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5. Les ouvrages de références parus en FOU parus en FOU

5.1.3 Langue et intégration : 2010

Paru la même année que l’ouvrage sur l’évaluation, Langue et intégration : dimensions institutionnelles, socio-professionnelle et universitaire contribue à dessiner les contours définitionnels de ce FOU émergeant. Ce livre fait le point sur les populations adultes migrantes dans lesquelles est incluse la population estudiantine. Nous rendons compte ici des seuls articles relatifs aux formations universitaires. Luc Collès et Guillaume Grave-Rousseau proposent un bilan de deux dispositifs didactiques. Ils introduisent le terme de FOA – Français sur Objectif Académique, qui semble plutôt utilisé par les chercheurs de Belgique, et

qui se différencierait du FOU par le fait d’une volonté de prendre en compte non seulement le français nécessaire aux études universitaires, mais aussi celui qui engage l’étudiant comme acteur social, au-delà de la situation d’enseignement/apprentissage. Nous comprenons la nécessité d’élargir le FOU à cette dimension, également abordé par certains didacticiens du FOU, mais nous n’étudierons pas cet aspect, partant du principe qu’il peut-être plus aisément circonscrit et défini comme un FLE réduit à un champ d’action : celui de l’acteur-social étudiant dans son quotidien, et que les dispositifs d’apprentissage actionnels peuvent être utilisés, en procédant à certains ajustements, notamment dans le choix des documents authentiques et des contextes. Ainsi, cet aspect du FOA serait à entendre comme une déclinaison d’un FLE actionnel, mais déjà authentique, dans la mesure où l’acteur social désigné est plus défini que l’acteur social probable du FLE. Cela ne va toutefois pas de soi et la conception d’un tel enseignement mériterait que l’on s’attache à distinguer les traits communs des situations de communication, notamment en référence aux genres de discours.

En effet, les situations de communication relèvent a priori des genres premiers bakhtiniens.

Aussi, paradoxalement, est-on conduit à enseigner un genre non médié dans une situation d’apprentissage médiée : le contexte universitaire, la salle de classe ne permettant pas de faire évoluer l’apprenant dans le contexte de la situation de communication visée. Dans cet article, ce n’est toutefois pas cet aspect du FOA que les auteurs choisissent d’aborder, mais plutôt celui qui concerne les situations d’écrits, un genre donc médié et typiquement universitaire.

Nous retiendrons deux aspects qui nous permettront de définir notre objet : les discours universitaires se caractérisent selon les auteurs par la richesse des relations anaphoriques, l’emploi des déterminants à valeurs générales, et le fait que l’étudiant soit confronté à des termes qu’il connaît, mais qui, dans le contexte du discours universitaire, recouvrent une autre acception. Citant Michèle Verdelhan (2002), les auteurs identifient une liste d’opérations87 : comparer, mesurer, situer dans le temps et dans l’espace, hiérarchiser, quantifier, généraliser, tirer une conclusion, formuler une objection. Ils se prononcent, en outre, pour un enseignement favorisant la construction de compétences linguistiques, textuelles et culturelles, qui permettent de réaliser les opérations suivantes : identifier, mettre en relation et construire des concepts. Les auteurs se situent dans la même perspective que Marie-Christine Pollet (2010, 2012) que son travail sur les littératies universitaire conduit à prôner la construction de savoirs plutôt que celle de micro-habiletés linguistiques. Le second aspect

87 Nous pouvons constater que ces opérations ne sont pas très éloignées des actes de communications que nous avons retenus comme à mobiliser pour répondre au sujet posé par l’exercice qui a permis de constituer notre corpus : cf. 2e partie : 2.2.2.

nourrit la réflexion amorcée sur les discours spécifiques : les auteurs proposent une exploitation de supports « d’intérêt général », (2010 : 178), ce qui pourrait laisser entendre qu’ils souscrivent à cette nécessité de travailler sur des compétences transversales, dénominateur commun de toute formation. Toutefois, ils précisent que ces sujets peuvent, entre autres, résider dans des textes littéraires (2010 : 179), au motif que ces derniers permettent le travail sur le dialogisme discursif, sur l’intertextualité, de l’écriture expansive.

Si l’intérêt général peut consister en des textes favorisant des compétences culturelles, alors il se définit non plus comme pour les certifications et les manuels de FLE sur une absence de connaissance préalable du sujet, mais au contraire sur des connaissances spécifiques, ce qui permet de travailler spécificités d’un discours complexe (médié). Ainsi, le cours de FOA tel que le conçoivent Collès et Grave-Rousseau est-il conçu comme un cours qui ne considère pas le langage comme « un support, un média », mais comme « une interaction entre la langue et le savoir » (2010 : 181).

Jan Goes rejoint les préoccupations de Geneviève Zarate en explorant comment le CECRL a influencé l’apprentissage des langues en passant d’un modèle multilingue à un modèle plurilingue. Si la terminologie est commune à Goes et à Zarate, elle ne fait pas l’objet du même questionnement. Ainsi, Zarate met en question la compatibilité entre le terme multilingue et l’unité nationale telle qu’elle est définie en France, alors que Goes retient que le multilinguisme consiste à considérer les langues séparément dans le « répertoire verbal » (Gumperz, 1964) de l’acteur social, à l’inverse du plurilinguisme, qui favoriserait les interactions entre les langues de l’apprenant. Toujours dans la perspective de Zarate considérant la difficulté de la prise en compte des éléments culturels dans l’évaluation, Goes constate que cette dimension est très fréquemment évacuée « en vertu du principe d’équité » (2010 : 214). Cela rejoint notre analyse des certifications qui procèdent non seulement à l’évacuation des éléments culturels, mais aussi, de toute connaissance spécifique. Marc Debono, dont le sujet de recherche est le français juridique, renoue avec la problématique des connaissances spécifiques en soumettant la question suivante : du français juridique pour tous est-il souhaitable (2010 : 390) ? Partant du principe que la comparaison (ici entre le système juridique du pays des étudiants et celui de la France) a une « fonction intégrative » (2010 : 388), permettant à la fois l’intégration et aussi bien la compréhension du nouveau système que celle du sien propre, Debono considère que l’enseignement du français juridique est une manière de travailler à la fois sur la dimension universitaire et sur celle de « citoyen provisoire » qu’est l’étudiant allophone (2010 : 393), une sorte de pont, en somme, entre ce que Collès et Grave-Rousseau distinguait comme éléments constitutifs du FOA : interactions

quotidiennes et enseignement/apprentissage universitaire.

Si la ligne directrice de cet ouvrage consiste en l’analyse des enjeux des migrations adultes, quelques articles s’avèrent toutefois importants pour définir le FOU : un travail universitaire se devant d’intégrer des connaissances spécifiques, des directions quant aux faits de langues caractéristiques des discours universitaires, impliquant la construction de connaissance plutôt que celle de micro-habiletés, et une réflexion sur la relation entre le CECRL, la dimension culturelle, d’une part, et d’autre part une réflexion sur la relation langue/culture en FOU, et plus spécifiquement dans l’évaluation. Si ces questionnements ne trouvent pas toujours de réponse, au moins, émergent-ils et amorcent-ils un contrepoint à la posture dessinée partiellement dans les deux ouvrages précédant prônant un FOU transversal, exempt de toute connaissance spécifique, de tout élément de culture, calqué sur le CECRL, à peine aménagé.