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Le discours introductif

Dans le document L’argumentation dans le débat télévisé (Page 108-115)

II. Débat retenu pour l’analyse

1. Le discours introductif

Le thème principal d’un débat télévisé, qui en constitue généralement l’intitulé, est un élément de captation primordial ; de même que la première intervention du présentateur qui fait office d’introduction et indique sommairement les informations à connaitre sur le débat dont, principalement, le sujet du jour et les différents points à débattre, l’identité des invités et l’objectif visé.

Ces éléments sont supposés susciter l’intérêt du public et créer chez lui des attentes pour l’amener à suivre le débat ; d’où la nécessité d’une préparation subtile du discours introductif.

108 Dans le débat qui nous intéresse, la formulation du thème principal « Tribunal criminel, la réforme » est suggestive et met en avant deux notions clés :

La première, ‘tribunal criminel’, désigne une institution sociale d’une grande importance. D’ailleurs, au cours du débat, l’un des invités (D. Bouzertini), précise que ce qui fait la particularité de cette institution « c’est la gravité des affaires » (intervention 8) qu’elle traite et donc des décisions de sanctions qu’elle prend ; d’où la crainte qu’elle inspire

souvent aux gens (« les anciens l’appelaient ‘Chrâa lahmar’1 » (idem)).

La seconde, ‘réforme’, indique un projet de modifications ou d’améliorations du fonctionnement de cette institution. Toutefois, cette notion peut également signifier l’existence de lacunes.

Le thème principal du débat retenu cible alors un important élément d’actualité. Il peut ainsi intéresser le public et le pousser à vouloir en savoir plus sur les changements escomptés ; et ce, en commençant par suivre la première intervention de l’animateur.

A. Lahri entame son discours introductif, en annonçant progressivement le sujet du débat ; tel que le montre l’extrait suivant :

« 1 AL- madame monsieur bonsoir question d’actu en direct sur Canal Algérie coum comme tous les Lundi soir j’ai beaucoup de plaisir à vous retrouver très heureux et un nouveau numéro ce soir il va être question de justice pour aujourd’hui la réforme pour être euh plus préciscelle du tribunal criminel pourquoi le tribunal criminel eh bien parce que son intérêt concerne aussi bien l’ordre public que les droits de l’homme […] ».

Le présentateur introduit un enchainement subtil de termes principaux, relatifs au thème du débat :

Il emploie d’abord le terme de ‘justice’ qui peut faire référence au domaine juridique, comme à la valeur de ‘la justice’ ; voire plus à cette dernière, étant donné la formulation de la phrase : ‘ce soir il va être question de justice’. Puis, celui de ‘réforme’ qui suggère que cette dernière cible ‘le domaine de la justice’, mais aussi qu’elle vise à ‘réaliser plus

109 de justice’ ; surtout si nous tenons compte de l’explication donnée, par la suite, pour valoriser l’apport du débat et justifier sa centralité sur le cas du tribunal criminel : ‘parce que son intérêt concerne aussi bien l’ordre public que les droits de l’homme’.

Aux notions de ‘justice’ et de ‘réforme’, il ajoute donc celles de ‘tribunal criminel’, d’ ‘ordre public’ et de ‘droits de l’homme’. Ce choix de termes prend encore plus d’intérêt, si nous considérons les points à débattre, l’objectif visé et l’identité des débatteurs.

Le thème du jour s’annonce alors sensible et nécessiterait d’être abordé avec subtilité. Ce qui est confirmé par plusieurs détails du débat1 et même par sa clôture où l’animateur demande aux invités leurs avis sur ce qui parait être le plus urgent à appliquer, parmi les recommandations du projet de réforme. La réponse de l’un des participants est très significative : « 330 DB- tout tout est urgent tout est urgent ».

1.2. Objectif visé et points à débattre

Tout débat télévisé a un objectif annoncé dans le discours introductif du présentateur, de manière plus ou moins claire. Le choix du thème principal et l’objectif visé permettent souvent de déterminer les points à débattre.

Nous venons de voir que l’animateur a employé des termes suggestifs pour introduire le thème principal. Ces termes sont suivis d’un constat qui indique la sensibilité de la question traitée dans ce débat : « 1 AL- […] alors des manquements sont constatés vous imaginez des lacunes qu’il faudrait à l’avenir combler pour essayer d’obtenir un fonctionnement correct […] ».

D’après cet extrait, le tribunal criminel fonctionnerait mal et aurait des lacunes ; la réforme ne serait donc pas envisagée simplement pour améliorer le fonctionnement du tribunal criminel, mais bien pour remédier à ses lacunes. De plus, A. Lahri interpelle les téléspectateurs par la formule ‘vous imaginez’ qui peut accorder à cette situation problématique un aspect inquiétant.

110 Le présentateur poursuit sa première intervention, en donnant justement plus d’informations sur cette dernière. Il expose en fait les points ciblés par la réforme, qui constituent aussi les principaux points à débattre, à savoir : ‘le droit au double degré de juridiction,’ la question du ‘maintien du jury populaire’ et ‘le droit à la motivation du jugement’, que nous pouvons retrouver dansle passage suivant :

« 1 AL- […] on peut citer le double degré de juridiction c’est-à-dire que toute personne déclarée coupable d’une infraction a le droit de faire examiner cette culpabilité par une juridiction supérieure on on verra tout à l’heure de quoi il il s’agit au juste autre aspect de cette réforme le jury populaire la pratique a démontré des limites devant le tribunal criminel précisément pourquoi et puis la motivation du jugement on va en parler également autrement dit le justiciable a le droit de mieux comprendre les raisons qui ont guidé le juge dans le choix de la sanction les aspects pratiques de la réforme qu’on va tenter en tous les cas d’expliquer ce soir avec nos invités pour mieux comprendre tout ce fonctionnement […] ».

Dans cet extrait, nous retrouvons la référence à l’une des notions de base introduites par A. Lahri au début de son intervention : les ‘droits de l’homme’, dans la formule répétée ‘a le droit de’. Ce qui peut amener à comprendre que certains droits des individus auraient été mal assurés et rendre, par là, le sujet du jour encore plus sensible et donc plus intéressant pour les téléspectateurs.

Après l’annonce de ces points, l’animateur définit finalement l’objectif visé par le débat, comme étant la recherche d’une meilleure compréhension de la finalité pratique de la réforme et du fonctionnement du tribunal criminel.

Cette formulation globale de l’objectif du débat peut susciter des attentes (par exemple, connaitre les causes des lacunes en question). Elle est alors également suggestive et cela s’avère être un bon élément d’attractivité.

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1.3. Les invités du débat

Après la présentation des points à débattre et de l’objectif visé, A. Lahri passe à celle des personnes conviées sur le plateau. Il s’agit de trois autorités importantes du domaine juridique :

« 1 AL- […] voici notre plateau Djamel Bouzertini bonsoir [vous êtes directeur général 2 DB- [bonsoir

AL- du CRJJ le centre de recherche euh juridique et judiciaire ancien président de la cour d’Alger avec nous également Abdelkrim Boudrioua vous êtes doyen de la faculté de droit à l’université de Bejaïa et puis Miloud Brahimi vous êtes avocat agréé à la cour suprême et vous êtes ancien président de la ligue algérienne des droits de l’homme bonsoir messieurs et merci d’avoir accepté notre invitation […] ».

Le premier invité présenté est Djamel Bouzertini ; le Directeur général du centre de recherche juridique et judiciaire (CRJJ). Si un téléspectateur est mal informé sur les responsabilités de ce centre, il peut apprendre, en suivant l’échange, qu’il participe grandement au projet de réforme du tribunal criminel. Projet qui constitue justement le point central du débat ; tel que le confirme l’extrait suivant :

« 303 AL- d’accord alors précisons Djamel Bouzertini que tout ce qu’on a abordé depuis ledébut de l’émission toutes ces mesures tous ces points de la réforme ne sont toujours pas appliqués que c’est des idées c’est-à-dire là vous êtes en train de proposer le centre de recherche juridique et judiciaire est en train de proposer un certain nombre de de de de points à revoir une réforme c’est bien cela [donc 304 DB- [c’est bien cela

AL- au jour d’aujourd’hui rien n’est appliqué ».

L’indication de cette fonction de l’invité de prime abord, permet de la mettre en valeur et d’attirer l’attention sur le rôle que Djamel Bouzertini peut jouer dans le débat. De plus, il était Président de la cour d’Alger ; ce qui implique qu’il est bien placé pour parler du fonctionnement de cette cour et partager son expérience.

112 Le deuxième invité du débat, ‘Abdelkrim Boudrioua’, est Doyen de la faculté de droit à l’université de Bejaïa. Contribuant à la formation des apprenants en droit, donc de futurs juristes, avocats…, sa participation à l’échange peut être très enrichissante. Aussi, il semble que l’émission vise la variété des approches ; puisqu’en exerçant une fonction qui l’inscrit dans le domaine de l’enseignement et de la formation universitaires, contrairement aux deux autres invités, Abdelkrim Boudrioua pourrait appréhender différemment les questions abordées.

Enfin, le troisième et dernier invité présenté, est Miloud Brahimi. A. Lahri précise un élément important le concernant : non seulement il est Avocat agréé à la cour suprême, mais il a également été Président de la ligue algérienne des ‘droits de l’homme’.

Miloud Brahimi possède alors les qualifications requises pour bien défendre les droits des accusés sur le plateau, apporter des témoignages intéressants, et surtout, montrer les lacunes du tribunal criminel.

Ainsi, pouvons-nous voir le choix subtil des intervenants. Ce qui rend compte du rôle qui leur est accordé dans la réalisation des fonctions informative et attractive du débat.

Le discours introductif de l’animateur s’achève par l’annonce d’un reportage d’un grand intérêt pour le débat.

1.4. L’annonce du reportage

Lorsqu’un reportage est prévu par une émission à débats, il est généralement diffusé après quelques tours de table. Toutefois, dans certains cas, comme celui du débat « Tribunal criminel, la réforme », il fait plutôt office d’entrée en matière. Ce qui le met davantage en valeur et permet de penser que ce qui va y être montré est essentiel pour lancer le débat et l’animer.

113 Avant de nous intéresser au rôle du reportage dans le débat retenu, nous allons d’abord porter attention à la manière dont il a été annoncé, à la fin du discours introductif du présentateur :

« 1 AL- […] alors tout d’abord voyons je vous le disais le fonctionnement de ce

tribunal criminel le fonctionnement à l’heure actuelle c’est-à-dire sans l’application de la réforme Nawel Abada s’est rendue hier matin au niveau de la cour d’Alger pour réaliser son reportage elle a rencontré tous les praticiens du droit pour leur poser la question on revient juste après ».

Cet extrait signale l’objectif du reportage qui est de donner un aperçu du fonctionnement du tribunal criminel avant la réforme. Ce qui signifie qu’il va justement dévoiler les lacunes constatées, qui rendraient cette dernière nécessaire. Le reportage va donc communiquer des informations d’une importance capitale dans le débat.

De plus, dans cette annonce, nous retrouvons des indices, de lieu (‘au niveau de la cour d’Alger’), de temps (‘hier matin’) et d’expérience réelle (‘s’est rendue’, ‘elle a rencontrée’), dont l’intérêt est de montrer l’ancrage du reportage dans l’actualité et de le rendre plus crédible. Nous retrouvons également une référence à l’apport de témoignages et de réponses pertinentes, provenant d’autorités du domaine ; une source sure valorisée par une généralisation : ‘tous les praticiens du droit’.

Certains de ces indices sont répétés par le présentateur juste après la diffusion du reportage : « 3 AL- voilà donc on vient d’écouter tous les praticiens du droit c’était un reportage réalisé hier matin au niveau de la cour euh d’Alger ».

A ce propos, ces détails peuvent créer des attentes vis-à-vis du contenu du reportage. Ils ont alors une finalité informative et attractive, à la fois.

En fait, l’ancrage dans la réalité actuelle et l’apport de preuves constituent un souci auquel l’émission a tenté de répondre à travers plusieurs éléments dont le reportage, l’identité des invités…

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Tel que nous l’avons vu précédemment1, ces derniers sont des autorités du domaine

choisies, entre autres, pour leur disposition à fournir des témoignages pertinents. En guise d’illustration, nous citons un passage du débat où A. Lahri interpelle M. Brahimi d’une manière qui met justement cela en valeur :

« 25 AL- d’accord Miloud Brahimi vous venez de nous joindre à l’instant et avant de venir vous m’avez dit j’ai passé la journée dans un tribunal criminel ça tombe bien il y a beaucoup de choses à dire ».

Dans ce nouvel extrait – de même que dans l’annonce du reportage – les indices de lieu, de temps et d’expérience réelle sont remarquables par leur rapport étroit au débat et au moment de sa diffusion (‘dans un tribunal criminel’, ‘vous venez de nous joindre’, ‘à l’instant’, ‘avant de venir’, ‘j’ai passé la journée’).

Aussi, N. Abada et M. Brahimi se voient octroyer un statut de ‘témoin’ qui valorise leur contribution au débat et peut y accorder plus d’effet ; autrement dit, le contenu du reportage est mis en exergue, de même que les interventions de cet invité (d’où la formule ‘ça tombe bien il y a beaucoup de choses à dire’).

2. Importance du reportage et orientation du débat

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