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2.3.1- Composition et structure minéralogiques

Les analyses par spectroscopies Raman et infrarouge ont confirmé que l'opercule des nérites est composé de carbonate de calcium (CaCO3) sous la forme d'aragonite. Cette confirmation est confortée par la cathodoluminescence, la luminescence verte émise par Mn2+ dans les opercules marqués observés (Figure 5) étant caractéristique de la présence d’une structure aragonitique (Hawkes et al., 1996 ; Mahé et al., 2010).

La spectroscopie IR réalisée sur un fragment d'opercule réduit en poudre (Figure 6) révèle cinq pics majeurs à 699.78, 712.61, 853.71, 1082.69 et 1443.99 cm-1

qui caractérisent l'aragonite (Andersen & Brecevic, 1991) et deux pics mineurs à 1653.03 et 1786.43 cm-1 correspondant à la présence de composants organiques dont la chitine. Cette présence n'est pas étonnante dans la mesure où préalablement à toute précipitation de carbonate de calcium il y a toujours synthèse d'une matrice organique se retrouvant dans le biominéral. D’autre part la chitine a déjà été identifiée dans l’opercule de Nerita crepidularia (Palpandi et al., 2009).

Les spectres émanant de la surface et de la tranche de l'opercule (Figure 7) montrent, de manière similaire, des pics majeurs aux alentours de 696/712, 855-875, 1082 et 1470 cm-1 (aragonite) et quelques pics secondaires au-delà des 1500 cm-1

(matière organique).

La spectroscopie Raman réalisée sur deux endroits différents de l'opercule post-larvaire révèle que celui-ci est bien constitué de carbonate de calcium cristallisé sous forme d'aragonite (Gillet et al., 1993) (Figure 8). Les spectres Raman issus de différentes stries de l'opercule larvaire (le noyau) présentent tous le même profil, avec

Figure 5 : Luminescence de couleur verte émise par un opercule marqué au MnCl2 pendant 4h, à 90 mg/l.

151 des bandes à 702, 707 et 1086 cm-1 révélant la présence d'aragonite (Figures 9). Il est aussi à noter la présence de bandes situées à 1010, 1030 et 1518 cm-1

caractéristiques de la présence de caroténoïdes (Withnall et al., 2003 ; De Gelder et

al., 2007). Enfin, la structure prismatique irrégulière annoncée par Suzuki et al. (1991) et Sasaki (2001), pour les deux couches calcifiées de l'opercule des nérites d’eau douce et saumâtre, est corroborée par nos observations au MEB (figure 10A-B). Une structure atypique (Figure 10C) est visible à certains endroits de la couche externe de l'opercule.

Figure 6 : Spectre FTIR émanant de poudre d'opercule de N. canalis, provenant de Polynésie française, comparé aux spectres de référence de la calcite et de l'aragonite.

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Figure 7 : Spectres FTIR d'opercules de N. canalis, provenant de Moorea en Polynésie. A, coupe en épaisseur ; B, points de surface.

A B

Figure 9 : Spectres Raman de l'opercule larvaire de

N. canalis (même échantillon que figures 6 et 8).

L'opercule larvaire est composé de 4 stries d'accroissement bien visibles, la première, en forme de bouton, étant probablement l'opercule embryonnaire. Les bandes à 1010, 1130 et 1518 cm-1 sont caractéristiques de la présence de caroténoïdes. Figure 8 : Spectres Raman de l'opercule adulte de

N. canalis. Les pics à 702, 707 et 1086 cm-1 sont caractéristiques de l'aragonite.

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2.3.2- Fluorochrome et marques de croissance

L'observation en lumières polarisée et ultraviolette (UV) des opercules marqués à l'alizarine montre une fluorescence bien visible sur certains opercules (Figure 11), peu ou pas visible sur d'autres. Dans tous les cas, on note une intense fluorescence au niveau des zones apophysaires (Figures 11B, 12, 13A).

Figure 10 : Vues au MEB d'une coupe d'opercule de Neritina knorri. A, vue générale ; B, couche externe aragonitique prismatique ; C, structure atypique apparaissant par endroits dans la couche externe.

Figure 11 : Opercule d'un individu de N. canalis marqué 2 fois à l'alizarine, à 14 jours d'intervalle, et sacrifié 29 jours après le 2e marquage. Temps de contact avec le fluorochrome, 24h chaque fois. A : observation en lumière

transmise, B-C : observation en lumière UV, B : grossissement de la zone apophysaire. Les flèches

rouges montrent la fluorescence des zones marquées à l'alizarine

A

B

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2.3.3- Microchimie

Parmi tous les éléments analysés nous avons focalisé sur le ratio Sr:Ca car il permet en général de bien visualiser les passages eau douce / eau de mer et il existe une bonne relation entre la composition dans l'eau de ce rapport et la composition dans les pièces carbonatées le long de ce gradient (Brown & Severin, 2009). Nous avons analysé également le Ba:Ca car certains auteurs ont montré qu'on pouvait avoir une bonne relation entre la composition de ce rapport dans l'eau et dans les otolithes de certains poissons et dans certaines conditions. En revanche, cette relation n'est pas démontrée pour les autres éléments (Li, Mg, Zn, etc.) même si certains auteurs ont suggéré leur utilisation comme marqueurs environnementaux.

Les rapports Sr:Ca et Ba:Ca sont représentés par la Figure 14. Pour toutes les espèces étudiées, les rapports Sr:Ca sont forts dans la zone larvaire (Tableau 2). Cette phase de forts rapports Sr:Ca est suivie, chez les espèces étudiées, d’une chute drastique des rapports à la fin de la phase considérée comme la phase larvaire (fig. 14 A, B, D, E) ou peu de temps après cette phase (fig. 14C).

Deux schémas peuvent ensuite être déclinés pour la phase post-larvaire. Le premier schéma concerne les deux espèces de Clithon et Neritina canalis

Figure 13 : Échantillon ayant reçu 2 marquages à l'alizarine de 36h et sacrifié 29 jours après le 2e

marquage. Fluorescence visible seulement sur la zone apophysaire (A) et la partie distale du bord interne de l'opercule (B).

Figure 12 : Vue en lumière UV de la zone apophysaire d'échantillons de N. canalis marqués à l'alizarine. A et C ont subi 2 marquages de 36h contre 2 marquages de 24h pour B.

155 (Fig. 14 A, B, E). Pour ces espèces, les rapports en Sr:Ca pendant la phase post-larvaire restent à des valeurs plus faibles que pendant la phase post-larvaire et relativement stables sur une longue période. En fin de transect ces valeurs remontent jusqu’à atteindre parfois les valeurs observées pendant la phase larvaire. Cette augmentation sensible des rapports en Sr:Ca est accompagnée d’une augmentation des rapports en Ba:Ca. Le deuxième schéma regroupe Neritina knorri et Neritina petitii et est caractérisé par de forts ratios en Sr:Ca tout au long de la vie des individus étudiés. Chez Neritina knorri, ces forts ratios sont accompagnés de rapports Ba:Ca élevés et sujets à de fortes variations (Fig. C). Les ratios les plus élevés dans les deux phases sont observés chez N. petitii (Tableau 2).

Tableau 2 : Fluctuations du rapport Sr:Ca dans les zones larvaire et post-larvaire des opercules. Il n'est pas tenu compte des artéfacts du profil D.

Espèces Profils Zone larvaire

Sr:Ca (x10-3) Zone post-larvaire Intervelle moy. Sr:Ca (x10-3) Mini Sr:Ca (x10-3) Clithon spiniperda A 5,26-9,57 3,5-5 2,5 Clithon comorensis B 6,29-11,80 5-6 1,62 Neritina knorri C 6,48-11,34 5-9 2,78 Neritina petitii D 9,19-18,79 8-10 7,0 Neritina canalis E 5,60-11,69 4-5 3,07

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Figure 14 : Profils des ratios Sr:Ca et Ba:Ca obtenus à partir d'un balayage continu avec fs-LA-ICP-MS sur des opercules de certaines espèces de nérites. A : Clithon spiniperda (Comores), B : Clithon comorensis (Comores), C : N. knorri (Comores), D : N. petitii (Nouvelle-Calédonie), E : N. canalis (Tahiti). Le trait vertical noir marque la limite supposée de l'opercule larvaire. Le profil D présente un artéfact en fin de parcours de l'ablation laser. Le sillon creusé par le laser est marqué par une ligne claire.

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2.4- Discussion