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LES KAREN VUS DE L’EXTERIEUR

LE RESEAU DE RECHERCHE ET DE DEVELOPPEMENT INSTITUTIONNEL

3. LE CENTRE DE DEVELOPPEMENT DE MAE SARIANG

La déforestation, le débordement des guérillas, le trafic de drogue et l’immigration illégale constituent les quatre principaux motifs qui configurent la représentation que j’ai perçue du « Quadrangle d’Or ». Il sont omniprésents dans la presse thaïlandaise et donnent des dimensions exagérées aux images auxquelles sont associées les montagnards dans le contexte contemporain. Les montagnards sont perçus comme la cristallisation même de ces problèmes, bien qu’ils ne représentent qu’un maillon dans la chaîne de corruption liée à la destruction des ressources naturelles et des trafics en tout genre qui sévissent dans la région.

Les chao khao sont associés à cet espace marginal et illégal. Pour la plupart des Thaïs, autant ceux qui vivent au contact des Karen que ceux qui n’en ont jamais rencontré, cette image médiatique dresse un portrait négatif du montagnard. Le montagnard est « hors la loi » et il détruit l’environnement. Il est le vecteur de tout ce qui menace de contaminer ou de démanteler la nation.

3. LE CENTRE DE DEVELOPPEMENT DE MAE SARIANG

Je suis restée environ deux semaines au sein du centre de développement de Mae Sariang où la trajectoire officielle m’avait menée. Au cours de ce séjour, j’ai eu l’occasion de faire plus ample connaissance avec un fonctionnaire haut placé dans la hiérarchie de l’établissement. Cet homme, âgé d’une quarantaine d’années, était particulièrement disposé à m’aider dans mon travail. Il m’a servi de guide pour faire mes premiers pas en milieu karen et m’a expliqué le fonctionnement du centre ainsi que les lignes directrices de sa politique à l’égard des chao khao. C’est essentiellement avec lui et à travers lui que j’ai appréhendé certaines formes d’interaction entre les fonctionnaires thaïs et les villageois Karen qui participent à l’univers du développement.

La stratégie de développement zonal

Le Centre de développement de Mae Sariang constitue, au niveau provincial, l’instrument de la mise en oeuvre des politiques de développement social et économique orchestrées par le Département des Affaires Sociales, (DAS). Le centre de Mae Sariang, créé en 1964 sous l’impulsion de Hans Manndorff suite à l’échec des Nikhom, est connu sous l’appellation de HTWD (Hill Tribe Welfare and Development Center). Il a servi de modèle à d’autres centres similaires ensuite institués dans chaque province du Nord où vivent des chao khao. Cet organisme est chargé, sur le terrain, d’assurer la coordination entre les communautés locales, les chercheurs et les principaux programmes de développement gouvernementaux ou étrangers.

En 1999, la province de Mae Hong Son rassemblait 54% de Thaïs et 45% de montagnards, majoritairement représentés par les Karen. Le centre de Mae Sariang est responsable de 155 villages répartis dans la province. Sa mission s’inscrit directement dans la continuité de la politique sociale à long-terme définie en 1976 par le gouvernement : sédentariser les communautés ethniques sur des montagnes préalablement abandonnées par elles, les initier à de nouvelles techniques agricoles et les intégrer au système administratif thaï. Elle s’articule entièrement à travers une stratégie de développement qualifiée de

« zonale ». Le centre gère une aire administrative découpée en neuf zones correspondant au rayonnement local du Projet Royal et des principaux programmes de développement gouvernementaux ou internationaux débutés à partir de la fin des années 70. Chacune de ces zones comprend un ensemble de villages clefs, 32 au total, à partir desquels ces programmes sont propagés dans les villages satellites. Certains fonctionnaires thaïs rattachés au centre, sont présents au quotidien dans les villages clefs ou satellites et enseignent aux montagnards la nouvelle façon d’aménager leurs ressources naturelles.

Les pratiques agricoles sur brûlis doivent être abandonnées de façon à ce que la couverture de forêt située sur des pentes supérieures à 45% reste intacte. Les pentes de 20 à 30% peuvent faire l’objet de plantations d’arbres fruitiers tandis que les espaces en aval sont réservés à la riziculture et à l’agriculture maraîchère commerciale. Des centres de marchés destinés à recevoir les marchandises nouvellement produites ont été créés et assurent le relais entre leur vente et leur transport vers la plaine. Le taux de croissance de la population montagnarde est régulé par l’instauration du planning familial, des écoles sont créées dans les

villages et des stages de formation à de nouveaux métiers sont proposés aussi bien dans l’agriculture, la reforestation que dans la promotion du folklore artisanal. Aujourd’hui, les villages qui correspondent à ces critères d’aménagement en termes économiques, écologiques et sociaux sont intégrés dans le système administratif thaï en tant que muban (village), la plus petite unité du système administratif thaïlandais. Les fonctionnaires se chargent ensuite de faciliter les conditions d’accès à la nationalité. Ces communautés bénéficient par ailleurs de subventions sociales de l’État destinées aux plus démunis : orphelins, handicapés, veufs, malades, personnes âgées, enfants de famille très pauvres. Des comités sociaux (kamakan sun songkrau) sont créés dans chaque village afin d’assurer un lien plus direct entre ces aides gouvernementales et les villageois, de façon à leur garantir un certain degré d’autonomie quant à la gestion de leurs affaires locales tout en les formant progressivement au modèle et aux exigences de l’administration thaïe.

Le personnel du centre comprend 50 fonctionnaires du gouvernement, 60 employés permanents et 57 employés temporaires. La majorité d’entre eux, en particulier les fonctionnaires, sont des Thaïs souvent originaires d’autres provinces du pays. Ils ont un logement de fonction au sein même du centre tandis que certains dorment pendant la semaine dans les villages clefs ou satellites qui sont relativement éloignés du centre. Tout autour de celui-ci, il y a des villages karen, en majorité peuplé de Sgaw. Dans la plupart de ces villages, il y a au moins un Karen qui est employé comme intermédiaire auprès du centre. Ces intermédiaires participent aux réunions mensuelles qui consistent à évaluer l’évolution des conditions sociales et économiques des villageois et en retour à les informer de la politique du centre. D’autres villageois karen sont quant à eux des employés temporaires qui travaillent comme jardiniers dans l’enceinte même de l’établissement, lui-même doté d’une étendue de terrain destinée à toutes sortes de cultures fruitières ou maraîchères, à titre permanent ou expérimental.

Khun Wa, mon guide, se définit lui-même comme un intermédiaire entre l’État et les montagnards. Il fait son devoir le plus consciencieusement possible tout en sachant que les politiques gouvernementales ne peuvent être appliquées à la lettre une fois confrontées aux réalités du terrain. Il sait que les obstacles surgissent des deux côtés, tant de la part des Thaïs que des chao khao, et que la seule tactique efficace est celle du compromis. Il ne méprise pas les montagnards. Comme beaucoup de Thaïs, il pense juste qu’ils sont un peu primitifs et ignorants. A force de les côtoyer, il éprouve de la compassion envers eux et il est satisfait de

travailler dans le domaine du social pour améliorer leurs conditions de vie tout en favorisant leur intégration dans la nation thaïe. Son discours reflète une sorte d’alliage entre les objectifs prioritaires de l’État concernant la question des chao khao, l’expérience empirique du contexte local et du développement qu’il a acquis et l’inévitable couche de stéréotypes communs aux fonctionnaires thaïs qui travaillent avec les montagnards.

« Ils détruisent la forêt »

Khun Wa insistait toujours sur le fait que les « tribus » détruisaient l’environnement (chao khao tamlai pa). Un jour, alors que nous sillonnions les contours d’un village karen, il me montra quelques arbres brûlés disséminés en amont des rizières. On s’arrêta devant un arbre nu, calciné : « Les Karen brûlent les arbres. Je n’aime pas ça ». Puis ils ajouta : « les Hmong détruisent 10 à 12 fois plus la forêt que les Karen, car ils pratiquent une agriculture à des fins commerciales. On ne peut pas les arrêter. Les Karen font cela, eux, juste pour leur subsistance ». Ce contraste que Khun Wa établissait entre les Hmong et les Karen, renvoie notamment aux deux principales techniques d’essartage autrefois privilégiées par les chao khao (Chantaboon Sutthi, 1989 : 108-109).

Le modèle Hmong, correspond aux migrants récents : Yao, Akha, Lisu et Lahu. Il s’agit d’une forme d’« agriculture pionnière sur brûlis », adaptée aux contraintes climatiques relatives à la culture du pavot. Les paysans exploitent des terrains d’une altitude d’au moins 1000 mètres, et de préférence situés sur les forêts denses, jugées plus fertiles, mais également plus sensibles sur un plan écologique. Ils cultivent les mêmes terres pendant plusieurs années successives, vingt ans en moyenne, et les abandonnent pour coloniser de nouveaux espaces une fois que les sols sont totalement épuisés. Le modèle Karen, correspond aux populations indigènes de Thaïlande : Lawa, Htin et Khmu. Ce système de « culture cyclique » suppose par contre une rotation des terres qui laisse le temps aux sols de se régénérer. Du moins en théorie, car ce n’est pas toujours le cas en raison de la pression foncière. Un champ est utilisé pendant un an et ensuite laissé en jachère pendant six à douze ans, le temps d’être recouvert par une forêt secondaire. Du point de vue des fonctionnaires du développement, ces deux systèmes sont considérés comme nocifs pour l’environnement, quoique le modèle hmong le soit plus particulièrement.

L’opposition entre les Hmong, orientés vers le commerce et les Karen, orientés sur la subsistance est ainsi devenue systématique et se trouve réactualisée à travers le discours des fonctionnaires du développement. Aujourd’hui, les Hmong, sont sédentarisés et ont reconverti leurs champs de pavot en cultures maraîchères qu’ils revendent directement sur les marchés de la plaine. Ces cultures et, en particulier celle du chou, nécessitent l’emploi de beaucoup d’engrais chimiques. De ce fait, les Hmong se trouvent de nouveau accusés d’être les principaux destructeurs de l’environnement en surexploitant les ressources et en polluant les sources et les sols des zones écologiques les plus sensibles. Les Karen qui, à l’image des autres groupes indigènes, privilégient une économie de subsistance, sont par contraste perçus comme moins menaçant pour l’écosystème montagnard. Mais en même temps, ils renvoient une image de peureux et de fainéants, incapables qu’ils sont d’investir dans l’agriculture commerciale. Comparativement, les Hmong, antérieurement convertis à une économie de marché moderne, se montrent plus entreprenants. Ils apparaissent de ce fait plus

« intelligents », mais également moins obéissants. En Thaïlande, les Hmong ont une réputation d’insoumis. Elle s’est forgée dans les années 60 à 70 quand ils se rebellèrent contre l’administration thaïe au moment fort de la menace communiste et s’est prolongée avec les suspicions qui les associent, plus que les autres, au trafic d’amphétamines. Dans ce contexte, le Karen devient ainsi l’incarnation de l’indigène docile et arriéré, le Hmong de l’étranger rebelle et dangereux. Les premiers attirant de ce fait davantage la sympathie des Thaïs que les seconds.

Le discours de Khun Wa est en fait particulièrement révélateur des opinions et des préjugés véhiculés par l’État à l’encontre des chao khao depuis les années 60. Les « chao khao » sont globalement assimilés à des “destructeurs de la forêt” dont les pratiques agricoles jugées primitives menacent les intérêts comme l’intégrité de la nation thaïe. Les fonctionnaires, pour qualifier les modes d’exploitation agricole des montagnards, emploient l’expression de rai lüan loi, (cultures itinérantes), traduction des concepts scientifiques anglais de « swidden cultivation » ou de « slash and burn agriculture » (essartage ou agriculture sur brûlis en français). Il fut introduit sous l’influence des gardes-forestiers britanniques qui initièrent, en 1896, la création du Département Royal des Forêts.

L’expression populaire thaïe pour qualifier cette pratique, tham rai, renvoie à la riziculture sèche par opposition à la riziculture irriguée, tham na (Pinkeaw Laungaramsri, 2001 : 178).

Depuis longtemps pratiquée par les Thaïs localisés au piémont des montagnes, elle était autrefois perçue comme un moyen de conquérir de nouveaux espaces. Aujourd’hui, elle est

considérée comme une technique « primitive » et « irrationnelle » d’exploitation des sols qui détruit le capital économique ou esthétique du pays.

D’autre part, l’expression même de, rai lüan loi, qui évoque le caractère nomade de cette pratique, renvoie directement aux préjugés selon lesquels les montagnards sont des populations ingouvernables. KhunWa : « Les tribus montagnardes sont des gens différents de nous, c’est leur tradition de bouger. Il est impossible de les fixer, de les contrôler. Le gouvernement a alors défini sa stratégie. Comme ils sont difficiles à contrôler tels qu’ ils sont, c’est-à-dire libres, il faut les changer, leur donner une éducation et une moralité thaïes.

On parle alors en termes de social welfare ».

Khun Wa insistait également souvent sur le fait que la Thaïlande n’opprimait pas ces minorités à la différence des Birmans : « En Thaïlande, nous adoptons la philosophie du roi.

Comme nous n’avons pas assez de terre pour reloger les tribus dans nos plaines, nous recherchons des technologies pour permettre la symbiose entre l’homme et l’environnement.

Le but de la politique du Welfare est d’assurer l’osmose entre le social - l’éducation, la santé la lutte anti-drogue et l’augmentation des revenus économiques des montagnards - et l’environnement, soit la préservation des ressources naturelles ». Il expliquait ensuite que la Thaïlande était très tolérante à l’égard des montagnards et que ces derniers n’en prenaient pas toujours conscience : « Le problème, c’est qu’ils ne comprennent pas nos lois. Ils viennent d’autres pays où ils ont été habitués à être maltraités par les Birmans, les Lao, les Chinois.

Au début, ils étaient peu nombreux. Mais à cause de la politique du Welfare thaïlandaise, d’autres montagnards sont venus, car ils sont mieux traités ici qu’ailleurs. Nous aidons les immigrés, mais ils n’ont pas le droit d’accéder au Welfare. L’assistance est réservée aux citoyens thaïs . Les montagnards, s’ils vivent sous le drapeau thaï, il leur faut parler le thaï, respecter notre roi et protéger les terres de notre pays ». Ainsi, même lorsque la nationalité est accordée aux montagnards, c’est comme une faveur plus que comme un droit légitime.

Elle s’associe à la volonté de les sédentariser à tout prix pour surveiller leurs mouvements et leurs activités « incontrôlables ». De même, la politique de développement social est un cadeau que leur offre la nation en contrepartie duquel, ils doivent se soumettre à ses intérêts, sa hiérarchie et ses valeurs fondamentales.

Le « petit paradis »

Au cours de ce séjour au milieu des fonctionnaires thaïs, il m’était difficile de leur faire comprendre quel type de terrain je cherchais, n’en ayant pas moi-même une idée précise. J’évoquais l’idée de changement : « Je veux voir ce qui change à cause de l’influence extérieure ». Invariablement, les fonctionnaires me répondaient : « Partout il y a du changement, mais les Karen eux changent lentement, les Pwo encore plus que les Sgaw. Ils ne pensent qu’à faire pousser le riz ». Obsédés par le souci de ma sécurité et de la sécurité en général, les responsables du centre à qui j’avais été confiée, voulaient à tout prix me trouver un terrain sûr et donc que je sois introduite par eux auprès de gens connus. Ils m’ont d’abord amenée dans un village traditionnel à leurs yeux où ils avaient une antenne satellite avec des Thaïs et des Karen comme intermédiaires. Le village s’appelle ban sawan noi, le « petit paradis ». Il est situé à quelques kilomètres du centre, non loin de la route principale qui mène à Mae Sariang, légèrement retranché dans la montagne.

Nous y sommes allés une première fois un après-midi. C’était calme, très calme même.

Il n’y avait que les vieux dans le village, cachés sous l’ombre des toitures. Les enfants étaient à l’école, les parents aux champs. On n’entra dans aucune de ces petites maisons, perchées sur pilotis, semi-closes, semi-ouvertes. On s’arrêta juste à l’orée du village, devant les baraquements de bois des fonctionnaires du centre. On me présenta, il faisait chaud, tout le monde semblait vivre au ralenti. Les fonctionnaires me vantèrent le cadre et me firent remarquer qu’à la sortie du village il y avait une splendide cascade. Un fonctionnaire me montra une maison abandonnée, la seule entièrement en bambou avec un toit en paille et commenta : « Quel dommage, c’est la seule maison vraiment traditionnelle qui reste, les autres ont un toit en taule. Il est prévu que le centre reçoive l’année prochaine un musée sur la culture et l’artisanat des montagnards lié au projet touristique « Amazing Thailand ». Nous allons promouvoir l’éco-tourisme dans la région, organiser des visites guidées dans les villages tribaux comme celui-ci. Seulement, qu’allons-nous montrer aux touristes si les montagnards changent trop vite !». Ce dilemme me deviendra par la suite familier : changer les montagnards tout en conservant leur folklore ethnique si profitable à l’industrie touristique.

Le réseau touristique, que j’avais auparavant sillonné, fut présent parallèlement à mon parcours d’ethnologue, surgissant ponctuellement dans l’espace, les images ou les propos.

« Amazing Thailand », stupéfiante Thaïlande, était en 1999-2000 le principal slogan publicitaire de l’« année du tourisme » thaïlandais. Il était partout, dans la presse, à la télévision thaïe et sur toutes les affiches de publicité qui vantent les charmes visuels et exotiques du pays sous forme de supports médiatiques. La Thaïlande est un pays très touristique. L’année « Amazing Thailand » marque le dépassement de la barre des 10 millions de touristes dont le passage est en progression constante depuis le début des années 80 où leur nombre se chiffrait alors à environ 1 million. La fabrication du réseau touristique remonte au tout début des années 60 avec la création du TAT (Tourist Authority of Thailand). A partir de cette époque, le tourisme est non seulement devenu une stratégie de croissance économique vitale du pays, mais également une forme de propagande nationale. A l’instar de quantités d’État-nations, la Thaïlande a fabriqué un parcours spécifique de lieux à visiter, et une industrie d’images et de produits-souvenirs qui s’y attache.

Les sites touristiques mis en valeur dans le parcours touristique Amazing Thailand sont comme des tableaux qui dessinent les traits fondamentaux de la nation et reconstituent les grandes étapes de son existence depuis les vestiges attestant de son origine la plus lointaine jusqu’aux monuments les plus modernes témoignant cette fois de son ancrage dans le présent et de sa capacité à se projeter vers le futur. Ces haut-lieux ont une efficacité concrète. Ils fonctionnent à la fois comme des repères identitaires et comme des preuves tangibles de la participation et de la contribution originales d’un peuple au patrimoine de l’humanité et à l’histoire de ses civilisations. Ils forgent et légitiment l’existence de l’État-nation, justifiant les raisons pour lesquelles on peut-être fier d’y appartenir. Ces « haut-lieux » du tourisme international, il « faut les voir ». Ils sont devenus des produits culturels consommables qui font figure de canons esthétiques et historiques fixés dans une documentation visuelle et culturelle globale. Recul ou pas, ils constituent la vitrine de la « communauté imaginée » de la nation, à travers laquelle elle met en relief des représentations sélectives et idéalisées de sa culture et de son histoire, en bref de son identité.

L’usage même de la notion d’ « identité thaïe », ekkalak thaï, calquée sur le concept anglais d’« identité », s’est propagé dans le discours officiel parallèlement à la mise en place du circuit touristique (Reynolds, 1991 :13). Le tourisme devint alors un instrument privilégié pour assurer la reconnaissance nationale et internationale de l’identité thaïe, ce processus de

L’usage même de la notion d’ « identité thaïe », ekkalak thaï, calquée sur le concept anglais d’« identité », s’est propagé dans le discours officiel parallèlement à la mise en place du circuit touristique (Reynolds, 1991 :13). Le tourisme devint alors un instrument privilégié pour assurer la reconnaissance nationale et internationale de l’identité thaïe, ce processus de