important pour l’expression de hsp70 (Lee et al., 2008; Shopland et al., 1995). Ainsi, la combinaison d’une séquence GAGA suivie d’une séquence Inr et d’un motif PB ou DPE apparait comme un enchaînement prédictif d’un promoteur en pause, plus d’un tiers des gènes en pause possédant cette combinaison contre seulement 2% des promoteurs constitutifs (Hendrix et al., 2008).

L’analyse des transcrits courts produits par les locus en pause a montré qu’ils sont coiffés et possèdent le même +1 de transcription que les ARNm correspondants. De plus, pour les produire, l’ARN Pol II traverse une zone entre les positions +20 et +35 dans laquelle l’hybride

% A+T % A+T % A+T Distance du +1 de transcription (nt) Distance du +1 de transcription (nt)

Site de pause initiale

Marche arrière

Clivage de l’ARN et pause stable

Figure 4 : Bouton de pause et mécanisme de pause transcriptionnelle

A : Identification de deux sites importants pour la pause de la transcription, appelés bouton de pause et site DPE. Le graphique représente le niveau de conservation à chaque positon par rapport au début de transcription.

B : Le pourcentage en nucléotides A+T est important pour l’entrée en pause de l’ARN Pol II. Lorsque celle-ci rencontre un site avec un fort pourcentage en A+T, l’hybride ARN/ADN formé est peu stable. L’ARN Pol II recule alors sur un site plus stable contenant un pourcentage en A+T plus faible et TFIIS clive l’extrémité d’ARN produit en excès. (D’après Nechaev et Adelman, 2011).

ARN/ADN créé est particulièrement stable. Cette zone est suivie d’une région dans laquelle la stabilité de l’hybride est beaucoup plus faible. Ces propriétés thermodynamiques particulières favorisent un recul de l’ARN Pol II à la jonction entre ces deux régions. Le petit fragment d’ARN produit en excès est ensuite clivé d’une façon dépendante de TFIIS et l’ARN Pol II se retrouve en pause aux environs de la position +35 après le début de transcription (Nechaev et al., 2010) (Figure 4B).

Il a été proposé que NELF, associé à DSIF, maintienne en pause l’ARN Pol II ayant reculé vers la position +35. L’action d’un signal sur le promoteur en pause, comme le Heat Shock Factor dans le cas de hsp70 (Shopland et al., 1995), induit le recrutement de P-TEFb qui permet de décrocher NELF de DSIF et de transformer le complexe d’élongation en pause en une forme active (Gilmour, 2009; Nechaev and Adelman, 2011) (Figure 5). De plus, des petits ARN caractéristiques des gènes en pause sont produits par des gènes activement transcrits (Nechaev et al., 2010). Cette observation, appuyée par le fait que NELF est également fixé sur des promoteurs de gènes transcriptionnellement actifs (Lee et al., 2008), suggère que l’étape de pause est obligatoire pour la plupart des gènes. Seul le temps de maintien en pause permet alors de faire la différence entre un gène en pause et un gène activement transcrit.

3 - Fonctions biologiques de la pause de transcription

Le fait que des gènes du développement et des voies de signalisation représentent une part importante des gènes identifiés en pause suggère l’implication de la pause dans une réponse rapide au cours du développement, ainsi qu’une préparation à une activation future (Levine, 2011; Muse et al., 2007; Zeitlinger et al., 2007). La présence d’une ARN Pol II par promoteur

Figure 5 : Mécanisme de maintien et de sortie de pause

Schéma représentant un promoteur type possédant une ARN Pol II en pause (en haut). Le promoteur contient la majorité des séquences pour recruter et maintenir l’ARN Pol II en pause, à savoir les séquences GAGA, TATA, Initiator et DPE/PB. L’ARN Pol II, phosphorylée sur la Ser2 de son domaine CTD après avoir échappé au promoteur, est maintenue en pause par le complexe répresseur NELF/DSIF juste après la séquence DPE/PB. L’activation du facteur d’élongation P-TEFb entraîne la libération de NELF, la phosphorylation de l’ARN Pol II

n’explique toutefois pas comment une seule enzyme peut favoriser les cycles de transcriptions suivants. Il a été proposé que l’ARN Pol II en pause, en plus d’être associée à un PIC déjà présent sur un promoteur ouvert, pourrait « lubrifier » la séquence codante du gène lors du premier cycle de transcription grâce au recrutement de facteurs de remodelage qui augmenteraient la vitesse de transcription (Levine, 2011). De plus, si la présence d’un activateur permet d’induire rapidement l’expression des gènes en pause, sa disparition permettrait de stopper tout aussi rapidement leur expression. La pause serait donc à l’origine d’un mécanisme précis de contrôle de la transition activation/répression de l’expression génique (Hendrix et al., 2008).

La pause pourrait aussi servir à synchroniser de façon précise un groupe de cellules en réponse à un signal (Boettiger and Levine, 2009). Dans le même ordre d’idée, elle pourrait synchroniser l’expression de gènes produisant des protéines appartenant à un même complexe, assurant ainsi sa stœchiométrie (Levine, 2011).

La pause de transcription peut être impliquée également dans le contrôle de l’association de l’ARN à sa coiffe 5’ terminale (Gilmour, 2009). Les ARN produits par les promoteurs en pause, en plus d’être coiffés (Nechaev et al., 2010), sont transcrit par une ARN Pol II phosphorylée sur la Ser5 du CTD. Cette modification est connue pour interagir avec les enzymes fixant la coiffe à l’ARN en cours d’élongation (Buratowski, 2009).

Le maintien des promoteurs en pause pourrait enfin avoir une fonction de structuration des chromosomes. En effet, les promoteurs en pause des gènes Hox et de hsp70 possèdent une activité insulatrice, c'est-à-dire qu’ils permettent de bloquer l’action de séquences « enhancers ». Des mutants pour les gènes codant DSIF, NELF et GAF perdent à la fois l’activité insulatrice des promoteurs en pause et celle des insulateurs classiques. L’hypothèse

proposée est que les insulateurs et les promoteurs s’associent physiquement grâce à DSIF, NELF et GAF, créant des domaines de chromatine en boucle isolant les « enhancers » de leurs cibles (Chopra et al., 2009a).

La transcription est donc un mécanisme extrêmement régulé, et ceci à chaque étape de son cycle. En plus de ces régulations intrinsèques, il existe d’autres niveaux de régulation médiés par des signaux extracellulaires transduits par des voies de signalisation, par exemple les voies de signalisation MAP kinase.

II. Le contrôle transcriptionnel par les voies de signalisation MAP kinase

(MAPK) : un mécanisme rapide d’activation et de répression de la

transcription