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1.2 Tragédie choinièrienne ?

1.3.2 Le chœur antique

Bien que le lien avec l’intertexte du chœur antique soit apparent, il convient de se rap- peler que toute intégration d’un intertexte dans une nouvelle œuvre le modifie. Nous savons par la force des choses que le chœur tel que construit par Choinière revendique son association avec le chœur tragique grec, mais qu’astucieusement, il doit s’en déta- cher, étant donné l’impossibilité de le copier intégralement.

Dans les tragédies grecques du Ve siècle, on constate évidemment que le chœur est d’abord un groupe de personnes unies : « [d]epuis le théâtre grec, le chœur est un groupe homogène de danseurs, chanteurs et récitants prenant collectivement la parole pour commenter l’action à laquelle ils sont diversement intégrés. » (Pavis, 2002 : 44) Sur scène, les acteurs portent les mêmes costumes, les mêmes masques, effectuent des chorégraphies ensemble. Il y a donc union dans le geste, dans la parole, mais aussi dans la constitution, ils appartiennent à la même tranche d’âge ou à la même catégorie sociale. Ce n’est pas « l’addition de quinze individualités unies, mais plutôt une individualité multipliée par quinze. Ce qui le prouve, c’est que le chœur parle de lui-même aussi bien à la première personne du pluriel qu’à la première personne du singulier. » (Vasseur- Legangneux, 2004 : 119) Les spécialistes du théâtre antique attirent l’attention sur le fait que le langage du chœur est distinct de celui des autres personnages. En effet, il parle plus poétiquement ou en musique, « le chœur dans son ensemble ne s’exprimait qu’en chantant ou au moins en psalmodiant. » (Romilly, 1970 : 25) Dans le même ordre d’idées, il prend place au bas de la scène, à l’écart des acteurs principaux. La division physique est un symbole fort de la différenciation à faire entre le chœur et les héros.

« La tragédie grecque fond en une œuvre unique deux éléments de nature distincte, qui sont le chœur et les personnages. » (Ibid. : 23) Nécessairement, la nature du chœur est autre, tout comme son rôle. Patrice Pavis le soulignait, le groupe de choreutes est présent pour commenter l’action. En conséquence, il ne pouvait pas changer le cours de la pièce (Vasseur-Legangneux, 2004 : 98). Plus encore, on le considère comme un élément « artificiel et extérieur » (Pavis, 2002 : 45) à l’action. D’une part, il « rompt l’illusion scénique » (Kowzan, 2006 : 15), ce qui a pour effet de « [souligner] [...] le caractère fictif, imaginaire de ce qui se passe sur scène. » (Ibid. : 191) D’autre part, il est étranger à l’action principalement parce qu’il la regarde, « il pouvait dialoguer avec les acteurs, les encourager, les conseiller, les redouter, voire les menacer. Mais il restait à part. » (Romilly, 1970 : 24) Les groupes représentés par les chœurs diffèrent d’une pièce à l’autre : des femmes, des vieillards, des étrangers. Un chœur représente leurs « intérêts moraux ou politiques » (Pavis, 2002 : 44-45) ou « expri[me] dans ses craintes, ses espoirs et ses jugements, les sentiments des spectateurs qui composent la communauté civique » (Vidal-Naquet et Vernant, 2001 : 14). Il est ainsi évident que ce groupe entretient un lien unique avec les spectateurs. Il sert de « médiateur entre l’action et le public » (Vasseur-Legangneux, 2004 : 155), tout en « [renforçant] la distance entre l’univers des spectateurs et le monde des héros figurés sur scène. » (Id.) Ainsi, le fait que le chœur soit mis à l’écart de l’action ne signifie pas qu’il ne puisse pas endosser un rôle important. « Le chœur était, à l’origine, l’élément le plus important de la tragédie. » (Romilly, 1970 : 27) Jacqueline de Romilly mentionne, par contre, qu’au fil des décennies, le rôle du chœur s’amoindrit :

Déjà, dans les dernières pièces d’Eschyle [...], le chœur n’est plus que sympa- thisant ; et, bientôt après, l’on commence à rencontrer ces chœurs, destinés à devenir classiques, qui se composent de femmes du pays, de confidents, de témoins. Il subsiste, sans doute, un rapport essentiel entre le héros et le groupe qui dépend de lui ; mais ce lien tend à devenir plus lâche. (Ibid. : 29)

1.3.3

Rapprochements

Plusieurs rapprochements peuvent être effectués entre le Chœur Contemporain et le chœur grec. Ces parallèles nous aident d’ailleurs à présenter les principales caractéris- tiques du chœur créé par Choinière, ce qui nous permettra d’assoir notre analyse des liens qui l’unissent au héros de la pièce. Pour commencer, le fait que le chœur de Choi- nière soit aussi homogène est un exemple probant de l’influence du chœur grec sur sa construction. Dans Jocelyne est en dépression, les trois membres du chœur sont de sexes

et d’âges différents. Toutefois, tout est mis en œuvre pour qu’ils soient unis le plus pos- sible. Tous semblent mener un style de vie semblable, c’est ce que les premières pages de la pièce tentent d’indiquer. Passant des monologues à l’unisson aux monologues in- dividuels, l’homme, la femme et la petite fille racontent leur journée. Ils mentionnent chronologiquement les faits saillants de leur quotidien somme toute ordinaire :

PETITE FILLE À LUNETTES

La maîtresse d’école m’a coupée en plein milieu et m’a renvoyée à mon pupitre avec un C moins ! Quelle gaffe.

FEMME EN BABY DOLL

J’ai recommencé à fumer à l’heure du break. J’irai dès ce soir faire des longueurs au bain Généreux.

HOMME EN CAMISOLE

J’ai marqué ce jour sombre d’une pierre noire sur le calendrier Snap On, en dessinant une tuque au crayon feutre à la pitoune en bikini qui annonçait la nouvelle perceuse hydraulique. J’ai flushé et je suis sorti.

FEMME EN BABY DOLL Mais j’aurais pu ne pas sortir.

PETITE FILLE À LUNETTES

J’aurais pu rester là à regarder mon caca disparaître. (O.C. : 11)

Les répliques des membres du chœur se suivent ici sans se faire compétition, quoiqu’elles racontent toutes des activités diverses. Qui plus est, dans la seconde moitié de l’extrait, le lecteur comprend que l’anecdote de l’homme qui a « flushé » se rapporte également à la journée de la femme et à celle de la petite fille. Leurs paroles sont permutables, à l’image de leurs vies, en quelque sorte. Dès l’arrivée du personnage d’Aline, l’hôtesse du bulletin de nouvelles, on constate de même que le chœur est uni par l’écoute de la télévision, son rituel de fin de journée, qui l’aide semble-t-il à oublier son quotidien déprimant : « Laissez-moi m’écraser inerte. Laissez-moi aux télécons » (Ibid. : 13). Manifestement, l’auteur catégorise les membres du chœur et les associe à un certain échantillon de la société. Ce n’est pas sans raison que Choinière, même s’il varie les appellations qu’il donne au chœur, garde toujours le même champ lexical, celui de la classe populaire, de l’habitant banal : « femme ordinaire, homme de la rue » (Ibid. : 16), « Canayen, Canayenne » (Ibid. : 25), « payeur de taxes » (Ibid. : 29), « classe prolétaire, classe argentée » (Ibid. : 42), « peuple voiturier » (Ibid. : 54), « petit peuple avachi dans ton salon » (Ibid. : 59). En complément, les références aux personnalités québécoises connues, toutes issues de la même nation, comme Céline Dion, Linda Lemay ou Lucien Bouchard, finalisent la caractérisation d’un chœur homogène et entièrement lié à une société spécifique.

Néanmoins, au contraire des chœurs eschyléens ou euripidiens, le Chœur Contem- porain s’exprime dans une langue clairement éloignée d’une poésie soignée et du chant. Certes, il parle un langage qui lui est propre, ce qui permet de le distinguer comme le voulaient les auteurs grecs. Toutefois, force est d’admettre que le style du chœur de Choinière est marqué par un langage très populaire, parfois vulgaire : « Personne ne s’est jamais crossé à la vue d’un congère ! » (Ibid. : 31) On y voit une nette transforma- tion du rôle lyrique du chœur grec. On trouve bien quelques passages au fil de la pièce où les membres du chœur se laissent aller à l’expression plus poétisée, des bifurcations toujours surprenantes : « Encore des horreurs dans ta bouche esquissant un pauvre sourire, dans ta tête acquiesçant ce que l’on devine, dans ton corps portant le lourd fardeau de dire ce que personne ne veut entendre et que pourtant tout le monde sait » (Ibid. : 19) ou « Ô verglas, je dis ton nom en claquant des dents et c’est pour mieux me mordre les doigts ! » (Ibid. : 45). Néanmoins, chaque fois, la poésie est rapidement écartée et le langage habituel des membres du chœur revient. Parmi les hypothèses, est-ce qu’on pourrait penser que ces substitutions de niveaux de langue permettent une élévation du chœur vers un univers plus vertueux, où la sublimation de l’expression, comme une prière, incarnerait un rapprochement du divin ? En cela, ces élans de poé- sie seraient un clin d’œil au chœur antique et aux personnages mythiques qui étaient toujours conscients du regard et du pouvoir des dieux. Malgré tout, ces épisodes lan- gagiers ne font pas en sorte que le chœur soit moins associé au citoyen ordinaire, la caractérisation est trop profonde.

Du côté de l’expression des sentiments, on peut remarquer une certaine similitude entre les chœurs anciens et celui que crée Olivier Choinière. Nous avons mentionné que les chœurs grecs se situaient à l’extérieur de l’action principale. Pourtant, cela ne veut pas dire que le chœur s’exprimait rationnellement ou qu’il ne se laissait pas emporter par ses excès d’émotivité devant ce qui lui était présenté. On peut penser notamment aux vieillards qui, dans Les Perses d’Eschyle, étaient affolés, car ils « dépen[daient] directement du succès ou de la ruine de leur souverain. » (Romilly, 1970 : 27) On retrouve, chez Choinière, un chœur qui ressent la même liberté d’exprimer sa colère, son ironie, sa fatigue ou son impatience. Devant un sujet comme la température hivernale, par exemple, il perd tout sens de la mesure. « Vent qui gèle la face ! Neige qui remplit les rues ! Soleil qui se cache dès cinq heures ! À cause de vous Jocelyne est sur le cul ! À cause de vous ma journée est foutue ! [...] Hiver de pisse ! Hiver à marde ! Christ d’hiver ! » (O.C. : 26) Toutefois, on peut se demander si ces impulsions sont issues d’un intertexte de tragédie grecque ou si elles servent davantage à mettre en évidence le

populisme du Chœur Contemporain. Peut-être s’agit-il d’un mélange des deux. Le lien entre le texte moderne et une référence antique n’est pas sans équivoque dans ce cas-ci.

Nous avons insisté précédemment sur le fait que le chœur de la pièce québécoise est un personnage principal et qu’il est au centre de l’intrigue. Cette constatation nous permet de souligner une différence importante avec le texte-origine du chœur antique. Si les choreutes grecs sont mis à l’écart de la scène et ne font que commenter les différents choix des héros, les entités du chœur de Choinière, elles, sont entièrement incluses dans la pièce et sur la scène. En conséquence, elles ont considérablement moins de possibilités d’établir une médiation entre le public et les actions sur scène. Le chœur est ici tourné vers lui-même, non pas vers d’autres personnages ou héros. Effectivement, on constate que la majorité des répliques des choreutes concernent leur propre vie. Il n’est pratiquement jamais question de la vie personnelle d’Aline ou d’Évelyne. Le chœur raconte d’abondantes anecdotes hivernales privées en se plaignant exagérément de ses malheurs : « Givre historique ! Glacis mythique ! Crise d’octobre en janvier ! Ton souvenir a licorné mon front d’un stalagmite noère. » (Ibid. : 45) Sans surprise, on relève un très grand nombre de passages à la première personne du singulier, ce qui marque évidemment un égocentrisme certain du personnage. De cette façon, non seulement il ne parle plus au public, mais il ne regarde plus la pièce et les personnages en restant à part. Cependant, il reste que le chœur occupait une place considérable dans certaines pièces écrites par l’auteur grec Eschyle. Est-ce à dire que la pièce québécoise serait liée à l’œuvre d’un Grec en particulier plutôt qu’à un genre plus général ? Eschyle a en effet produit des pièces qui voulaient mettre en valeur les chœurs, « [b]ien des titres, d’ailleurs, rendent témoignage de cette importance. Comme pour la comédie, en effet, il n’est pas rare que l’on désigne une tragédie par l’indication des rôles confiés aux chœurs. Les Perses, les Suppliantes, les Choéphores, les Euménides, sont dans ce cas » (Romilly, 1970 : 27). Évidemment, les chœurs de ces dernières pièces occupaient un rôle fondamental et, tout comme dans Jocelyne est en dépression, ils étaient fortement concernés par l’action principale mise en scène. Pourtant, un chœur grec est « incapable d’y jouer lui-même aucun rôle. Il est, par définition, impuissant. » (Ibid. : 29) Il s’agit d’une différence fondamentale, à notre avis, avec le Chœur Contemporain créé par Olivier Choinière. Ce dernier personnage, composante principale de la pièce, possède un pouvoir d’action certain. Ce chœur s’octroie le droit de s’exprimer librement tout au long des dialogues, et il détient des privilèges : « Sortez-la des ondes, quelqu’un ! » (O.C. : 58), « [e]nvoye, frappe ! Et que ça saigne ! » (Ibid. : 59), « [t]oi, tu vas goûter à ma zapette. » (Ibid. : 58) Dans ces dernières citations, le Chœur Contemporain exprime

la conscience qu’il a de son emprise, grâce à l’emploi de verbes violents à l’impératif et grâce à sa menace de faire usage de sa « zapette » pour changer le poste de télévision, une menace grave dans le contexte d’un bulletin de nouvelles. S’il est vrai que le chœur de Choinière peut s’approcher à certains égards d’un chœur eschyléen, il reste qu’il affirme catégoriquement son ascendance et défend ses prérogatives.

Les différents parallèles que nous avons dressés entre les chœurs antiques et le chœur de la pièce québécoise nous font prendre conscience que le Chœur Contemporain a été bâti selon un petit nombre seulement de caractéristiques des chœurs grecs. Encore une fois, nous avons pu constater l’élagage de plusieurs éléments de la tragédie. Ce n’est pas sans nous faire penser à une caricature, où l’auteur sélectionne quelques attributs qu’il désire mettre en valeur ou dont il désire faire un pastiche. « [Le comique] est porté par une énergie de réinvention qui tantôt remet les choses à leur place et leur redonne une seconde vie, tantôt les déplace [...] pour leur donner une autre15 vie. » (Losco-Lena,

2011 : 207) Nous sommes portée à croire que l’idée « d’autre vie » nous concerne ici, dans l’optique où nous pouvons voir un lien entre la sélection de quelques caractéristiques d’un chœur grec et la volonté d’utiliser ces éléments intertextuels afin de présenter un personnage transformé, un personnage autre en raison de sa posture caricaturale. Nous pouvons remarquer que la pièce ne semble pas présenter un chœur possédant une psychologie riche, un passé complexe et des opinions nuancées. Par exemple, les répliques nous donnent très peu d’indices sur la vie du chœur, elles sont principalement constituées de plaintes concernant l’hiver. De plus, il est difficile de noter des concessions et des nuances au fil du dialogue. Les choreutes imposent leur jugement par rapport à leur jeune adversaire en ces termes : « Est folle ! » (O.C. : 50) Il sera pertinent d’évaluer la notion de caricature dans la sphère dialogique, ce que nous ferons au cours du prochain chapitre. En fait, le portrait du Chœur Contemporain paraît relativement simpliste, ce qui le rapproche justement de la caricature. Comme les entités qui le composent sont ici plutôt sommaires, l’auteur peut exagérer leurs traits et déformer la matière de laquelle ils sont issus, soit l’arché-texte tragique. L’auteur présente un travail d’écriture dont le but n’est pas de copier l’intertexte, mais de proposer une lecture « critique [et] ludique » (Jenny, 1976 : 281) de certains traits du chœur grec.

1.4

Personnages tragiques

1.4.1

Coryphée

Que le Chœur Contemporain soit né du chœur grec nous paraissait criant, notam- ment en raison de l’appellation du personnage, directement empruntée au vocabulaire tragique. En nous basant sur un tel constat, nous sommes amenée à nous demander forcément si d’autres types de personnages tragiques ont aussi été récupérés par Olivier Choinière. Le fait qu’un paratexte nomme la tragédie, qu’un vocabulaire faisant réfé- rence aux dieux et au tragique soit employé et qu’un personnage soit appelé « chœur » ne suggère-t-il pas qu’il devrait y avoir d’autres personnages de tragédie ? Cela créerait un lien important entre les personnages de la pièce, un rapport qui constituerait un fondement majeur de leurs relations inter-personnage. Outre le chœur, le premier per- sonnage tragique qu’il nous est facile d’identifier est le coryphée. Le personnage d’Aline présente plusieurs points communs avec ce « chef du chœur » (Pavis, 2002 : 45). Le coryphée des tragédies grecques agit en porte-parole des choreutes. Au fil de la pièce de Choinière, Aline parle elle aussi au nom des trois membres du Chœur Contemporain : « Évelyne ! Penses-tu sérieusement que nous te croyions diplômée ? » (O.C. : 49) Elle utilise la première personne du pluriel fréquemment et elle jouit de la liberté de s’ex- primer ainsi sans entrave. En effet, à l’exception de la fin de la pièce, le chœur ne la contredit pas et ne se dissocie pas de ses paroles. C’est donc dire qu’Aline exprime une pensée qui est en accord avec celle des choreutes. À titre d’exemple, on peut noter le monologue qu’elle livre pour rappeler au chœur qu’il n’est pas seul dans son infortune :

Ne sais-tu pas qu’avant d’être la reine de l’information nationale et inter- nationale, je suis la souveraine du petit ragot et de la rumeur intime ? Je suis la bouche de tes plaintes et l’oreille de tes cris ! Ton chat est pris dans l’arbre ? Ton chien s’est fait écraser ? Appelle les pompiers, j’envoie les ca- méras. Ton moindre soupir, je l’entends comme s’il était mien. N’oublie pas que c’est pour toi, femme ordinaire, homme de la rue, que je fais des exer- cices de diction et que je fais semblant d’apprendre tous ces textes par cœur. Souviens-toi que je suis comme toi, je viens aussi d’un trou perdu, même si je n’en laisse rien paraître dans mon accent. (Ibid. : 15-16)

Elle défend l’idée que malgré son rôle prestigieux de « reine de l’information », elle fait partie du même groupe que ses auditeurs. Par ce genre de paroles, elle s’octroie officiel- lement le droit de parler au nom de « [son] contemporain » (Ibid. : 14). Toutefois, Aline reste un personnage hors du groupe restreint des membres du chœur. C’est d’ailleurs la raison pour laquelle elle se fait rejeter complètement lors du dénouement :

ÉVELYNE

Dis-moi, Aline, que ferais-tu sans [l’hiver] ? ALINE

Pas de commentaire. ÉVELYNE

Ce serait les nouvelles d’été à longueur d’année, pas vrai ? ALINE

Sortez-la des ondes, quelqu’un ! FEMME EN BABY DOLL Toi, tu vas goûter à ma zapette.

ALINE

C’est une ruse ! Ne vois-tu pas qu’elle veut nous monter l’un contre l’autre ? HOMME EN CAMISOLE

Vas-y, Suzette, tranche-lui la tête ! [...] ALINE

Petit peuple avachi dans ton salon, comme tu es facilement manipulable ! Tu bois les paroles d’une remplaçante météo, blonde de surcroît, une petite midinette dont on ne connaît pas le passé mais qui n’a certainement pas fini son secondaire cinq, au lieu de me croire moi que tu écoutes chaque soir ?

HOMME EN CAMISOLE

Ça a ben l’air que c’est à soir le dernier soir. (Ibid. : 58-59)

Cette mise à l’écart montre l’hypocrisie d’Aline, qui ne faisait que feindre sa représenta- tion des paroles et des opinions du peuple. En cela, elle ne représente effectivement pas un véritable coryphée. Néanmoins, on constate que dans la majeure partie de l’œuvre, elle permet au chœur de trouver de nouveaux arguments pour se défendre contre Éve- lyne, elle se range sans équivoque du côté du « peuple voiturier » (Ibid. : 54). Il nous semble ainsi manifeste que la présentatrice du bulletin de nouvelles agit à titre de