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5. Les ouvrages de références parus en FOU parus en FOU

5.1.1 Le colloque de l’ADCUEFE : 2007

Les actes du colloque de 2007 sont avant tout révélateurs d’une double prise de conscience : il existe des enjeux de formation spécifiques au public étudiant, ces enjeux le différencie d’un autre public d’apprenants allophones. Quatre contributions présentent ce besoin spécifique et proposent des directions que nous nous proposons de discuter. Christelle Cavalla et Catherine Carras (2009 : 65) font état du « Développement d’outils pour le suivi linguistique des apprenants dans les universités grenobloises ». Il s’agit d’outils conçus lorsque l’on a identifié une lacune rédactionnelle des étudiants qui apparaissait les plus souvent « en fin de parcours, lors de la passation des examens ou de la rédaction du mémoire ». (2009: 63). Cette lacune démontrait soit une inadéquation de la formation de FLE aux objectifs universitaires, soit une mauvaise orientation des étudiants allophones, admis dans les UFR sans avoir le niveau requis, leurs difficultés se révélant de manière indubitable lors de la rédaction du mémoire de recherche.

Jean-Marc Mangiante, propose un « référentiel de formation linguistique pour les étudiants étrangers à partir de la construction de corpus professionnels » dans le « but recherché [...]

d’élaborer un référentiel de formation dont l’objectif est l’intégration universitaire des

86 Hautes études et recherches pour les apprentissages dans les Centres de Langues de l’Enseignement supérieur.

étudiants étrangers réalisée à partir de l’analyse des situations d’enseignement universitaire auxquelles ils sont confrontés » (Mangiante, 2009 : 18). Si nous souscrivons à l’objectif de travailler spécifiquement les situations d’enseignement, consistant à faire entrer explicitement les connaissances non adaptatives dans l’enseignement du FLE, nous considérons toutefois que l’analyse de ces situations revient à considérer la situation d’enseignement comme une parmi d’autres dans la vie d’un acteur social-étudiant. Si cette analyse n’est pas accompagnée d’une visée de formation aux savoirs et aux savoir-faire, on risque fort de ne donner aucun élément substantiel à l’étudiant et de tomber dans l’écueil de la transversalité. Emilia Hilgert (2010 : 52) rapporte l’analyse de Mangiante et Parpette (2004 : 16)Qui montre que le cas des étudiants allophones faisant des études dans des universités francophones relève typiquement du FOS (Français sur Objectifs Spécifiques).C’est, d’après nous, l’écueil de la définition du FOU telle qu’elle se dessine dans ce colloque : ce n’est pas un français de spécialité, parce qu’il n’a pas le contenu d’une seule spécialité, mais de plusieurs.

Une troisième intervention, celle d’Emilia Hilgert considère que le FOU « est amené à traiter en priorité la forme et les procédures, que ce soit dans la compréhension, surtout orale, ou dans l’expression, surtout écrite, l’objectif général étant le comment : comment prendre des notes, comment rédiger, comment faire » (Hilgert, 2010 : 52). Cela conduit à évacuer les connaissances spécifiques. En outre, le FOU ainsi défini devient une déclinaison du FLE

« tout public » restreint au champ universitaire, et présente le même problème : celui des compétences transversales. Ces deux approches vident l’apprentissage de ses contenus , ce qui rend l’acquisition de la langue artificielle. Cela limite le comment à des modalités formelles témoignant des dangers d’une trop grande généralisation comme de ceux d’une application de règles plaquées sur le propos. réduisant les enjeux au plus petit dénominateur commun, ou évacuant les contenus de l’apprentissage, ce qui rend l’acquisition de la langue artificielle et réduit le comment à des modalités formelles témoignant du problème d’une trop grande généralité comme de celui d’une application de règles qui ne sont pas véritablement articulées avec le propos.

Dans sa contribution, « Notion de progression et cadre européen commun de référence : réflexions pour une approche curriculaire multidimensionnelle », Marilu Soria rappelle qu’« il est important de considérer la diversité, non seulement de(s) langues et cultures d’origine (des étudiants), mais aussi, et surtout, de leurs cultures d’apprentissage qui, bien souvent, entrent en conflit avec les cultures d’enseignement qu’ils peuvent trouver en arrivant en France » (2010 : 31). Cela nous semble tout à fait juste, mais implique, d’abord et avant tout, de parvenir à définir la culture d’apprentissage française, ses enjeux, ses objectifs et de les

évaluer à l’aune des cultures d’apprentissages des étudiants allophones. La proposition de

« construire une approche multidimensionnelle (…) intégrant les données du Cadre Européen Commun de Référence pour les langues » (2009: 31) apparaît, de plus, en contradiction avec la volonté de prise en compte des cultures éducatives, dans la mesure où le CECRL est, nous l’avons vu précédemment, conçu pour un public européen. En outre, Soria propose de passer d’« un syllabus communicationnel lié à l’enseignement/apprentissage du français général » à

« un syllabus universitaire à visée méthodologique. » (2009 : 35) Cette proposition pose de notre point de vue deux problèmes : celui de la nécessité de prendre pour fondement de l’apprentissage une forme de FLE qui serait plus générale que les objectifs du FOU, et celui de réserver la dimension communicationnelle à la sphère du FLE. Enfin, réduire le FOU à une seule visée méthodologique nous semble problématique, dans le sens où l’écueil de l’évacuation des connaissances spécifiques se fait au profit d’une « méthode transversale », qui ne nous semble pas opérante pour construire des compétences universitaires. De plus, dans sa contribution « Quand le FOS vire au FOU », Emilia Hilgert considère que le FOU

« provoque un certain effacement du contenu qui est donné par la discipline ». (2007: 52), ce qui nous semble effectivement juste, selon la définition du FOU donnée par Soria à la suite de Mangiante et Parpette. Toutefois, il nous semble que cet écueil pourrait être évité si, au contraire, le FOU était construit à partir de contenus disciplinaires, quelle que soit la discipline. À partir de contenus spécifiques, il nous semble envisageable de considérer la langue et son acquisition comme objet central de l’apprentissage et tenir ces deux fils pour la conception d’un enseignement de FOU. Ainsi, l’enseignant de FOU prendrait-il pour objet bien davantage qu’un enseignement de la langue, décontextualisé de tout usage – écueil du FLE « tout public ». Cependant, il ne s’attacherait pas pour autant aux seuls aspects méthodologiques, ce qui, sans prise en compte de connaissances spécifique, conduit de facto à ne proposer qu’une réflexion superficielle et induit des productions qui le sont tout autant.

L’analyse que fait Emilia Hilgert illustre d’ailleurs notre position. Partant du constat que le CECRL est trop généraliste pour répondre à des enjeux propres à la formation universitaire française, elle souligne la difficulté d’en faire un référentiel pour le FOU : « Ce degré de neutralité et de généralité s’explique certainement par le principe avoué du CECR et de son Manuel de standardiser les examens de langues au niveau européen » (2009 : 53). Elle décrit ensuite les processus d’enseignement mis en œuvre pour répondre à ces besoins méthodologiques spécifiques. Dans ce cadre, elle constate un semi-échec de cet enseignement et en montre clairement les limites par un exemple de production d’étudiant à qui il était demandé de rédiger une introduction pour une dissertation :

D’abord, nous analyserons notre société pour trouver des arguments qui soutiennent la thèse de Jean Rostand. Nous verrons ensuite que différents faits nient l’existence de cette évolution. Pour conclure, je tenterai de réconcilier les deux points de vue pour être capable de donner une réponse aussi complète que possible à la problématique donnée.

Nous partageons entièrement le constat de Hilgert selon lequel « tout est ‘morphologie’ de l’introduction de la même façon que l’on parle de la morphologie du conte » (2009 : 57).

Toutefois, il est impossible d’inférer même le sujet ou ce à quoi il a trait en lisant cette annonce de plan. Cela illustre bien le problème d’une « méthodologie transversale » évacuant toute connaissance spécifique. En outre, Hilgert souligne : « C’est vide d’idées, mais en même temps, l’étudiant a un vocabulaire universitaire adapté. Heureusement, la suite montre qu’il a aussi des idées, mais les prescriptions professorales ont été les plus fortes ». (2009 : 56) Cela montre précisément la disjonction entre les aptitudes de l’étudiant et la prescription de l’enseignant, qui paradoxalement, évacue ces aptitudes, et fait produire à l’étudiant, un discours inadapté. En dernier lieu, Hilgert s’interroge sur la possibilité de remédier après-coup à cette dérive méthodologique : « Cette procédure enrichie par le contenu de la spécialité permettra-t-elle à l’étudiant de s’affranchir du métalangage tout en effectuant les opérations correspondant à une bonne introduction ? » (2009 : 57). L’enseignement conjoint de la langue et des connaissances spécifiques nous semble donc un élément déterminant pour aborder le FOU. En effet, les tentatives de procéder à une dissociation des deux se sont toujours, à notre connaissance, révélées infructueuses.

Hilgert se pose la question d’un « retour à un type de lexique qui est lui aussi de type quasi procédural » (2009 : 59). De fait, Cavalla et Carras en développant des outils pour le suivi linguistique des étudiants allophones ont porté leur attention sur la conception d’outils pour la rédaction universitaire scientifique. Elles ont identifié le besoin d’une phraséologie spécifique aux écrits universitaires scientifiques (2009 : 64). Cela rejoint le constat d’Hilgert d’un besoin de lexique adéquat, mais aussi, d’une maîtrise des collocations référant à ce champ rédactionnel, comme des constructions spécifiques. Les notions de « lexique quasi procédural », de phraséologie, nous semblent des pistes intéressantes, non pour un enseignement du lexique pour lui-même, de même que l’on a pu voir des enseignements de méthodologie s’affranchir des connaissances spécifiques, mais pour construire un référentiel de faits de langues, intégrant lexique et morpho-syntaxe pour l’enseignement de la langue.

Les travaux de Culioli – en ce qu’ils soulignent la nécessaire interaction entre syntaxe, sémantique, prosodie – comme ceux des grammairiens de construction (et notamment ceux de Dominique Legallois sur les motifs) permettraient ainsi de reconsidérer l’enseignement du

FOU à l’aune des théories linguistiques. Afin de définir ce lexique procédural, de l’identifier, les travaux de Legallois sur le nom sous-spécifié (Legallois, 2008) pourraient également être une direction possible. Enfin, le constat E. Hilgert conclue au semi-échec du dispositif d’enseignement en estimant que « le savoir est tout entier dépendant du discours qui l’exprime » (2007 : 52). Ce constat souligne bien la nécessité de proposer un autre FOU. Ce FOU devrait prendre en compte les compétences des étudiants, en tant qu’acteurs sociaux ayant déjà une formation d’études dans leur spécialité, et d’interroger sur la définition d’objectifs de formations universitaires, quelle que soit la spécialité.

Le colloque de 2007 met en évidence ce besoin de concevoir un enseignement universitaire en langue française à destination des étudiants allophones. Les propositions qui sont faites convergent vers un enseignement transversal. Toutefois, cette tendance peut conduire à l’évacuation des connaissances spécifiques et reproduire paradoxalement l’approche du FLE proposé par les méthodes et les certifications. Tous les contributeurs de ces actes de colloques ne souscrivent pas à cette approche, et nous observons les premières propositions de FOU dans le sens d’un enseignement conjoint de la langue et des contenus disciplinaires, que nous proposons de compléter par une approche réflexive de l’apprentissage, permettant l’accès aux enjeux de sa propre discipline dans la langue étrangère étudiée.