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Révision du complexe ‘Neritina pulligera’ (Gastropoda, Cycloneritimorpha : Neritidae) par approche taxinomique et barcoding

(Soumis)

ABDOU Ahmed1,2, GALZIN René2, LORD Clara1, DENYS Gaël P.J.1 & KEITH Philippe1

1 Sorbonne Universités - Muséum national d’Histoire naturelle, UMR BOREA MNHN – CNRS 7208 – IRD 207 – UPMC – UCBN, 57 rue Cuvier CP26, 75005 Paris, France. E-mails: abdou@mnhn.fr ; keith@mnhn.fr

2 Laboratoire d'excellence Corail, USR 3278 CNRS-EPHE-UPVD, Centre de Recherches Insulaires et Observatoire de l'Environnement (CRIOBE), BP 1013 Papetoai - 98729 Moorea, French Polynésia. E-mail: galzin@univ-perp.fr.

Mots-clés : Neritina, première sous-unité de la cytochrome oxydase, morphométrie, taxinomie, phylogénie, Indo-Pacifique

Résumé

Des analyses morphométriques et des analyses moléculaires basées sur le gène COI ont été réalisées sur des taxons nominaux du genre Neritina supposés représenter la même espèce, Neritina pulligera (Linné, 1767). Les résultats obtenus permettent de lever le doute sur les synonymies supposées. Il apparaît, notamment, que N. stumpffi Boettger, 1890 et N. knorri (Récluz, 1841), auparavant considérées comme des sous-espèces, sont des espèces valides différentes, et différentes de

N. pulligera. Il en est de même pour N. petitii (Récluz, 1841), N. canalis Sowerby, 1825, N. iris Mousson, 1849, N. asperulata (Récluz, 1843) et N. powisiana (Récluz, 1843), qui sont confirmées comme étant des espèces valides distinctes de N. pulligera. La distribution Indo-Pacifique de N. stumpffi est avérée, celle de N. knorri reste à confirmer, de même que sa relation phylogénétique avec N. delestennei Récluz, 1853.

2.1- Introduction

Les Neritidae constituent une des familles les plus primitives de gastéropodes (Bouchet & Rocroi, 2005). Elle possède une grande adaptabilité et une capacité à vivre

95 dans des habitats défavorables et fluctuants où il y a peu de compétition avec d'autres organismes (Baker, 1923). Elle est composée de plusieurs genres, dont les espèces occupent des habitats très variés, essentiellement dans les zones tropicales et subtropicales, allant du marin au quasi-terrestre, en passant par l'eau saumâtre et l'eau douce water (Kano et al., 2002 ; Limpalaer, 2009 ; Abdou et al. 2015 ; Eichhorst 2016). La phylogénie de cette famille a été étudiée par Quintero-Galvis & Castro (2013) en se basant sur les gènes COI et 16S rRNA. Leur étude a confirmé la monophylie du genre Nerita, dont la phylogénie, étudiée par Frey & Vermeij (2008) et Frey (2010), est la plus aboutie. Quintero-Galvis & Castro recommandent cependant des analyses complémentaires. Le genre Theodoxus a été relativement bien étudié par Bunje & Lindberg (2007), qui en suggèrent, néanmoins, une révision systématique. En effet, leur étude, réalisée à travers des analyses par maximum de vraisemblance, maximum de parcimonie et inférence bayésienne, a fait apparaître des topologies non concordantes et difficiles à concilier sur les relations entre différents clades. Enfin, dans son étude sur le comportement migratoire vers l’amont des nérites amphidromes, Kano (2009) a réalisé une analyse phylogénétique partielle du genre Neritina, basée sur le gène COI. Une phylogénie plus complète de ce genre reste donc à réaliser.

Chez les Neritidae, plusieurs espèces nominales ont été décrites au 19e siècle sur la base de caractères morphologiques de la coquille et de l'opercule, concernant principalement la forme, la taille, la couleur, la consistance et la sculpture. Par la suite, certains auteurs ont estimé que les différences morphologiques observées chez certaines espèces, relevaient plutôt de la plasticité phénotypique des coquilles, bien connue chez les mollusques (Puillandre, 2010), et les ont placées en synonymie, parfois comme variété ou sous-espèce. C’est ainsi que, dans le genre Neritina, selon le « Catalogue of Life » (Seddon & Rowson, 2015), des dizaines d’espèces ont été recensées comme étant synonymes de Neritina pulligera (Linnaeus, 1767), une espèce décrite d’Inde (« Habitat in Indiae fluviis ») et qui serait largement distribuée dans l’Indo-Pacifique. C’est dans ce contexte que Neritina stumpffi Boettger, 1890 et

Neritina knorri (Récluz, 1841), des espèces bien connues dans l’océan Indien, ont été considérées par certains auteurs comme les représentants de N. pulligera dans cette zone (Starmühlner, 1983 ; Gerlach et al., 2011 ; Seddon & Rowson, 2015). En effet, d’après Starmühlner (1983, 1984), Haynes (1988, 1990, 2001, 2005), Bandel (2001) et Gerlach et al. (2011), N. pulligera couvrirait pratiquement tout le bassin

96 Indo-Pacifique (sauf la Polynésie Française) jusqu’en Afrique de l’est (Australie, Fiji, Nicobar, Andaman, Guam, Malaisie, Indonésie, Micronésie, Papouasie Nouvelle-Guinée, Philippines, Nouvelle-Calédonie, Solomon, Vanuatu, Thailande, Comores, Seychelles, Madagascar, Mascareignes, Mozambique, Kenya, Tanzanie et Afrique du Sud).

Cette espèce présenterait une grande variabilité morphologique et aurait plusieurs sous-espèces. Ainsi, Tryon (1888) considère que N. petitii (Récluz, 1841),

N. canalis Sowerby, 1825 et N. knorri (Récluz, 1841), sont des variétés de N. pulligera, alors que Fischer-Piette & Vukadinovic (1974) considèrent N. knorri comme en étant un synonyme junior. Quant à Starmühlner (1983) et Gerlach et al. (2011), ils indiquent que N. stumpffi et N. knorri en sont des sous-espèces, malgré le fait que le premier les ait signalés vivant en sympatrie aux Seychelles et aux Comores. De l’avis de Backeljau

et al. (1986) la réalité de ces sous-espèces serait douteuse. Valade et al. (2007) s’associent à cet avis dans la mesure où ils ont pu aisément les séparer sur le terrain (pas de formes intermédiaires) et le premier auteur de cet article les a trouvées souvent en sympatrie dans plusieurs localités différentes aux Comores (Valade et al., 2007). Boettger (1890) avait déjà signalé cette sympatrie lors de sa description originale de

N. stumpffi. La présence de N. knorri dans les Mascareignes est mise en doute par Griffiths & Florens (2006), mais le Muséum national d’Histoire naturelle (MNHN) dispose d’échantillons de l’île Maurice de N. knorri dans sa collection historique (Col. Denis 1945, identifiés comme N. pulligera). De plus, un échantillon de cette île a été identifié par Kano (2009) comme étant N. delestennei Récluz, 1853, sur la base d’une séquence moléculaire. Il existerait ainsi une quarantaine de taxons mis en synonymie de N. pulligera, d’après Seddon & Rowson (2015).

Nous étudions ici le complexe Neritina pulligera à partir des échantillons auxquels nous avons eu accès et concernant les principaux taxons de ce complexe, à savoir N. pulligera, N. stumpffi, N. knorri, N. petitii, N. canalis, N. iris, N. delestennei,

N. asperulata et N. powisiana. L’objectif est de lever le doute sur la validité de tout ou partie de ces taxons et ce à l’aide des outils morphométriques et génétiques (gène COI). Dans ce contexte, cet article se propose aussi de clarifier le statut des taxons nominaux N. stumpffi et N. knorri, ainsi que leur distribution spatial au sein de la province biogéographique Indo-Pacifique.

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