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3.2 Le constat dans les régions examinées

3.2.2 Le cas particulier du programme Bretagne-Eau-Pure

La situation préoccupante de la qualité des eaux en Bretagne (pollutions par les nitrates, le phosphore et les pesticides, pollution bactériologique) liée à l'activité agricole et ses impacts sur l'alimentation en eau potable et le milieu naturel (eutrophisation, ulves, conchyliculture et baignade) ont amené l'Etat et les collectivités locales à lancer en 1990 un premier programme d'action pluriannuel Bretagne Eau Pure (BEP1) assez général (assainissement, PMPOA).

Le second programme (BEP2) couvrant la période 1994-1999 était articulé autour de trois volets :

− des programmes d'actions par petit bassin versant (surface moyenne de l'ordre de 20.000 ha) définis sur la base d'un diagnostic du bassin versant, chiffrés, avec objectif et calendrier, ayant pour objet principal de mobiliser les acteurs locaux (agriculteurs notamment) sur des actions de restauration des ressources captées pour l'alimentation humaine (791 MF sur la période 94-99) ;

− des expérimentations et recherches appliquées destinées à améliorer les pratiques culturales et à comprendre certains mécanismes polluants (48,7 MF) ;

− des actions régionales (4,7 MF), notamment de sensibilisation et de formation.

Le programme global BEP est géré dans le cadre d'une convention de cofinancement et de copilotage passée entre l'Etat, la Région et les quatre Départements (l'agence de l'eau finançant sans avoir signé). Sont notamment prévus :

− un comité d'orientation stratégique, co-présidé par le préfet de région et le président du conseil régional ;

− une cellule placée sous l'autorité des partenaires – notamment l'Etat et la Région - chargée de l'animation du programme, de la coordination de l'activité des groupes de travail, de la mise en cohérence des dossiers et de leur suivi, du bilan du programme ; cette cellule dispose d'un animateur chargé spécifiquement du volet

"pesticides" du programme BEP.

Le programme BEP2 s'est poursuivi en 1999 et 2000, puis une 3ème convention, dite BEP3, couvrant la période 2000-2003 a été signée par les partenaires, y compris cette fois par l'agence de l'eau (rassemblant 109 M€ de cofinancements dont 12 M€ pour l'achèvement de BEP2).

Le dispositif BEP est a été pragmatiquement construit sur des plans d'actions par petit bassin versant avec un objectif bien identifié : en général la restauration des ressources utilisées pour l'alimentation en eau potable.

Les plans d'actions de bassin versant sont préparés sur la base d'un diagnostic global du petit bassin hydrographique : ils prennent en compte les pollutions ponctuelles et diffuses de toutes natures (azote, phosphore, pesticides…) et de toutes origines (domestiques, industrielles, agricoles, SNCF, etc.).

Chaque plan d'actions de bassin versant est élaboré en partenariat avec les différentes catégories d'acteurs du bassin et piloté par un porteur de projet (en général un syndicat intercommunal chargé de la distribution de l'eau potable) qui est maître d'ouvrage des actions d'intérêt commun au bassin (études diagnostic, suivi complémentaire du milieu, prise en charge de l'animateur de bassin, suivi général du

plan). Le plan d'actions fait l'objet d'un contrat de financement entre le porteur de projet et les co-financeurs du programme BEP (Etat, agence de l'eau, région et département).

Chaque plan doit mettre en place un suivi spécifique des actions, des pressions et de la qualité des eaux naturelles.

Selon le responsable de la cellule BEP que la mission a rencontré, en juin 2004, les bassins versants intégrés dans le programme BEP couvrent 37 % de la surface de la région Bretagne et 60 % de l'alimentation en eau potable.

3.2.2.2 Le pilotage stratégique du programme BEP est insuffisant

Le comité de pilotage stratégique rassemblant l'Etat (préfet de région), l'agence de l'eau, les collectivités locales (Région, Départements) a pour fonction de fixer les objectifs du programme BEP et d'en suivre la mise en œuvre et les résultats.

Or, en pratique, le comité d'orientation BEP ne se réunit qu'une fois par an. La synthèse du comité du 19 décembre 2003, valant compte rendu de réunion est éclairante : on n'y voit pas de relevé de décision clair, ni de formulation d'orientation contrairement à ce que prévoit la convention BEP.

La cellule d'animation est livrée à elle-même : ainsi que l'a indiqué à la mission le responsable de la cellule : "BEP a un handicap terrible : il n'y a pas de patron". Les services de l'Etat et la préfete de région reconnaissent cette faiblesse de pilotage.

3.2.2.3 Le programme régional "pesticides" est un volet du programme BEP

C'est lors du programme BEP2 que le problème des pesticides commence à être pris en compte. Une cellule d'orientation régionale pour la protection des eaux contre les pesticides (CORPEP) a été créée en 1990 par le préfet : elle est copilotée par la DRAF et la DIREN. Le SRPV en était l'animateur.

En 1997 la cellule d'animation du programme BEP s'est dotée d'un chargé de mission

"pesticides", l'agent du SRPV (précédemment placé au sein de la CORPEP) étant mis à sa disposition à 70 %.

Dans la région Bretagne, la CORPEP n'est pas, comme dans les autres régions, le comité régional de pilotage du "programme d'actions pesticides" : elle joue essentiellement un rôle de conseil technique ou d'expertise.

La CORPEP est organisée en trois commissions : "eau potable" (animée par la DRASS), "sources de contamination" (SRPV) et "milieu aquatique" (DIREN). Elle consacre son activité à :

− la validation d'outils techniques (charte de désherbage communal, méthode de diagnostic des aires de remplissage et stockage, mécanismes de transfert des pollutions en fonction des caractéristiques du milieu et des pesticides, etc.) ;

− des travaux d'expertise pour le préfet de région ;

− l'information sur actions en cours et leurs résultats.

Le programme régional d'actions "pesticides", y compris son dispositif de suivi de la qualité des eaux, est une composante du programme pluriannuel BEP. Il est piloté par la cellule d'animation BEP et il souffre du défaut de pilotage stratégique constaté pour l'ensemble du programme BEP.

3.2.2.4 Les actions du programme BEP

Le volet "pesticides" du programme BEP repose sur des actions d'information, de formation et de sensibilisation des utilisateurs, notamment des agriculteurs, et la promotion de bonnes pratiques, la convention BEP prévoyant un dispositif d'évaluation.

Sa spécificité, par rapport aux autres régions, est une organisation en programme d'actions par petits bassins versants. Une expérience particulière mérite d'être signalée.

En matière de désherbage du maïs, le programme BEP soutient une action d'amélioration de pratiques reposant sur un diagnostic parcellaire et un classement des molécules par danger croissant :

− les parcelles agricoles sont classées en 3 catégories selon le risque qu'elles présentent pour les eaux (diagnostic réalisé selon une méthodologie définie : pente de la parcelle, éloignement des cours d'eau, etc.) ;

− les herbicides sont répartis en 3 groupes selon le danger pour l'eau (mobilité, persistance..).

Pour chaque parcelle, une "stratégie de désherbage" est définie avec le conseil des prescripteurs. Les pratiques doivent être d'autant moins polluantes que le risque parcellaire est élevé : changement de catégorie de pesticides, utilisation de technique mixte ou alternative, partition des parcelles avec des haies, bandes enherbées…

Cette expérience soulève plusieurs questions :

− les molécules du "groupe 3" (substances mobiles et persistantes considérées comme étant les plus dangereuses), qui étaient les plus utilisées, font désormais l'objet d'interdiction (atrazine, simazine, terbuthylazine...) : le classement des substances a perdu une partie de son utilité ;

− les prescripteurs sont en général des fournisseurs de pesticides (coopératives notamment) : cela peut entraîner des conflits d'intérêt entre le conseil aux bonnes pratiques (réductions de doses et les techniques alternatives) et l'activité commerciale ;

− on peut se demander si le classement des substances en groupes ne privilégie pas le changement de molécules au détriment des techniques alternatives et de la réduction des doses.

Il serait intéressant d'expertiser les résultats obtenus avec une telle méthodologie afin de savoir si elle est utile : peut-on dire par exemple que l'abandon de l'atrazine a précédé son interdiction ? La substitution de molécules ne conduit-elle pas à une contamination des eaux par les nouvelles matières actives utilisées ou leurs métabolites ?

3.2.2.5 L'évaluation des résultats du programme BEP est lacunaire La convention BEP2 prévoit :

− pour chaque plan d'actions de bassin versant, un dispositif d'évaluation permettant de juger de son exécution et de son efficacité,

− un suivi des milieux aquatiques avec mise en place d'une base de données,

− le suivi des pressions humaines : rejets urbains et industriels, activité agricole notamment engrais, pesticides, cheptels, pratiques, etc.

La convention BEP3 renforce les objectifs de suivi et prévoit (page 35) l'utilisation de tableaux de bord selon un cadre minimum dans les bassins versants :

− sur la qualité des eaux ;

− sur les pressions polluantes (rejets, pratiques agricoles, aménagements).

Le dispositif de suivi fait l'objet de financements publics (de l'agence de l'eau notamment). Il concerne en particulier les pesticides.

En la matière, le résultat des actions doit être apprécié par des indicateurs d’utilisation des molécules, ce qui devrait être facilité par la charte des prescripteurs, approuvée en

janvier 2001 par la Région, la chambre régionale d’agriculture et les principaux représentants du secteur coopératif et du négoce.

Le rapport d'activité établi par la cellule d'animation du programme BEP et présenté, en décembre 2003, au comité stratégique, porte sur 44 programmes de bassin versant.

On peut y faire le constat suivant.

En ce qui concerne les utilisations agricoles de pesticides, les indicateurs prévus se limitent à quelques informations sur les moyens mis en œuvre : surfaces des parcelles ayant fait l'objet d'un classement selon le risque pour l'eau ; pourcentage de pulvérisateurs diagnostiqués, en état après diagnostic ; existence de cuves de rinçage et surfaces faisant l'objet de désherbage mixte ou alternatif.

Malgré la signature de la charte des prescripteurs, il n'y a aucun indicateur sur les quantités de pesticides utilisées ou commercialisées.

De plus, les tableaux de bord relatifs aux pratiques agricoles dans les bassins versants ne sont que très incomplètement renseignés, en particulier en ce qui concerne les surfaces faisant l'objet de désherbage mixte ou alternatif. Lorsque cette indication existe on constate que ces techniques ne sont que marginalement utilisées (quelques

"pourcents" au mieux de la SAU) sur l'échantillon des 16 fiches de bassins examinées par la mission.

En matière de pratiques agricoles, le rapport ne fournit aucun indicateur global sur l'ensemble des bassins versants BEP : il se contente de citer des exemples de bassin pour lesquels l'indicateur est rempli ou bien des résultats d'enquête parcellaire.

Le suivi de la contamination des eaux par les pesticides n'est pas satisfaisant.

Ainsi, malgré les financements publics du dispositif de suivi, le bilan 2003 du programme BEP ne fournit pas d'information satisfaisante sur :

l'évolution réelle des pratiques agricoles en matière de pesticides ;

et son impact sur la ressource en eau.