Chapitre 1 : Étude bibliographique
1.2. Le compostage d’effluents d’élevage en France
1.2.4 Le compost : normes et usages
1.2.4.1Usages des composts
Le principal usage du compostage est observé en élevage, dans le cas des effluents solides
(fumiers plus ou moins secs) produits à partir des déjections collectées en mélange avec des
résidus végétaux (Burton et Turner, 2003). Le compostage facilite le stockage et l'épandage
des fumiers tout en conservant les éléments fertilisant. Un des principaux enjeux scientifiques
de l'usage des composts est la définition des critères techniques permettant de choisir la nature
des composts et de formuler les quantités à épandre en fonction du contexte d'usage et des
objectifs recherchés. Ceux discutés dans la littérature sur les indices de maturité
comprennent : l'inocuité et l'absence de phytotoxicité, le caractère aérobie, l'absence d'odeurs
putrides et d'attraction des insectes, l'absence de compétition pour l'azote avec les plantes
(Haug, 1993 ; Bernal et al., 2009). L'inocuité des produits est un des principaux enjeux de la
normalisation des amendements organiques (NF U44-051, AFNOR, 2006). Une faible
émission d'odeurs et d'ammoniac à l'épandage est nécessaire pour faciliter l'usage des
composts. Albrecht (2007) ajoute les caractéristiques biochimiques qui permettent de
rapprocher les composts de la MO des sols. Ces caractéristiques ne sont néanmoins pas
suffisantes pour anticiper les effets des MO sur les cultures en fonction des sites.
Des doses croissantes par unité de surface sont utilisées lorsque l'objectif est la fertilisation
d'une culture, la séquestration du carbone, la remédiation d'un sol artificialisé, la constitution
d'un substrat horticole. Pour la fertilisation de la canne à sucre l'apport de compost peut varier
de 15 à 30 tonnes de produit brut/ha (Chabalier et al., 2006). Lorsque l'objectif est de
reconstituer un sol, par exemple dans le cas de la végétalisation d'anciennes décharges, la
recommandation technique peut atteindre 800 m
3de compost/ha (ADEME, 2012b). En cas
d'usage à forte dose, la salinité et les autres critères physico-chimiques (pH, réserve hydrique,
etc.) doivent être pris en compte si des plantes sensibles sont installées.
Figure 4. Minéralisation de différentes MO et fourniture au sol de C et N ; d'après
Chabalier et
al. (2006)
La capacité à fertiliser d'un compost diminue avec sa vitesse de minéralisation dans le sol.
L'ISB caractérisé en France métropolitaine peut être applicable pour le calcul de la
fertilisation à la Réunion malgré des conditions climatiques plus chaudes (0,4 à 0,8 pour les
composts, Figure 4 ; Chabalier et al., 2006). Sa valeur augmente avec la durée de compostage
et la proportion de substrats ligneux dans le mélange initial. Le coefficient équivalent-engrais
renseigne sur la proportion d'éléments fertilisant (N, P, K, etc.) utilisables dans l'année par les
cultures. Il est généralement supérieur à 50% pour l'azote des effluents animaux frais (fumiers
et lisiers de porcs et volailles mais inférieur à 20% pour les produits compostés (Chabalier et
al., 2006). Les valeurs sont supérieures à 60% pour le phosphore et le potassium.
1.2.4.2Cadre réglementaire
Le cadre réglementaire qui s'applique aux sites industriels de production de composts est
précisé par l’ADEME (ADEME, 2010) pour les aspects environnementaux et sanitaires (les
aspects associés à l'emploi de salariés ne sont pas abordés). Ce guide indique les sources de
droit : communautaires, directives et règlements, français : constitution, lois, codes, arrêtés,
circulaires). Il rappelle la nécessité d'actualiser ces informations au moment de concrétiser un
nouveau projet.
La problématique scientifique associée à la règlementation sur les déjections animales et les
matières organiques produites en agriculture est détaillée par Langlais (2001) et résumée par
Langlais (2003). Elle ne peut se limiter aux seules opérations de transformation des MO. Elle
doit considérer en outre l'origine des MO, leurs usages agricoles et les dommages éventuels à
l'environnement ou à des tiers. Il s'agit de déterminer dans quelles conditions une matière
organique est qualifiée de "produit" ou de "déchet" (Figure 5) et pour chacune de ces
catégories comment définir les responsabilités des acteurs publics et privés en cas de
dommages occasionnés par la production ou l'usage de ces matières. Elle rappelle la définition
d'un déchet : " tout résidu d'un processus de production, de transformation ou d'utilisation,
toute substance, matériau, produit ou plus généralement, tout bien meuble abandonné ou que
son détenteur destine à l'abandon." L'application de cette définition à des processus vivants
n'est pas triviale. Dans le cas des animaux, leur métabolisme excrète par exemple de l'urée et
du dioxyde de carbone. Lorsque la première est collectée dans des fosses à lisier en vue de la
valorisation agricole de l'azote excrété pour améliorer les rendements, la loi considère ce
composé comme un déchet. Lorsque le second est rejeté par les voies respiratoires et dilué
vers l'atmosphère, la loi ne le considère pas comme un polluant dont il faudrait réduire
l'émission mais comme un gaz à effet de serre "biogénique", c'est-à-dire qui participe
naturellement au recyclage des éléments. Ainsi les notions de seuil, de procédé de production,
d'impact sur la santé humaine ou sur l'environnement sont au cœur des débats publics sur les
évolutions législatives.
Figure 5. Devenir d'une MO selon qu'elle est "homologuée", "normalisée" (usage sous la responsabilité de son utilisateur) ou sans statut (épandage sous la responsabilité de son producteur) ;
d'après ADEME (2010)