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Le contrôle de gestion comme processus de management

Chapitre 4 Structure et fonctionnement de l’hôpital : l’ouverture de l’hôpital comme facteur de rationalisation des organisations de santé ?

2.2 La dimension humaine du contrôle de gestion source de difficultés 91 1 Les problèmes humains et les biais qu’ils induisent dans la gestion budgétaire

2.1.2 Le contrôle de gestion comme processus de management

Nous avons jusqu’ici défini le contrôle de gestion à travers les missions imparties au contrôleur de gestion, ce dernier remplissant un rôle de conseiller dans une perspective d’aide à la décision. Ceci nous amène aussi à repenser la définition du manager sur la base de la réflexion d’Ansoff (1965) qui, dans le contexte d’un environnement de plus en plus imprévisible, donne

Des dysfonctionnements

des actions de régulation

Des coûts accrus ou cachés

87 un rôle nouveau au manager devant développer un diagnostic anticipé de l’environnement et non attendre de constater les changements. Cette idée va dans le sens d’un principe de réactivité.

Le tableau de bord est probablement l’outil le plus complet et le plus à même de contribuer au processus de management au sens large, qu’il s’agisse de la prise de décision ou de son éventuelle déclinaison en interne qui implique des délégations de gestion. Quoi qu’il en soit, l’horizon temporel évolue, il ne s’agit plus seulement d’analyser le passé (au sens de vérifier) mais de piloter la performance (au sens de maîtriser) ce qui suppose une anticipation de l’action.

2.1.2.1 Quelle finalité : entre décision et délégation de gestion

Anthony (1965) est le premier à définir le contrôle de gestion comme « le processus par lequel les managers obtiennent l’assurance que les ressources sont obtenues et utilisées de manière efficace et efficiente pour réaliser les objectifs de l’organisation ». Cette vision, qualifiée de comptable, a été revue par l’auteur lui-même à l’occasion de la réédition de son ouvrage en 1988 ; le contrôle de gestion est désormais défini selon une approche plus sociologique de l’organisation, il est en effet « le processus par lequel des managers influencent les autres membres de l’organisation pour mettre en œuvre les stratégies de cette organisation ».

Dès les années 1965, le contrôle de gestion est associé à la problématique stratégique avec l’émergence de la planification stratégique ayant pour objet la détermination des objectifs de l’organisation et l’ajustement des ressources dans l’atteinte de ces objectifs. Or, la prise en compte des préoccupations stratégiques amène tout naturellement ces auteurs à s’interroger au lien entre un contrôle de gestion à finalité stratégique et l’organisation ; Anthony (1965) définit alors le contrôle organisationnel comme « le processus consistant à s’assurer que les tâches spécifiques sont exécutées avec efficacité et efficience » (1965).

Simons va plus loin 1995 : « Les processus et les procédures fondés sur l'information que les managers utilisent pour maintenir ou modifier certaines configurations des activités de l'organisation ».

88 L’évolution des tableaux de bord dans les outils du contrôle de gestion confirme la diversité des objectifs assignés au contrôle de gestion. Longtemps, l’objectif de simple vérification a dominé et a donc contribué à assimiler les tableaux de bord et la logique de reporting interne ; les indicateurs sont essentiellement financiers et le contrôle de gestion centralisé. Le développement des nouvelles approches, notamment celles centrées sur les processus et activités a conduit à l’émergence d’un contrôle de gestion centré sur des problématiques relatives aux actions de maîtrise de l’évolution des organisations et de la performance. Au final, il en résulte deux conceptions du tableau de bord :

Un tableau de bord en tant que base de données, implémenté à partir de données rétrospectives mais à des fins de prise de décision par la direction générale ;

Un tableau de bord au service de la délégation afin d’aider chaque responsable dans sa prise de décision et permettre le suivi de l’exercice de cette délégation.

A travers ces premiers éléments de définition, nous souhaitons dépasser la vision restrictive mais largement répandue qui réduit le contrôle de gestion à une « boite à outils » ; or plus qu’un ensemble d’outils et de méthodes, le contrôle de gestion est avant tout un système de régulation des comportements dans une organisation, ce que synthétise parfaitement Bouquin à travers les missions imparties au contrôle de gestion en tant qu’élément de déclinaison de la stratégie, objet de modélisation des relations entre ressources et finalités et moyen d’orientation des comportements d’acteurs autonomes (1997).

Les définitions les plus récentes dépassent alors la seule dimension stratégique pour adopter une vision plus complète que celle du pilotage de la performance. A travers ces premiers éléments de présentation de la doctrine et des outils du contrôle de gestion nous ne prétendons pas être exhaustifs, nous souhaitons plus particulièrement insister sur le statut de l’outil de gestion en tant qu’instrument de contrôle de gestion. Or, même si ces premières définitions insistent sur la notion de processus, un tel modèle du contrôle de gestion semble réduit à une représentation séquentielle du fonctionnement de l’organisation dans laquelle la décision précède l’action et la planification l’exécution. Ce constat nous amène à présenter les travaux de Lorino (2002) qui plaide en faveur d’un rapprochement des temps de la décision et de l’action et appelle ainsi à analyser non plus une séquence discrète d’événements individualisés et instantanés tels qu’une décision ou une transaction mais le déroulement du processus dans la durée.

89 Outre les définitions, en pratique, le contrôle de gestion connaît depuis quelques années des mutations importantes. L’évolution du nom de la discipline est à la mesure de ces nouveaux enjeux. Les professionnels parlent ainsi de plus en plus souvent de « mesure et pilotage de la performance ». Derrière cette évolution se cachent de profondes transformations, où la fonction elle-même et son intégration au processus de management jouent un rôle de plus en plus stratégique. Aussi notre réflexion propose de sortir de la simple description d’outils au profit d’une démarche plus active de construction d’outils de contrôle de gestion et d’aide à la décision dans le cadre d’une approche systémique englobant la stratégie, la décision, l’organisation et donc le management.

2.1.2.2 Performance et stratégie : une carte du management

Après avoir essentiellement considéré des informations financières, les tableaux de bord intègrent progressivement des indicateurs plus diversifiés, qu’ils soient quantitatifs, physiques, qualitatifs. L’approche de Kaplan et Norton (1996) s’inscrit dans cette évolution en connectant le tableau de bord avec le contrôle stratégique de l’entreprise. Outre l’axe financier, il s’agit d’intégrer des indicateurs relatifs à trois autres axes d’analyse : l’axe client, l’axe processus et l’axe apprentissage. La logique de comptabilité de gestion sous-jacente consiste donc à aider les managers à piloter cette logique en quatre niveaux. Il s’agit d’informer sur la rentabilité, sur les contributions apportées par les clients et les produits, sur les coûts et les performances des processus internes et être au service du personnel, dont on attend des progrès continus, et qui fondent la pyramide de la rentabilité ainsi décrite.

90 La performance dépend alors de deux conditions :

La capacité à définir une offre pertinente pour les clients qu’elle vise et à réunir et organiser les ressources humaines, techniques et organisationnelles requises ; on parlera de modèle stratégique ;

La capacité à mettre en œuvre ce modèle stratégique dans des conditions économiques qui dégagent une rentabilité suffisante, donc à maîtriser ses coûts, ses financements et ses besoins de financement : on parlera de modèle financier.

L’objectif n’est donc plus de rendre compte mais de traduire un certain nombre d’évolutions des caractéristiques internes à l’origine de la performance. L’enjeu est ainsi de permettre aux responsables d’anticiper la prise de décision sans attendre le résultat des réactions de l’environnement au travers des seuls indicateurs financiers. La nature du tableau de bord n’est donc plus seulement comptable et financière mais technique. Il ne s’agit plus seulement de faire le point sur la situation acquise mais bien de suivre des indicateurs jugés prédictifs, c’est- à-dire capable de signaler de probables évènements futurs afin d’agir avant de les subir (Bouquin, 1997).

De cette réflexion tournée vers la prospective, il en ressort que le contrôle de gestion semble devoir s’appuyer sur des outils de contrôle de gestion maîtrisés ; il doit ensuite être mis en relation avec la stratégie poursuivie par l’établissement. L’hypothèse formulée par Bouquin (1997) peut ainsi être analysée; face au contrôle de gestion réactif, « introverti », de surveillance il existe un contrôle de gestion proactif, extraverti qui est une partie clé du processus d’émergence et de construction de la stratégie. Le vocable de « contrôle de gestion stratégique » est significatif ; il ne désigne pas celui qui intéresse les managers officiellement en charge des choix stratégiques mais celui qui s’applique aux opérations en soulignant l’importance d’insuffler le souci de la stratégie aux comportements des opérationnels. Dès lors, l’objectif est d’améliorer le processus de prise de décision dont l’une des défaillances peut être appréhendée à travers les « décisions absurdes », concept mis en évidence par Morel (1981) et Janis (1950), où la décision semble être dépourvue d’objectifs et n’a pour but que l’action elle-même sans aucun principe de cohérence. Cette défaillance peut-elle être rapprochée d’un manque d’instrument ?

Le contrôle de gestion en tant qu’outil d’aide à la décision doit donc pouvoir s’appuyer sur une structure facilitant la rencontre des erreurs, des problèmes et des solutions de façon adéquate et rapide ce qui évoque des modes de décision de type « garbage can » définis par March,

91 Olsen et Cohen (1972). C’est là aussi une nouvelle finalité du contrôle de gestion qui contribuera ainsi à remplir son rôle de conseiller vis-à-vis du manager.

Au final, l’ensemble des auteurs s’accordent pour dire que le contrôle de gestion est la tâche du manager assisté d’un professionnel, le contrôleur de gestion. Faire du contrôle de gestion est donc un acte de management et le contrôleur de gestion y participe au même titre que tous les autres dispositifs de management.

Pour autant certains auteurs semblent remettre en cause cette conclusion en pratique à travers l’exemple des entreprises française (Berland, 2011). Deux raisons principales sont avancées :

Un champ d'action du contrôle de gestion semble privilégier la budgétisation et la réalisation du reporting et des tableaux de bord plutôt que la planification opérationnelle et la planification stratégique ;

Une faible implication dans l'établissement des plans à long terme et très faible couplage des préoccupations de planification avec les questions de ressources humaines.

Ces deux points nous semblent particulièrement importants à discuter tant ils s’intègrent dans les problématiques de l’hôpital, dont le fonctionnement évolue dans un contexte de contrainte budgétaire de plus en plus forte et dont les personnels constituent la principale ressource et détiennent un pouvoir déterminant face aux gestionnaires.

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