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V) Le diabète de type

2) La souris NOD, modèle murin de diabète de type

a) Généralités

La souris NOD développe spontanément un diabète de type 1 avec des caractéristiques proches de la pathologie humaine. Développée à partir d’une souche de souris sensible à la cataracte, la souris NOD développe une insulite précoce, visible histologiquement à partir de 4 semaines d’âge, qui évolue au cours du temps vers un Dt1 à environ 12 à 14 semaines d’âge (Kikutani and Makino, 1992; Makino et al., 1980). L’incidence de la pathologie varie d’un élevage à l’autre mais est d’environ 60 à 80% chez la femelle et environ 20% chez le mâle. La pathologie est caractérisée par une destruction des cellules β des îlots de Langerhans par les LT CD4 et CD8 avec un rôle fondamental des LT CD4. L’arrêt de la production d’insuline entraîne une hyperglycémie à l’origine de plusieurs symptômes visibles comme une glycosurie, une hypercholestérolémie, une

perte de poids et une polyurie associée à une polydipsie.

L’analyse génétique de la souris NOD révèle qu’elle présente au moins une trentaine de polymorphismes associés au développement de la pathologie (Driver et al., 2011). Parmi ceux-ci, le plus important en termes de poids dans la susceptibilité à la pathologie est l’allèle de CHM-II I-Ag7 (Hattori et al., 1986; Prochazka et al., 1987). Cet allèle code pour

la seule molécule de CMH-II exprimée par les souris NOD qui sont par ailleurs déficientes pour le CMH-II I-E. Cet allèle est l’équivalent murin de l’allèle DQ8 humain. Comme chez l’Homme, un polymorphisme du gène codant pour la molécule immunorégulatrice CTLA4 est associé à la pathologie chez la souris NOD (Ueda et al., 2003). Ce polymorphisme est associé à un défaut d’épissage de l’ARN messager qui entraîne une diminution de l’expression de CTLA4 chez la souris NOD. Cette diminution peut être associée à un défaut des mécanismes de tolérance en périphérie. De plus, chez la souris NOD, la déficience en CD28, entraîne une exacerbation du Dt1 (Lenschow et al., 1996). L’injection d’une protéine de fusion CTLA4-Ig, qui inhibe la costimulation par CD28, exacerbe également le Dt1 chez la souris NOD (Lenschow et al., 1996; Salomon et al., 2000). Enfin, la déficience en CD80/86, les ligands de CD28, exacerbe également la maladie chez la souris NOD (Lenschow et al., 1996; Salomon et al., 2000). Cette pathologie exacerbée corrèle avec une forte diminution de la fréquence des Tregs chez les souris NOD déficiente en CD28, en CD80/86 ou ayant reçu une injection de CTLA4-Ig. Toutes ces données indiquent que les mécanismes de costimulation sont nécessaires au développement des Tregs qui contrôlent le Dt1 chez la souris NOD. La souris NOD présente également un polymorphisme dans le locus du gène codant pour l’IL2 (Denny et al., 1997; Lyons et al., 2000; Wicker et al., 1994). Les souris porteurs de l’allèle correspondant produisent moins d’IL-2 et chez la souris NOD, la perte d’un seul allèle accélère le développement de la pathologie (Yamanouchi et al., 2007). L’IL-2 étant fondamentale dans le développement et la fonctionnalité des Treg, ces données suggèrent que chez la souris NOD, la moindre production d’IL-2 par l’allèle muté pourrait avoir un impact négatif sur les mécanismes de tolérance dominante.

Comme chez l’Homme, l’environnement joue également un rôle important dans le développement du Dt1 chez la souris NOD. En particulier, l’infection non létale des souris prédiabétiques par des pathogènes d’origine virale ou bactérienne prévient

l’apparition du Dt1 (Oldstone, 1988; Zaccone et al., 2004). Plus récemment, un effet protecteur du microbiome intestinal en interaction avec le système immunitaire inné a été démontré (Wen et al., 2008).

b) Le CHM-II I-Ag7

La molécule I-Ag7 est composée de la même chaîne α que la molécule I-Ad. En revanche,

la chaîne β comporte plusieurs substitutions au niveau de l’hélice du sillon peptidique (Acha-Orbea and McDevitt, 1987). Ainsi, la proline en β56 (β56Pro) et l’acide aspartique en β57 (β57Asp) de la chaîne β de I-Ad sont substitués par une histidine (β56His) et une

serine (β57Ser) respectivement. En particulier, la substitution β57Asp en β57Ser est le facteur déterminant dans la susceptibilité au Dt1 induite par I-Ag7. En effet, les souris

NOD transgéniques pour une molécule de CMH-II β57Asp sont totalement protégées du Dt1 (Lund et al., 1990). La présence en β57 d’un résidu différent de l’acide aspartique est également chez l’Homme la caractéristique à l’origine de la susceptibilité au Dt1 induite par l’allèle DQ8.

Les peptides associés aux molécules de CMH-II sont ancrés dans le sillon peptidique à des positions bien définies. Le premier aa du coté amino-terminal du peptide dans le sillon définit la position 1 (P1) et les suivants sont nommés à partir de cette position P1. Ainsi, dans les molécules de CMH-II I-Ad, I-Ak et I-Ag7, les résidus P1, P4, P6, P7 et P9 sont

ancrés dans le sillon peptidique dans des structures appelées poches P1, P4, P6, P7 et P9 respectivement. Des études cristallographiques ont montré que, alors que dans les autres molécules de CMH-II, β57Asp formait un pont salin avec un résidu arginine en position α76 (α76Arg) pour former la poche P9, la substitution β57Ser dans la molécule I-Ag7 formait un pont dihydrogène avec α76Arg par l’intermédiaire d’une molécule d’eau

(Corper et al., 2000; Fremont et al., 1998; Latek et al., 2000; Scott et al., 1998). Le résidu α76Arg interagit également avec une leucine en β53 (Corper et al., 2000; Latek et al., 2000). De plus, à la position β56 la substitution d’une proline, un aa formant des coudes dans la structure des protéines, par une histidine, perturbe la conformation en hélice du sillon peptidique. Toutes ces modifications font que la poche P9 de I-Ag7 n’est pas

I-Ag7 présente également une substitution d’une proline par une thréonine en position

β85 comparativement à I-Ad. Ainsi, alors que dans la molécule I-Ad, l’isoleucine en

position α52 forme une liaison hydrophobe avec β85Pro pour fermer la poche P1, dans la molécule I-Ag7, cette même α52Ile forme une liaison hydrophobe avec β85Thr et β88

Pro créant ainsi une ouverture beaucoup plus large de la poche P1(Latek et al., 2000). L’α52Ile interagissant préférentiellement avec des résidus basiques du peptide associé à la molécule de CMH-II, cette large ouverture induit une plus forte exposition de la poche P1 à des solvants.

Ainsi, aux deux extrémités du sillon peptidique de I-Ag7, les poches P1 et P9 sont

largement ouvertes perturbant ainsi le bon ancrage des peptides à ces positions. De fait, la molécule de CMH-II I-Ag7 est relativement peu efficace pour lier des peptides dans son

sillon du fait de ces particularités structurales (Carrasco-Marin et al., 1996; Peterson and Sant, 1998). Ainsi, la poche P9 de I-Ag7, lie préférentiellement des résidus P9 acides

(Corper et al., 2000; Stratmann et al., 2000). De plus, des résidus acides en position 10 et 11 du peptide, c’est-à-dire des résidus carboxyterminaux flanquant dépassant du sillon peptidique, peuvent interagir avec l’α76Arg ce qui n’est pas le cas dans la molécule I-Ad

(Corper et al., 2000; Suri et al., 2002). La présence de ces résidus flanquant acide augmente considérablement la liaison des peptides sur I-Ag7. Des expériences d’élution

de peptides synthétiques ou naturellement produit associés au CMH-II ont montré que le répertoire de peptide présentés par I-Ag7 est différent de celui présenté par I-Ad avec

un biais vers des peptides ayant des résidus acides du coté carboxyterminal (Münz et al., 2002). Ce biais est aboli si les résidus β56His et β57Ser sont remplacés par β56Pro et β57Asp (Suri et al., 2002). Des expériences d’élution de peptides présentés par le CMH-II humain DQ8 ont montré les mêmes particularités et le même biais vers des peptides ayant des résidus acides du coté carboxyterminal (Suri et al., 2005).

Le registre d’ancrage d’un peptide défini les aa du peptide qui interagissent avec les points d’ancrage dans le sillon de la molécule de CMH. Il est connu que certains peptides peuvent se lier dans le sillon du CMH-II dans plusieurs registres, c’est-à-dire qu’un même peptide peut se lier de plusieurs manières dans le sillon peptidique avec différents ancrages possibles (Bankovich and Garcia, 2003). Du fait de ses particularités

structurales, la molécule de CMH-II I-Ag7 lie faiblement les peptides et semble donc

particulièrement favorable à ces changements de registre. Le groupe de Kappler et le groupe de Unanue ont étudié le registre de liaison de l’épitope immunodominant de l’insuline, B9:23. En utilisant des peptides altérés de l’insuline afin de fixer les différents registres, le groupe de Kappler a montré que le peptide lié dans un registre B14:22 était le plus immunogène et que des cellules T spécifiques de ce registre étaient retrouvées dans le pancréas de souris NOD prédiabétiques (Crawford et al., 2011; Stadinski et al., 2010b). De plus, l’induction d’une tolérance vis-à-vis de ce registre particulier réduit l’incidence de Dt1 chez les souris NOD (Zhang et al., 2011).

En comparaison, les travaux du groupe de Unanue ont identifiés le registre B12:20 comme étant impliqué dans la réponse T diabétogène (Levisetti et al., 2007). Ils ont également identifié un second registre, B11:21 moins immunogène. Les deux registres sont reconnus par des LT CD4 différents (Mohan et al., 2010; Mohan et al., 2011). Les LT CD4 de type A répondent in vitro à l’insuline sous forme protéique et au peptide B9:23 ainsi qu’au registre B11:21. Les LT CD4 de type B répondent au peptide B9:23 et au registre B12:20 mais pas à la protéine. En revanche, la stimulation des LT CD4 de type B par des DC chargés avec des extraits d’îlots de Langerhans ou avec des granules de sécrétion de cellules β, qui contiennent de grandes quantités d’insuline, induit une forte réponse des cellules T. Ce résultat suggère que les conditions dans lesquels l’insuline est fournie aux DC pour être présenté influence le registre de liaison du peptide. Finalement, les cellules portant un TCR de type B spécifique de l’insuline peuvent échapper à la sélection négative dans le thymus et infiltrer les îlots de Langerhans où elles sont retrouvés en contact étroit avec des APC (Mohan et al., 2013). Ces cellules induisent un diabète rapide et sont activées localement dans le pancréas et non dans les ganglions lymphatiques pancréatiques.

Les auteurs des deux groupes déclarent que le registre pathogène se lie avec une faible affinité pour la molécule I-Ag7. Ainsi, dans le thymus, la quantité d’insuline produite

serait trop faible pour induire la liaison de l’épitope de l’insuline dans ce registre. Ainsi, les thymocytes spécifiques de ce registre ne rencontrant pas leur antigène passeraient l’étape de sélection négative. Dans le pancréas, la quantité d’insuline est bien plus importante ce qui pourrait favoriser la formation de complexes pCMH avec le registre

pathogène par les APC locales. Ainsi, les LT CD4 spécifiques de ce registre, non éliminées dans le thymus, pourraient s’activer en périphérie et induire le développement du Dt1.