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1 Modalités de constitution du corpus

1.3 Choix du sujet proposé pour constituer le corpus constituer le corpus

1.3.2 Conditions de production

Les étudiants ont tous composé dans les mêmes conditions : sur table, sans document et en 45 minutes. Un biais éventuel à la lisibilité des résultats pourrait être le fait que nous ayons utilisé ce sujet pour une évaluation diagnostique en ce qui concerne les étudiants allophones, alors que nous avons dû exposer aux Français la raison pour laquelle nous leur demandions de faire ce travail, et que seuls les volontaires ont composé.

Par ailleurs, avant d’entrer dans la formulation d’hypothèses plus spécifiques, nous avons reproduit ci-dessous deux productions d’un étudiant de ETR et d’un étudiant de FR sous leur forme originale, à savoir, avant qu’elles ne soient mises sous un format compatible avec leur exploitation par le logiciel Antconc, logiciel que nous avons choisi pour l’exploitation des données.

Ceci pour illustrer notre propos et pour montrer les différences en matière de culture universitaire que l’on peut immédiatement appréhender avant même d’entrer dans une lecture linéaire des productions des étudiants.

La première production est une production issue du corpus ETR.

FIG. n°18 : exemple de copie du corpus ETR : (37) pour une représentation spatiale

On peut constater une structuration spatiale de la copie qui est composée de trois blocs constitués ainsi : « on peut s’imaginer (…) culture », « Selon moi (…) etc », et « En effait (…) les autres ». Ces trois unités se distinguent par un retour à la ligne, surtout marqué entre le 1er et le 2e bloc du fait qu’un seul mot apparaisse sur la dernière ligne du premier bloc.

Ces unités correspondent à des unités de sens : la première unité contextualisant la problématique de la langue commune et de la diversité linguistique par l’apport d’une connaissance sur le sujet102 : les humains auraient partagé une langue commune. C’est en quelque sorte le mythe de Babel qui est ici posé comme connaissance attestée sur le sujet. La seconde unité consiste en une prise de position sur la nécessité d’une diversité linguistique posée implicitement comme existant aujourd’hui. La position de l’étudiant consiste à défendre la nécessité d’une diversité linguistique consubstantielle à une diversité culturelle à l’intérieur et entre les pays. La troisième unité présente la situation actuelle d’un monde dans lequel coexistent une diversité linguistique et une langue commune : l’anglais. L’étudiant prend également position à la faveur de cette lingua franca permettant la mobilité et la communication entre les individus de langue différente.

Cette copie est donc bien structurée, selon un ordre cohérent et qui répond bien au sujet.

Toutefois, elle ne correspond pas à une structuration argumentée à la française qui implique des paragraphes séparés par une ligne entre l’introduction et le développement, comme entre le développement et la conclusion, ainsi qu’un alinéa au début de chaque paragraphe.

L’analyse des contenus des trois unités qui la composent permet également de constater que le premier bloc peut éventuellement faire fonction d’introduction : resituer le sujet dans un cadre plus vaste, mais, selon les codes académiques à la française, il manque deux éléments : la constater une bonne connaissance de l’étudiant des littéracies universitaires, ce qui nous fait pencher pour un manque de temps.

102 On notera à cet égard que la source n’est pas explicitement citée : selon une théorieofficielle.

103 On peut remarquer que l’étudiant se positionne de manière efficiente et qu’il dépasse la contradiction posée par le sujet opposant langue commune et diversité linguistique pour affirmer qu’il existe aujourd’hui une coexistence de l’anglais comme langue commune et avec une diversité linguistique, et que cette coexistence permet de préserver la diversité linguistico-culturelle et de communiquer. Nous aurons l’occasion de revenir sur cette posture que nous avons posée comme plutôt présente dans la production des francophones. Cette copie est donc un élément qui invalide cette hypothèse et qui montre par ailleurs une bonne acculturation aux littéracies universitaires chez cet étudiant.

La graphie permet enfin au correcteur de comprendre immédiatement que l’étudiant-scripteur a appris à écrire une autre langue que le français. En l’occurrence, on peut identifier la graphie des étudiants russes ou du moins maîtrisant l’alphabet cyrillique. Cette dernière remarque permet à l’enseignant-correcteur d’être particulièrement attentif à des traces de la langue maternelle, très probablement le russe, dans la production de l’étudiant.

On constate donc que cette production se donne immédiatement à voir comme une production d’étudiant allophone, la graphie et la structuration du texte en trois unités distinctes, conformes à des unités sémantiques nous permettent toutefois de dire également que cette étudiante est familiarisée avec des normes académiques, mais que ces normes diffèrent des normes à la française.

En guise de comparaison, nous avons reproduit ci-dessous la copie d’un étudiant francophone.

FIG. n°19 : exemple de copie du corpus FR : (11) pour une représentation spatiale

On peut constater que le texte se compose de 5 unités : la population [] modalités, au niveau

[] essentiel, par ailleurs [] planète, enfin [] monde et pour conclure [] voisins, chacune distincte de l’autre par un retour à la ligne et un alinéa. Dans cette copie, on constate qu’il n’y a pas non plus de saut de ligne, comme cela est normalement induit par les codes académiques, entre l’introduction et le développement et entre le développement et la conclusion. La première unité est clairement identifiable comme une introduction comportant les trois éléments attendus : amorce : ici La population [] contraignant, une annonce de la problématique : Nous pouvons donc être amenés à nous demander [] langue unique, et l’annonce du plan : Nous verrons d’abord [] modalités.

Les unités 2, 3 et 4 correspondent respectivement aux trois parties annoncées en introduction : en quoi la pluralité des langues est importante ? , l’intérêt d’une langue commune , les modalités de l’instauration d’une langue commune, répondant bien à la problématique identifiée. La 5e unité est identifiable comme une conclusion : les premiers mots du paragraphe le soulignent explicitement pour conclure.

On peut donc constater que cette seconde copie répond en tout point aux normes académiques à la française – hormis peut-être le fait que l’introduction et la conclusion ne soient pas séparées par une ligne blanche – À l’inverse de la précédente copie, l’introduction comporte bien une problématique et une annonce de plan qui correspond fidèlement aux parties proposées en développement. La conclusion est présente et clôt le devoir, conformément aux attentes induites par le genre. Toutefois, si l’on observe la longueur de chacune des parties, on perçoit un déséquilibre au sein du développement. En effet, la 1re partie est aussi longue que les deux suivantes, ce qui, même sans entrer dans la lecture linéaire du texte, permet déjà de mettre en question la pertinence du plan. De plus, si l’on se repère indéniablement très facilement dans cette copie qui respecte les codes d’une production argumentée à la française, la problématique posée nous fait penser que le niveau de réflexion risque d’être limité à une vision dichotomique qui ne dépasse pas l’opposition entre diversité linguistique et langue commune induite par le sujet.

Pour résumer la comparaison des deux copies, on peut donc dire que la première montre une acculturation certaine aux littéracies universitaires, et une certaine maîtrise du mode de pensée et des facultés cognitives appréciées par un tel exercice – notamment dans la manière dont le sujet a été traité : le dépassement de la contradiction entre langue commune et diversité linguistique témoignant d’une capacité à résoudre une contradiction apparente présente dans un sujet argumentatif. Toutefois, on a pu observer une méconnaissance des spécificités françaises de cet exercice. En outre, la longueur de la production, comme le fait qu’elle ne soit pas terminée, révèle une maîtrise de la langue encore insuffisante pour répondre aux exigences de ce type d’exercice en français, du moins en temps limité et sans document. La seconde copie témoigne en revanche d’une très bonne maîtrise de la spécificité française du genre et de ses codes formels en général. Toutefois, le déséquilibre constaté entre les parties, l’incapacité à dépasser la contradiction du sujet laissant présager d’une maîtrise encore fragile du genre et permet d’imaginer que cet étudiant se trouve en début de cursus universitaire. On voit, même sans lire l’ensemble du texte, que la longueur de la production la qualité d’expression et la capacité à structurer une telle production, témoignent toutefois d’une bonne maîtrise du genre, mais à un niveau débutant dans le cursus universitaire.

Cet exemple fondé sur la comparaison de deux productions montre donc combien il est possible de réunir de nombreux éléments révélant la compétence de l’étudiant, sans même entrer dans la lecture linéaire de sa production, et combien les indices identifiables au niveau macro sont précieux pour cette première lecture.

2. Hypothèses sur la base des 5