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LES KAREN VUS DE L’EXTERIEUR

LE RESEAU DE RECHERCHE ET DE DEVELOPPEMENT INSTITUTIONNEL

2. LE CONTEXTE GEOPOLIQUE FRONTALIER

Bien que la peur de la menace communiste ait fortement diminué et que la culture de l’opium y ait décru, la zone frontalière où sont concentrés les montagnards reste plus ou moins en marge du domaine légal thaïlandais. Elle demeure un espace périphérique où l’autorité de l’État et ses politiques de développement ne parviennent que difficilement et lentement à s’imposer, particulièrement dans les régions qui jouxtent directement la frontière.

La politique actuelle du gouvernement continue de faire primer les objectifs de sécurité nationaux, la différence notoire étant aujourd’hui la priorité accordée à la protection de l’environnement, au démantèlement des réseaux de commerce illicites, principalement ceux des amphétamines et du bois de teck et au contrôle de l’immigration illégale issue du Laos et surtout de Birmanie. Dans ce contexte, la situation des Karen, en tant qu’ethnie minoritaire départagée entre les États-nations thaïs et birmans, est d’autant plus complexe. En particulier du fait de la persistance de la guérilla karen en Birmanie et de ses retentissements sur la Thaïlande. Je propose donc de détailler ces « maux » frontaliers et leurs impacts sur les Karen thaïs, à travers la reconfiguration politique et économique du « Triangle d’Or » au cours des dernières décennies.

L’émergence de la guérilla karen en Birmanie

En 1826, les Anglais annexent le Tenasserim, une région montagneuse située en zones de peuplement karen et concentrant les principales forêts du teck de toute la Birmanie. Ils entrent en contact direct avec ces derniers, qui se disent opprimés depuis des siècles par les Birmans. Ces populations, connue des Birmans sous l’appellation de Kayin ou de Kayin ni (litt., « Karen Rouges ») perçoivent l'alliance avec les Britanniques, ennemis de leurs propres ennemis, comme l'opportunité d'une revanche sur les Birmans. Enrôlés sous forme d’unités homogènes dans l’armée coloniale britannique, les Karen jouèrent un rôle important dans les efforts de guerre menés pour aider les Anglais à établir leur domination sur le pays, entreprise qui culminera en 1886 avec l’annexion totale de la Birmanie alors intégrée comme une province des Indes britanniques. Au moment de la Seconde Guerre Mondiale, les Birmans s'allièrent aux Japonais et les Karen, restés fidèles aux Britanniques, résistèrent à l'avancée de leurs troupes.

Les Anglais, au cours de toute la période coloniale, établirent ainsi une relation particulière avec les Karen, considérés comme des alliés efficaces et fidèles (Falla, 1991 : 17-30). Cette relation privilégiée fut par ailleurs renforcée par le succès des missions baptistes américaines au sein des populations karen qui se convertirent en grand nombre. Choix qui permettait aux Karen non seulement d’affirmer leur loyauté envers les Anglais, mais également d’inverser le rapport de domination, d’une part en s’affirmant comme chrétiens par rapport aux Birmans bouddhistes et d’autre part en légitimant leurs aspirations à fonder leur propre royaume. Les missionnaires, persuadés d'avoir retrouvé la Tribu Perdue d'Israël, exploitèrent l'idée que les Karen, peuple élu de Dieu, ont été soumis, comme les juifs d'Egypte, à des oppresseurs puissants et aspiraient à une Terre Promise. Cette analogie entre les Karen et le peuple élu d'Israël a eu des répercussions énormes sur le devenir de cette population : « Le succès des missionnaires chrétiens parmi les Karen constitue l’une des causes les plus significatives à l’émergence de la rébellion karen» (C. F.

Keyes, 1979 : 20). Redevables de leurs services, les Britanniques leur octroient des privilèges particuliers, facilitent leur accès aux écoles et aux universités et favorisent la constitution d'une élite karen christianisée et empreinte d’idéaux nationalistes.

Au moment de la décolonisation, le gouvernement britannique envisage de favoriser la constitution d'un État fédéral sur la base d'une société pluri-ethnique où les Karen pourraient bénéficier d'une autonomie relative. Pour donner forme à ce projet, les Karen créent la KNU (Karen National Union). Mais au moment de l’indépendance en 1948, le premier chef de cet état fédéral, Aung San, est assassiné par des rivaux birmans qui imposent un régime militaire à la tête du pays. Des guérillas ethniques imprégnées de revendications autonomistes éclatent un peu partout aux frontières Nord-Est du pays. En 1954, les Karen annoncent la création de l'État Karen de Kawthoolei et fondent une Armée Nationale, commandée par l’élite christianisée. Ils luttent depuis pour obtenir l’indépendance de ce territoire, constitué de petits îlots montagnards encerclant la rivière Salween.

La tension s'amplifie lorsqu'en 1962 les militaires commandés par le général Né Win s'installent au pouvoir. Les groupes rebelles karen repoussés des plaines, se replient dans les montagnes et s’allient aux communistes. Le général Né Win fait des Karen le nouvel ennemi public et entame une politique drastique pour lutter contre toutes les rébellions ethniques

frontalières. En 1988, le SLORC5, la nouvelle junte militaire birmane, s’empare du pouvoir et propose, dans le courant des années 1989-1991, d’engager des pourparlers pour négocier un cessez-le-feu avec chacune des rébellions séparément (Martin Smith : 1999 : 440-441). Des premiers accords6 sont conclus avec les groupes insurrectionnels les moins menaçants, tandis que l’armée birmane peut concentrer ses offensives sur les groupes d’insurgés les plus forts.

A ce moment, les groupes môn, karen et karenni (« Karen rouges » en Birman ou Kayah) subissent les plus violentes attaques de l’armée birmane et perdent de nombreuses bases militaires le long de la frontière entraînant une vague de 40 000 réfugiés vers la Thaïlande.

En 1994, le SLORC, lance une nouvelle invitation aux groupes ethniques armés7 pour engager le dialogue, négocier la paix et favoriser le développement. Bo Mya, le leader de la KNU, refuse de participer à cette nouvelle proposition. Les divisions internes à la KNU, instrumentalisées par l’armée birmane, la Tatmadaw, prirent dès lors une ampleur dramatique. Sous prétexte de subir une discrimination religieuse de la part de l’élite karen chrétienne, qui détenait jusqu’à présent les rênes des opérations militaires, des généraux bouddhistes provoquèrent la scission. Ils créèrent la DKBA (Democratic Karen Bouddhist Army) (M. Smith, 1999 : 446) et s’allièrent à la Tatmadaw. En janvier 1995, l’armée, informée par les mutins renverse le quartier général de Manerplaw, base de la KNU, ce qui entraîne le démantèlement de l’État karen de Kawthoolei, désormais inexistant. Il ne reste plus que deux principaux maquis antagonistes disséminés ici où là le long de la frontière. Les combattants de la DKBA furent alors chargés de s’attaquer aux camps de réfugiés karen en Thaïlande, qui servent de base arrière à la KNU. En contrepartie, ils ont obtenu le droit de stationner sur des parcelles de territoire situées au Nord des anciens bastions de la KNU. De nombreux villages karen, situés dans les « zones noires » où l’opposition armée était censée opérer, furent incendiés. Des milliers de civils furent expédiés sur des sites de réinstallation situés dans des territoires contrôlés par les militaires birmans et furent soumis à des travaux forcés. Entre 1994 et 1998, on estime qu’environ 90 000 Karen auraient fui en Thaïlande.

5 Le Conseil d’État pour la Restauration de la Loi et de l’Ordre, plus communément appelé SLORC dans son abréviation anglaise. C’est à l’initiative du SLORC que le pays fut rebaptisé Union du Myanmar en 1989.

6 Notamment le United Wa State Party (UWSP), la Pao National Army (PNA), le Palaung State Liberation Party (PSLP) et le Shan State Progressive Party (SSPP).

7 Elle déboucha sur des accords de cessez le feu avec le kachin Independance Organization (KIO),le Karenni State Nationalities Liberation Front, le Kayan New Land Party et le Shan State Nationalities Liberation Organization.

Les camps de réfugiés

Débordé par ce flux migratoire le gouvernement thaï autorise en 1999, le HCR (Haut Comité aux Réfugiés) à venir administrer les 100 000 réfugiés Karen, Môn et Karenni hébergés dans onze camps disséminés sur 960 km de frontière avec le Myanmar. Depuis, le HCR a ouvert des antennes dans ces zones et a défini, avec les autorités administratives et militaires locales, les critères d’admission pour les « populations déplacées » en provenance du Myanmar, le statut de « réfugié » ne leur étant pas officiellement attribué. Les camps sont désormais conjointement encadrés par le HCR et l’armée thaïlandaise. Tous les réfugiés sont inscrits sur les registres du HCR et leurs déplacements à l’extérieur du camp sont étroitement contrôlés par l’armée. L’objectif du HCR est d’assurer, dès que possible, leur rapatriement vers le Myanmar. La situation politique ne permet pas pour l’instant d’envisager leur retour en toute sécurité. En attendant, de nouvelles vagues de populations continuent d’affluer et sont fréquemment repoussés par l’armée qui, dans ce contexte, les traitent comme des

« immigrés clandestins ». Il faut rappeler que certains réfugiés vivent depuis plus de quinze ans dans les camps. Leurs enfants y sont nés, y ont grandi, et pour certains, ils ne connaissent que cet univers-là. Ces camps sont par ailleurs financés et maintenus, au niveau sanitaire, par une multitude d’ONG humanitaires étrangères, dont Médecins Sans Frontières (MSF) est la principale représentante sur le terrain.

Depuis les manifestations étudiantes en 1988 et l’assignation à résidence d’Aung San Suu Kyi, prix Nobel de la paix en 1991 pour sa lutte non-violente en faveur de la démocratie, l’aide humanitaire est devenue le principal vecteur de soutien international pour soutenir l’opposante au SLORC. Les Karen, inscrits dans le sillon de ce mouvement pro-démocratique et hostile à la junte, ont alors de suite noué une alliance avec les étudiants birmans. Après les massacres de Rangoon en 1988, ils accueillirent dans leurs bases ceux qui étaient désireux de mener une lutte armée contre la junte et les formèrent à la guérilla. Les États-Unis, autant sensibles au projet politique de l’opposition birmane qu’aux visées géostratégiques de la Chine dans cette région du monde, commencèrent à s’intéresser de plus près à la Birmanie.

Au début des années 90, les sanctions politiques et commerciales américaines contre la junte se firent sentir, en particulier à l’égard des compagnies pétrolières. L’Europe suivit. L’aide humanitaire internationale s’intensifia.

D’après un docteur de MSF qui coordonne le travail des ONG humanitaires sur place, le budget total de l’aide médicale le long de la frontière birmano-thaïlandaise serait estimée en 2 000 à environ 30 milliards de dollars. Selon son témoignage : « Les mécènes se servent de la couverture humanitaire pour soutenir indirectement les populations qui mènent une rébellion contre la junte, et les ONG, qui vont là où il y a de l’argent, constituent les principaux intermédiaires au déploiement de cette stratégie. La KNU récupère cette forme de reconnaissance politique et logistique à son avantage. Une part de la population civile karen birmane touchée par la guerre est logée, nourrie et protégée gratuitement. Une partie de la nourriture et des médicaments est soit destinée au ravitaillement direct des soldats dans le maquis, soit revendue pour acheter des armes ».

Les nouveaux enjeux politiques et économiques du « Quadrangle d’Or »

Jusqu’à une époque récente, la Thaïlande entretenait des relations hostiles avec son voisin. La présence des Karen le long de la frontière constituait, déjà depuis le sac de la capitale d’Ayuthaya au 18e siècle, un premier rempart face aux visées expansionnistes des Birmans. Pendant la guerre froide, l’émergence des guérillas ethniques en Birmanie lui permettait de maintenir une « zone tampon » le long de ses 2 500 km de frontière, d’abord contre la menace communiste puis face à un régime socialiste birman doté d’une armée sans cesse renforcée par l’assistance militaire de la Chine8. S’inscrivant tout d’abord dans la lignée de la politique des États-Unis, elle donna refuge aux associations étudiantes et karen opposées au régime de la junte. Mais à partir de 1989, elle changea de stratégie. Suite à la chute des mouvements insurrectionnels communistes en Birmanie, en Thaïlande et en Malaisie et face à la pacification des guérillas ethniques qui se profilaient en Birmanie, la stratégie de la « zone tampon » n’avait plus lieu d’être.

La priorité est aujourd’hui donnée au développement économique de la région du

« Triangle d’Or », rebaptisée le « Quadrangle d’Or » ou « Quadrangle Economique », en raison des quatre pays qui la composent : la Chine, la Thaïlande, le Laos et la Birmanie. La région, riche en ressources naturelles, offre l’attrait considérable, notamment pour la Chine, d’ouvrir des débouchés géostratégiques et commerciaux sur l’Océan Indien. Dans ce

8 « Une alliance paradoxale : la Thaïlande le cheval de Troie de la Birmanie », A. & L. Bucaud, Le monde diplomatique, janv. 2000.

contexte, les guérillas entravent l’exploitation des ressources régionales et le déploiement d’un axe commercial Nord-Sud. D’autre part, la mise en oeuvre d’une telle dynamique dépend désormais d’un dialogue plus direct entre les gouvernements concernés et d’un meilleur contrôle de leurs territoires frontaliers. La Thaïlande, malgré l’ensemble des troubles originaires de Birmanie, a opté pour ce partenariat économique afin de pallier les déficiences en ressources naturelles de son territoire national (bois, gaz, réseaux d’irrigation).

En particulier, la Thaïlande convoite les gisements de gaz et de pétrole birman localisés dans le golfe de Martaban. L’exploitation de ces ressources représente le principal investissement étranger au Myamnar depuis la prise du pouvoir par le SLORC en 1988.

Malgré le boycott économique qui pèse sur le pays, les compagnies pétrolières française Total et américaine Unocal ont signé des accords avec le SLORC en 1995 pour construire le gazoduc Yadana qui relie la Birmanie et la Thaïlande, via le territoire karen. Depuis, les réfugiés, les journalistes et Amnistie Internationale dénoncent fréquemment les atteintes aux droits de l’homme générés par la construction du gazoduc : main-d’œuvre locale forcée, destruction des villages situés sur le parcours du gazoduc, manque de transparence et complicité des firmes Total et Unocal. La Thaïlande, au nom des intérêts économiques communs qu’elle partage désormais avec la Birmanie, a plutôt tendance à fermer les yeux sur ces exactions. Au contraire, en défendant son adhésion à l’ASEAN (Association of South-Est Asian Nation), effective depuis 1997, elle l’aide à restaurer son image et sa position au sein de la communauté internationale et favorise ainsi la levée des sanctions économiques qui pèsent sur elle.

Cependant, les relations entre les deux pays demeurent houleuses. Depuis 1994, l’alliance entre la tatmadaw et la DKBA contre la KNU n’ont fait qu’accroître les problèmes de sécurité le long de la frontière birmano-thaïlandaise et favoriser le débordement des guérillas ethniques en Thaïlande. Notamment, à travers la multiplication des attaques contre les camps de réfugiés karen, base arrière de la KNU. Ces dérapages occasionnent la fermeture chronique de la frontière. Fin 1999, pendant que j’étais sur place, l’Armée de Dieu9, un nouveau groupe de combattants karen créé en 1997, tenta des actions en territoire thaïlandais qui eurent un retentissement médiatique national et mondial. Un régiment d’environ cent à deux cents hommes d’obédience protestante était dirigé par Johnny et Luther Htoo, deux jumeaux orphelins, alors âgés de 9 ans. Ces enfants étaient considérés comme

dotés de pouvoirs magiques. Les Karen racontaient qu’ils étaient capables de prédire les attaques ennemies et de rendre invisibles leurs combattants. Encadrés par des adultes, ils étaient vénérés comme des messies censés les conduire vers la victoire et la restauration de l’ordre moral. A l’image des héros de la mythologie karen, ils étaient des enfants orphelins, soit l’incarnation même de l’innocence et de la vertu qui triomphent toujours de l’agressivité et de la corruption des puissants. Autant de caractéristiques qui évoquent une forme de réactualisation des mouvements messianiques karen en Birmanie, décrits et stimulés à l’arrivée des missionnaires protestants au 19e siècle (Stern, 1968) .

Un premier incident éclata lorsque l’Armée de Dieu donna refuge aux Vaillants Guerriers Etudiants Birmans. Ce groupe radical occupa l’ambassade de Birmanie à Bangkok en octobre 1999 et, trois mois plus tard, en janvier 2000, les deux organisations revendiquèrent la prise de 500 otages à l’hôpital de Ratchaburi (cf, annexe n°1). Il s’agit d’une ville thaïlandaise située près de la frontière, à proximité de la passe des « Trois Pagodes », face aux positions de l’Armée de Dieu en Birmanie. Pris d’assaut par l’armée birmane, ils espéraient ainsi attirer l’attention internationale sur eux et négocier le soutien logistique de la Thaïlande. Mais le lendemain de la prise d’otages, les dix membres du commando mixte de Karen et d’étudiants birmans furent abattus. Quelques jours plus tard, on entendit dire que l’armée birmane avaient pris le camp de l’Armée de Dieu et que les jumeaux avaient disparu. Ils réapparaîtront dans les titres des journaux en janvier 2001, au moment où, épuisés, ils se sont livrés aux autorités thaïlandaises en signe de reddition. Entre temps, Bo Mya, le patriarche du KNU, passait la main au civil Ba Thein. Suite à la tragédie de l’hôpital, les photos des jumeaux orphelins, vêtus en treillis et armés d’un automatique M16 incarneront pour le monde l’agonie d’une des plus vieilles guérillas de la planète, renouvelée par des enfants.

Ce genre d’incidents, tout comme l’arrivée massive des réfugiés, a des répercussions négatives sur les Karen de Thaïlande. Ce qui se concrétise en général par un renforcement du pouvoir d’action et d’autorité des militaires et des fonctionnaires de l’administration sur le terrain. D’autre part, ils jettent une suspicion sur la loyauté des Karen qui vivent du côté thaï et alimentent la peur de les voir s’inspirer de leurs homologues birmans ou de leur apporter un soutien quelconque. Tant pour agir à partir du territoire thaï, que pour leur permettre d’obtenir un statut légal de résident ou de participer à des trafics illégaux. Après la prise

9 « Karen : les petits princes de la guérilla », Thierry Falise, VSD, 3-9 février 2000, p. 16-19.

d’otages, un chercheur du TRI, spécialiste des Karen, fut convoqué en personne par le cabinet du Premier Ministre pour estimer la loyauté des Karen de Thaïlande. Il s’efforça alors de rassurer les autorités à travers un portrait du Karen thaï « docile », comparé à l’image du

« rebelle » karen birman, longtemps réifiée par les médias. D’autre part, la médiatisation de cet événement eut également un impact sur l’opinion publique nationale. Comme j’ai eu l’occasion de le constater à Chiang Mai, elle confortait l’idée selon laquelle les montagnards sont « violents », « irrationnels » et « dangereux ». Lesquels préjugés étaient renforcés par leurs perceptions des problèmes d’immigrations clandestines venues de Birmanie.

Immigration illégale et conditions d’attribution de la nationalité

La situation économique et politique en Birmanie provoque depuis vingt ans un flux incessant de travailleurs illégaux et de réfugiés vers la Thaïlande, situation qui n’a fait qu’empirer au début des années 90, à la suite de la prise du pouvoir par la junte militaire birmane. La Thaïlande, qui est le pays le plus stable de la région, avait déjà reçu, au cours de ces quarante dernières années, des milliers de réfugiés politiques venus principalement du Cambodge, du Laos, de Birmanie et du Viêt-Nam. Mais face à l’ampleur des migrations issues de Birmanie, elle a récemment radicalisé ses positions. Ces vagues d’immigration clandestine sont avant tout constituées de travailleurs immigrés dont la plupart sont des Shan, des Môn, des Karen, des Birmans. Leur nombre est estimé entre 800 000 et 1 million d’individus. Ils remplissent des emplois non qualifiés sous-payés à Bangkok, Chiang Mai, ou dans toutes les autres agglomérations thaïes qui jouxtent la frontière (restauration, confection, agriculture, construction, aide domestique, prostitution).

Ces mouvements incontrôlés de populations compliquent considérablement le système d’attribution de la nationalité aux montagnards. La plupart des fonctionnaires de l’État chargés d’appliquer ces lois ne connaissent d’ailleurs que la partie émergée de l’iceberg. En effet, ce système, qui est sans cesse modifié, est devenu d’une telle complexité qu’il entrave

Ces mouvements incontrôlés de populations compliquent considérablement le système d’attribution de la nationalité aux montagnards. La plupart des fonctionnaires de l’État chargés d’appliquer ces lois ne connaissent d’ailleurs que la partie émergée de l’iceberg. En effet, ce système, qui est sans cesse modifié, est devenu d’une telle complexité qu’il entrave