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Chapitre 1 : Étude bibliographique

1.4. Etat de l’art de la modélisation

Afin de garantir une bonne qualité de compost et une dégradation désirée des MO mises à

composter, la conception de l’andain ou la nature du silo de compostage doivent être

maîtrisées. Pour définir les conditions optimales au déroulement du procédé, à savoir la

dépendance des cinétiques de transformations aux conditions environnementales, la

modélisation mathématique est largement utilisée, limitant ainsi le nombre

d’expérimentations à produire et réduisant ainsi le temps et les coûts nécessaires à

l’optimisation du procédé (Haug, 1993 ; Mason, 2006 ; Giusti et Marsili-Libelli, 2010).

1.4.1 Les objectifs de modélisation

Dans la littérature, plus de 100 papiers traitant de la modélisation ont été recensés (Vlyssides

et al., 2009). Différents objectifs motivent la production de modèles mathématiques :

- comprendre les effets des paramètres environnementaux sur l’efficacité globale du

compostage (étude des cinétiques de transformation de la matière organique, des

émissions gazeuses et/ou de la maturité),

- hiérarchiser les mécanismes primordiaux à représenter afin de produire un modèle à

caractère prédictif,

- prédire les biotransformations et la qualité finale du compost.

1.4.2 Les différentes approches de modélisation

Deux types de modèles peuvent être dissociés : les modèles corrélatifs et les modèles

dynamiques. Parmi les différents travaux présentant des modèles corrélatifs, certaines études

ont essayé de modéliser les émissions de CO

2

et de NH

3

(Andersson, 1996 ; Paré et al.,

1998). Kirchmann et Witter (1989) ont ajusté un modèle parallèle de premier ordre, basé sur

la décomposition de fractions d’azote rapidement et lentement dégradables, sur des données

de volatilisation de NH

3

et paramétré pour différents rapport C/N. Ekinci et al. (2000)

prédisent ces émissions à partir du rapport C/N et du pH. Eklind et Kirchmann (2000) ont

paramétré un modèle de premier ordre, de décomposition de la matière organique pour les

déchets ménagers et prédisent les pertes de carbone organique en distinguant différentes

fractions en fonction de leur biodégradabilité.

Le principe des modèles de premier ordre est de calculer une perte de MO au cours du temps t

à partir de la taille du compartiment de MO et d'une constante de proportionalité k (Kulcu et

Yaldiz, 2004) :

[eq. 1] (dMO

dt ) = kMO

Cette formulation peut être intégrée sur une période et l'on a alors l'expression suivante,

similaire à celle utilisée par Kirchmann et Witter (1989) pour simuler l'émission

ammoniacale, où MO

0

correspond au stock initial :

[eq. 2] MO(t) = MO

0

⋅(1 e

kt

)

Cette première approche de modélisation est basée sur l’ajustement de paramètres en utilisant

des données expérimentales. Les émissions peuvent être alors expliquées par de nombreux

facteurs (Haug, 1993). Les paramètres sont relativement aisés à caler et en conséquence on

obtient de bons outils pour simuler et optimiser des processus reproductibles (Nelson et al.,

2003 ; Kulcu et Yaldiz 2004 ; Gomes and Pereira, 2008 ; Jeon et al., 2011).

Néanmoins, cette approche ne prend pas en compte les dynamiques de croissance des

communautés microbiennes et leurs interactions avec les facteurs abiotiques (Sole-Mauri et

al., 2007).

Quelques études plus récentes ont donc essayé de modéliser les processus microbiologiques

et/ou physiques ayant lieu au cours du compostage (Kaiser, 1996; Liang et al., 2004; Mason,

2006; Sole-Mauri et al., 2007 ; Petric et Selimbašić, 2008; Vlyssides et al., 2009 ; Yu et al.,

2009).

Par exemple, le modèle développé par Sole-Mauri et al. (2007) représente l’hydrolyse de 7

compartiments de matière organique solide, la croissance et le décès de différentes

communautés microbiennes sur les différents substrats hydrolysés et considérés en phase

liquide, ainsi que les transferts d'O

2

, CO

2

, H

2

O et NH

3

vers la phase gazeuse. Les cinétiques

d’émissions de CO

2

et NH

3

résultent de la transformation des substrats par ces communautés

L’ensemble des modèles basés sur les dynamiques de croissance des populations

microbiennes peuvent être schématisés par la Figure 9. La spécificité de chaque modèle tient :

- à la nature des substrats considérés ;

- au nombre de compartiments (fractionnement de la MO des différents substrats,

répartition entre les phases solide-liquide-gaz) ;

- au nombre de flores microbiennes (thermophile/mésophile ; aérobie/anaérobie ;

bactéries/champignons ; etc.) ;

- aux produits de la croissance ;

- à la nature des variables de forçage (température, humidité, débit d'air, teneur en

glucose, etc.) ;

- à la représentation des processus : nature des couplages entre processus physiques et

biologiques ; représentation des régulations par les variables de forçage, la disponibilité

des substrats, les biomasses microbiennes ;

- aux variables utilisées pour une éventuelle calibration des paramètres du modèle.

Phase liquide

Matière particulaire

X

1

X

2

X

3

X

i

X

n

Hydrolyses

Substrat soluble

S

1

S

2

S

3

S

i

S

n

Microorg

CO

2 (L)

H

2

O

(L)

NH

3 (L)

C

ro

is

sa

n

ce

D

é

s

CO

2 (g)

H

2

O

(g)

NH

3 (g)

Transferts

liquide - gaz

Figure 9. Structure globale des modèles dynamiques

également d'une (ou plusieurs) biomasse microbienne et de ses variables de régulation

(température, humidité, oxygène, abondance des substrats, pour citer les principales).

Cette approche déterministe est intéressante pour comprendre et représenter les processus qui

interviennent au cours du compostage. Elle est nécessaire dans une démarche à long terme de

capitalisation des connaissances à des échelles variées. Mason (2006) constate que les

modèles d'ordre 1 sont plus efficaces pour simuler les cinétiques de température. La majorité

de ces modèles est développée à partir d’expérimentations conduites à l’échelle du

laboratoire, permettant le contrôle de paramètres comme le renouvellement d’air, la

température extérieure. Ces modèles sont difficiles à paramètrer à partir de la connaissance a

priori des substrats. Leur usage pour prédire le compostage en andain à la ferme devient

difficile à valider à plus large échelle. Dans ce cas, le comportement des dynamiques

microbiennes, ainsi que les flux gazeux sont très hétérogènes au sein de l’andain même. C’est

pourquoi le calcul de flux gazeux à partir de ce type de modèles est encore difficilement

extrapolable dans des conditions réelles. Finalement, cette approche nécessite de caractériser

de manière très précise le substrat à composter, ce qui est difficilement abordable dans les

fermes commerciales, où le simple échantillonnage du substrat en vue de la caractérisation de

l’andain pose des problèmes méthodologiques (Albuquerque et al., 2008b).