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Les arguments d’analogie

‘Les arguments analogiques’ permettent de lier deux réels distincts et comprennent les deux composantes qui suivent : ‘un thème’ (ce dont le locuteur veut convaincre) et ‘un phore’ (le cadre sur lequel il y a accord).

Dans l’exemple donné par l’auteur1 « il est fort comme Hercule », ‘le thème’ est la force

de celui qui est désigné par le pronom ‘il’, et le ‘phore’ est celle reconnue au personnage mythique ‘Hercule’.

Le lien établi par ces arguments est basé sur une correspondance supposée pouvoir être assimilée par l’auditoire car elle prend justement appui sur un savoir commun. Toutefois, il peut arriver qu’elle ne le soit pas, vu qu’elle n’est pas toujours apparente et que les arguments analogiques amènent quelques fois à diverses interprétations.

Ainsi, ils peuvent ne pas sembler crédibles ; mais en dépit de cela, dans certaines situations, ils se révèlent d’une grande efficacité. En effet, les rapprochements qu’ils suggèrent sont souvent très attrayants, étant donné l’aspect esthétique, la créativité et les émotions, couramment impliqués.

Dans sa typologie, P. Breton évoque trois arguments analogiques : ‘l’exemple’, ‘la métaphore’ et ‘l’analogie’, et signale qu’il faut faire attention à ne pas confondre ces deux derniers arguments, à visée de conviction, avec les figures de style du même nom, dont l’objectif est uniquement de produire un discours beau et émouvant.

4.1. La métaphore

L’appellation de ‘métaphore’ est utilisée dans le langage courant, essentiellement pour désigner une figure de style connue (surtout dans le contexte littéraire). En guise d’illustration, nous pouvons citer le cas où quelqu’un emploie l’expression ‘la bougie qui ne s’éteint jamais’ pour représenter la mère qui veille toujours, et discrètement, sur ses enfants et guette leurs moindres soucis.

61 ‘La métaphore’ est considérée comme argument, lorsqu’elle est mise en œuvre pour défendre une opinion, par exemple : un locuteur qui dit d’un projet que ‘c’est une bombe à retardement’, pour inviter à le rejeter.

Cet argument est décrit par P. Breton, comme ayant à la fois de la puissance et de la fragilité car il s’agit du cas extrême des ‘arguments analogiques’, et malgré son rapprochement de la figure de style, il est souvent présenté comme étant raisonnable et rigoureux ; de même que ‘l’argument de l’analogie’ présenté ci-dessous.

4.2. L’analogie

‘L’argument de l’analogie’ se différencie de ‘l’argument de la comparaison’ (argument de cadrage) par le fait qu’il rapproche deux termes très distincts : « A proprement parler, il n’y a pas de rapport entre les termes de l’analogie » (Breton, 2006 : 96).

Pour l’illustrer, nous revenons encore à l’exemple de l’auteur « il est fort comme Hercule », dans lequel ‘il’ est rapproché d’un être mythique (analogie) et non pas d’un autre être humain (comparaison).

L’analogie peut aussi mettre en jeu quatre termes, au lieu de deux (comme c’est le cas pour ‘la comparaison’), en confrontant des relations ou des situations qui lient des paires d’éléments. Ce qui est susceptible de communiquer un sens plus explicite et orienté.

Si pour mettre en garde contre le commandant d’une armée, un locuteur disait : ‘il fera aux prisonniers pire que ce que Hitler a fait aux juifs, dans les camps de concentration’ ; cela serait plus clair que s’il disait simplement : ‘il est pire qu’Hitler’, qui suggère un cadre interprétatif plus large.

Cependant, dans certains cas, ‘l’analogie’ peut être difficile à comprendre car elle demande un effort intellectuel que l’auditoire n’est pas toujours disposé à fournir. Ce qui explique qu’elle n’est pas d’un usage très courant.

62 Tel que nous l’avons mentionné concernant ‘la métaphore’, c’est la visée de conviction qui fait de ‘l’analogie’ un argument ; autrement, elle va avoir une fonction de figure de style (principalement en littérature) ou une finalité informative au quotidien ; tel que le montre l’exemple qui suit : l’énoncé ‘cet employé a organisé le magasin, de la même façon que les abeilles organisent leur ruche’, est un argument, si le locuteur veut montrer la valeur de l’employé en question et convaincre de son efficacité. Il ne l’est pas, s’il s’agit juste d’un constat parmi d’autres, fait dans un objectif informatif.

‘L’argument de l’analogie’ a une formule ‘a contrario’ (une formule inverse), indiquée par P. Breton, comme dans : ‘le menuisier a fait du bon travail dans la cuisine, contrairement au plombier dans la salle de bain’ (ici le locuteur compare le travail fait dans les deux cas, pour convaincre de la qualité de celui accompli par le menuisier).

Dans les typologies des arguments consultées, ‘l’analogie’ et ‘la métaphore’ sont rapprochées des figures de style du même nom et on leur reconnait bien un aspect persuasif. En effet, R. et J. Simonet estiment qu’ « elles font comprendre en frappant l’esprit, en dramatisant, en suscitant la curiosité ou l’émotion » (2001 : 106), et J-J. Robrieux pense qu’« en argumentation, l’analogie est surtout employée à des fins persuasives ou pédagogiques. On s’autorise plus de libertés hors du contexte scientifique, puisqu’il faut avant tout frapper l’auditoire à l’aide d’images saisissantes, utiliser le connu pour faire comprendre l’inconnu » (Bergez, 2005 : 196).

Malgré cela, ces deux arguments sont classés dans des catégories à tendance

raisonnable : ‘les arguments empiriques’ chez J-J. Robrieux, ‘les arguments fondant la

structure du réel’ chez O. Reboul, et enfin, ‘les techniques ou procédés de raisonnements’ chez R. et J. Simonet qui signalent que « l’argumentation par l’analogie ou la métaphore gagne à être associée à une argumentation « rigoureuse » (fondée sur une présentation des faits, de preuves et sur la déduction) » (Simonet, 2001 : 107).

Ces considérations indiquent que ces auteurs estiment le caractère raisonnable de ces arguments dominant, par rapport à leur aspect persuasif.

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4.3. L’exemple

Parmi les ‘arguments analogiques’, P. Breton compte encore ‘l’exemple’ qui a pour but d’illustrer et d’expliciter des propos (quand cela parait nécessaire), à travers la présentation d’un cas particulier. Ceci en vue d’aboutir à une généralisation ou d’inciter à un comportement égal ; comme lorsqu’une mère dit à son fils qu’il est possible de réussir même dans des situations qui paraissent désespérées, en lui donnant l’exemple de son voisin qui a traversé une épreuve difficile et l’a affrontée en fournissant des efforts payants.

Cet argument est généralement décrit comme étant simple, pratique et souvent spontané ; d’ailleurs, il est d’usage très fréquent et apparait dans différents contextes. Toutefois, l’interlocuteur peut l’estimer non représentatif ou y voir une comparaison et déprécier cela.

En fait, de nombreux auteurs évoquent des subdivisions de ‘l’exemple’ ou des variantes qui s’en rapprochent. A ce propos, R. Amossy, en adoptant la conception d’Aristote, distingue entre ‘l’exemple historique’ et ‘l’exemple fictionnel’. Le premier, réel et inspiré du passé, est estimé supérieur, en termes de force et d’efficacité, au second qui consiste à inventer un exemple (Amossy, 2006 : 146).

Mais il est plus courant de rencontrer, dans les typologies (comme celle de J-J. Robrieux), les variantes de ‘l’illustration’ et du ‘modèle’. P. Breton en parle brièvement dans la sienne (dans sa présentation de ‘l’argument de l’exemple’), sans les mentionner comme arguments principaux.

Il indique simplement que ‘l’illustration’ est un exemple fictif qui a le caractère d’une figure de style plus que celui d’un argument, et que ‘le modèle’ est un exemple à impact plus fort car il présente un cas particulier comme exemplaire et devant être suivi.

Ainsi la mère, dont nous avons parlé plus haut, peut dire à son fils : ‘tu réussiras si tu fais comme notre voisin’ (‘modèle’), plutôt que : ‘on peut réussir si on veut, regarde ce qui est arrivé à notre voisin…’ (‘exemple’).

64 ‘L’argument de l’exemple’ est cité parmi ‘les arguments empiriques’ dans la typologie de J-J. Robrieux qui le considère plus précisément comme faisant partie des ‘arguments inductifs’. Ces catégories sont connues pour être à dominante de raison ; d’ailleurs R. et J. Simonet classent ‘l’induction’ et ‘la déduction’ parmi ‘lestechniques ou procédés de raisonnements’. Ce qui nous permet justement de déduire que cet argument est raisonnable.

Schéma récapitulatif des arguments d’analogie

Métaphore

Arguments d’analogie Analogie

Exemple

****: Argumentraisonnable

Conclusion

La présentation de la typologie des arguments de P. Breton et la classification de ces arguments selon les critères qui nous intéressent, nous ont d’abord amenée à opérer des confrontations entre différentes typologies. Ce qui nous a permis de voir l’évolution de la réflexion chez un même auteur (en confrontant plusieurs versions de la typologie de P. Breton, essentiellement deux éditions de son ouvrage), de comparer la conception et la classification des arguments chez plusieurs auteurs, et enfin, de mieux comprendre les arguments et le phénomène argumentatif en général.

65 Ensuite, nous avons pu apprécier davantage la réalité de la dominante et des divers aspects qui caractérisent certains arguments et rendent leur classification difficile à réaliser (l’exemple des arguments ‘classés avec tendance’ ou ‘intermédiaires’). Aussi, nous avons noté d’autres constats, comme le fait que malgré ce qui distingue leurs typologies, les auteurs s’inspirent les uns des autres et ont quelques fois recours aux mêmes illustrations1.

Dans le chapitre qui suit, nous allons nous intéresser à un autre point pivot de notre recherche : ‘les débats télévisés’. Ces derniers impliquent la prise en considération de deux cadres communicationnels importants : celui d’une interaction spécifique et celui d’une instance sociale à diverses fonctions.

1 Pour montrer cela, nous citons les trois cas suivants :

- J-J. Robrieux et P. Breton ont donné un même exemple sur l’argument d’autorité ; il s’agit de propos de Bossuet dans lesquels il parle du Christ : « Ne recherchons pas les raisons des vérités qu’il nous enseigne : toute la raison, c’est qu’il a parlé » (Bergez, 2005: 189 & Breton, 1998 : 51).

- La métaphore ‘le soir de la vie’ qui désigne ‘la vieillesse’ ; exemple d’Aristote, que nous retrouvons en même temps chez R. et J. Simonet (2001 : 106), chez P. Breton (2006 : 98) et chez O. Reboul (1991 : 186, 187).

- P. Breton cite O. Reboul et J-J. Robrieux, et se réfère à leurs travaux ; comme lorsqu’il reprend des exemples donnés par J-J. Robrieux sur les valeurs : la valeur du travail en France et celle de la politesse en Extrême-Orient et en Occident (Breton, 1998 : 56 & Bergez, 2005 : 200).

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Chapitre III

DEBATS TELEVISES ET EXERCICE DE

L’INFLUENCE

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Chapitre III

DEBATS TELEVISES ET EXERCICE DE L’INFLUENCE

Introduction

Les débats télévisés constituent un objet d’étude qui a intéressé beaucoup de spécialistes, essentiellement parce qu’ils mobilisent deux cadres communicationnels : le cadre du débat, en tant que genre interactif particulier, et le cadre médiatique, précisément celui de la télévision.

De nos jours, il est devenu difficile de concevoir le quotidien sans médias. Leur succès est reconnu, de même que l’influence qu’ils ont sur le public. Ceci émane du fait qu’ils servent bien leurs diverses finalités, à travers une grande variété de productions, parmi lesquelles nous pouvons justement compter les débats télévisés.

Mais l’exercice de l’influence ne concerne pas que les récepteurs des productions médiatiques, il touche également ceux qui y participent ; comme c’est le cas pour les débatteurs, doublement influencés ; puisqu’ils sont inclus dans deux cadres communicationnels fortement contraints.

Dans ce qui suit, nous allons aborder quelques éléments de caractérisation de ces deux cadres en question, afin d’encomprendre mieux la réalité et pouvoir apprécier globalement l’exercice de l’influence qui s’y déroule, sous ses différentes manifestations.

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