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IV) Réponse immunitaire et tolérance périphérique

2) Activation et différenciation des lymphocytes T effecteurs

Les thymocytes SP qui ont passé l’étape de sélection négative quittent le thymus pour venir enrichir le compartiment lymphocytaire T périphérique. Au moyen des réseaux sanguins et lymphatiques, les LTs vont circuler à travers l’organisme et passer dans les organes lymphoïdes secondaires, la rate et les ganglions lymphatiques. Là, des APCs présentent des antigènes capturés dans les tissus ou transportés par la lymphe jusqu’aux APCs résidentes de l’organe lymphoïde. Les LT qui pénètrent dans l’organe lymphoïde établissent des contacts entre leur TCR et les complexes pCMH exprimés à la surface des APCs. Si cette interaction est spécifique, le LT pourra s’activer.

Trois signaux sont nécessaires à l’activation des LTs dans les organes lymphoides secondaires. Premièrement, le TCR du LT doit engager spécifiquement un complexe

pCMH dont il est spécifique et transduire le signal via le complexe CD3. Le deuxième signal est la costimulation. La molécule CD28 à la surface des LTs doit engager une molécule de costimulation CD80 ou CD86 à la surface de l’APCs. En l’absence de ce signal de costimulation, le LTs ne s’active pas et va entrer dans un état d’anergie. Il ne pourra plus être activé même en cas de rencontre ultérieure avec l’antigène dont son TCR est spécifique. Le troisième signal est la signalisation induite par des cytokines produites par les APC ou présentes dans le milieu lui-même.

En fonction des signaux reçus, le LT s’engage dans un lignage effecteur qui est défini par l’expression de facteurs de transcription spécifiques et la production d’un ensemble de cytokines associées à ce lignage. Pour les LT CD4, ces lignages sont appelés « helper » (Th) (Figure 15). Pour les LT CD8, ces lignages sont appelés « cytotoxiques » Tc.

a) La réponse effectrice T CD4

Figure 15 : Différenciation des cellules T CD4 effectrices et régulatrices en périphérie

Les différents lignages T CD4 sont représentés avec les cytokines induisant ces lignages, les principaux facteurs intracellulaires de différenciation, les principales cytokines produites ainsi que les principales fonctions de ces lignages. Adapté de (Nurieva and Chung, 2010)

- Lignage Th1

En 1986, le groupe de Coffman a défini deux lignages, Th1 et Th2, qui se différencient à partir des LT CD4 après activation et sont caractérisés par des profils cytokiniques propres (Mosmann et al., 1986). Les cellules Th1 sont classiquement associées à la réponse immunitaire contre les pathogènes intracellulaires de type bactériens, viraux ou parasitaires (Hsieh et al., 1993; Szabo et al., 2003). Plusieurs études ont également associé les cellules Th1 au développement de pathologies autoimmunes comme le diabète de type 1 ou la sclérose en plaques bien que ces associations aient souvent été remises en question.

Le choix du lignage Th1 est induit par l’IL-12 qui est suffisante à induire cette différenciation (Hsieh et al., 1993). Via son récepteur (IL-12R), l’IL-12 produite par les DC induit l’activation du transducteur de signal et activateur de transcription (STAT) 4 qui induit la production d’interféron (IFN) γ (Carter and Murphy, 1999; Jacobson et al., 1995). STAT4 induit également l’expression du récepteur à l’IL-18 (IL-18R) qui, suite à la liaison de l’IL-18 présente dans le milieu, amplifie la production d’IFNγ (Robinson et al., 1997; Yoshimoto et al., 1998). L’IFNγ agit de façon autocrine pour induire l’activation de STAT1 qui induit l’expression du facteur de transcription T-bet (Szabo et al., 2000). Ce facteur de transcription défini le lignage Th1. Il induit l’augmentation de l’expression de l’IL-12R et de l’IFNγ (Mullen et al., 2001; Szabo et al., 1997). Ainsi se forme une boucle d’amplification de la différenciation Th1. T-bet réprime également l’expression de GATA3 et de l’IL-4 qui sont respectivement le facteur de transcription et la cytokine spécifiques du lignage Th2 (Djuretic et al., 2007; Hwang et al., 2005).

Les Th1 produisent diverses cytokines dont l’IFNγ, l’IL-2 et les facteurs nécrosant des tumeurs (TNF) α et β. Le rôle de l’IFNγ est particulièrement caractérisé (Boehm et al., 1997). Dans les macrophages, il induit une augmentation de l’activité phagocytique, de l’expression des molécules de CMH-I et de CMH-II, de la production l’IL-12 et de la production d’agents antimicrobiens (Karupiah et al., 1993; Nathan, 1983; Wong et al., 1983). L’IFNγ induit également la différenciation des LT CD8 (Sad et al., 1995) en LT cytotoxiques qui induisent l’apoptose des cellules cibles. Sur la plupart des cellules de l’organisme, l’IFNγ induit une augmentation de l’expression du CMH-I ce qui permet une

meilleure reconnaissance de l’antigène et activation de LT CD8. Enfin, sur les LB, l’IFNγ induit la commutation de classe vers les isotypes d’immunoglobuline (Ig) G2a et G3 (Finkelman et al., 1988a; Snapper and Paul, 1987). Ces deux isotypes sont particulièrement efficaces pour l’opsonisation des pathogènes et la liaison des molécules appartenant à la cascade du complément.

- Lignage Th2

Les cellules Th2 sont caractérisées comme étant impliquées dans la réponse immunitaire dirigée contre des parasites extracellulaires comme les helminthes ou les toxoplasmes. Les lymphocytes Th2 sont également associés à des pathologies allergiques comme l’asthme.

L’activation de cellules T CD4 en présence d’IL-4 induit la différenciation en lignage Th2 (Kopf et al., 1993; Mosmann et al., 1986). L’IL-4 induit l’activation de STAT6 qui induit à son tour l’expression du facteur de transcription GATA3 (Kurata et al., 1999; Zhu et al., 2001). Ce facteur de transcription est nécessaire et suffisant dans l’induction de la différenciation Th2 (Zheng and Flavell, 1997). GATA3 induit la production d’IL-4, IL-5 et IL-13 (Zhu et al., 2004; Zhu et al., 2006). Parallèlement, la présence d’IL-2 dans le milieu induit l’activation de STAT5 qui stimule à son tour la production d’IL-4 (Cote-Sierra et al., 2004; Zhu et al., 2003). Enfin, GATA3 et STAT5 inhibent l’expression de Tbet et empêche donc la différenciation Th1(Zhu et al., 2006).

L’IL 4 produite pas les Th2 va favoriser la différenciation d’autres cellules T CD4 en Th2. Elle induit également chez les LB une commutation isotypique vers les IgG1 et les IgE, des isotypes ne fixant pas le complément mais qui induisent l’activation et la dégranulation des mastocytes (Finkelman et al., 1988b; Ochel et al., 1991; Segal et al., 1977). L’IL5 est la cytokine principale de différenciation, d’activation et de recrutement des éosinophiles (Yamaguchi et al., 1988). L’IL-13 serait quant à elle impliquée dans la prolifération de LB, leur différenciation en plasmocytes et la commutation de classe vers les IgE (Emson et al., 1998). L’IL-5 et l’IL13 sont également capables d’induire la production d’IL-4 par les APCs, amplifiant ainsi la différenciation Th2.

- Le lignage Th17

Les cellules Th17 sont impliquées dans la réponse immunitaire contre les bactéries et les champignons (Dubin and Kolls, 2008). Ils ont également un rôle pathogène dans de nombreuses maladies autoimmunes comme l’arthrite rhumatoïde et la sclérose en plaque. Ils sont également impliqués dans l’homéostasie intestinale et peuvent avoir un effet protecteur dans certains modèles de colite.

La différenciation en Th17 est induite chez les LT CD4 activés par une combinaison d’IL- 6 et de TGFβ (Bettelli et al., 2006; Mangan et al., 2006; Veldhoen et al., 2006). Cette combinaison induit la production d’IL-21 par les cellules T CD4 qui agit de façon autocrine pour induire la prolifération des cellules Th17, l’expression du récepteur à l’IL-23 (IL-23R) et l’activation de STAT3 (Chen et al., 2007). STAT3 induit l’expression du récepteur orphelin γ lié au récepteur de l’acide rétinoïque (RORγt) (Ivanov et al., 2006; Yang et al., 2008). Celui-ci est suffisant à promouvoir la production d’IL-17 caractéristique des Th17 (Ivanov et al., 2006). Parallèlement, STAT3 réprime l’expression du facteur de transcription spécifique des Treg, FoxP3 (Yang et al., 2007). L’IL-23 présente dans le milieu stabilise le phénotype Th17 en se fixant sur son récepteur constitué de l’IL-23R et de la chaîne B1 de l’IL-12R.

Les cellules Th17 produisent de l’IL-17A et F ainsi que de l’IL-6, IL-21 et IL-22 (Bettelli et al., 2008). Dans les tissus, les IL-17A et F induisent la production de cytokines proinflammatoires, de chimiokines, de peptides antimicrobiens et de métalloprotéines par les fibroblastes et les cellules épithéliales (Fossiez et al., 1998). Elles favorisent également le recrutement des neutrophiles en induisant la production de la chimiokine CXCL8 par les macrophages (Bettelli et al., 2008). L’IL-21 a un effet pleïotropique sur toutes les cellules du lignage lymphoïde ainsi que sur les DC et les macrophages. Par exemple, l’IL-21 induit l’activation, la prolifération et la maturation des LB ainsi que la commutation de classe vers les IgG1 et les IgG3. Cette cytokine est également capable d’induire la différenciation de cellules T CD4 naïve en Th17.

- Le lignage Th folliculaire (Tfh)

Récemment identifiés, les Tfh sont une population de LT CD4 « helper » spécialisé dans l’aide aux LB (Crotty, 2011). Ils expriment le récepteur aux chimiokines CXCR5 qui, sous l’effet de son ligand CXCL13, permet leur localisation dans les follicules B dans les organes lymphoïdes secondaires (Förster et al., 1996). La différenciation de LT CD4 naïfs en Tfh est induite par l’IL-6 et l’IL-21 qui induisent l’expression de Bcl6, le facteur de transcription des Tfh qui contrôle l’expression de CXCR5 (Crotty, 2011; Liu et al., 2012). Dans les organes lymphoïdes, les LB ayant capturé un antigène présentent celui-ci sous la forme de complexes pCMH-II qui sont reconnus par les Tfh exprimant un TCR spécifique (Crotty, 2011). Les Tfh soutiennent la survie et la prolifération des LB par leur production d’IL-21. Ce sont les cytokines produites par les Tfh comme l’IL-4 et non celles produites par les autres lignages Th qui induisent la commutation de classe des LB. De façon intéressante, les travaux du groupe de McHeyzer-Williams montrent que les LT CD4 exprimant un TCR de forte affinité pour le cytochrome C de pigeon se différencient plus facilement en Tfh que ceux portant un TCR de faible affinité après immunisation (Fazilleau et al., 2009). Ces résultats suggèrent que comme cela avait été suggéré pour le choix de lignage entre Th1 et Th2, la différenciation en Tfh est dépendant de l’affinité du TCR exprimé par le LT CD4 naïf (Constant and Bottomly, 1997).

b) La réponse effectrice T CD8

Le TCR des LT CD8 reconnaît des antigènes présentés dans le contexte du CMH-I. Après activation, les LT CD8 acquièrent des capacités de production de cytokines et des molécules de cytotoxicité. On parle alors de LT cytotoxiques (CTL). Les CTL utilisent plusieurs mécanismes de cytotoxicité dont le principal fait intervenir la perforine, qui forme des pores dans la membrane plasmique de la cellule cible, et les granzymes, qui pénètrent dans la cellule cible via la perforine et induisent l’apoptose des cellules cibles en activant la voie des caspases. Une autre voie de cytotoxicité fait intervenir le récepteur de mort cellulaire Fas exprimé à la surface de la cellule cible et son ligand FasL exprimé à la surface du CTL. L’acquisition des mécanismes de cytotoxicité est

dépendante de l’eomesodermine (eomes), un facteur de transcription paralogue de T- bet (Pearce et al., 2003). L’expression ectopique d’eomes est suffisante pour induire la production de perforine, de granzyme B et d’IFNγ.

Comme pour les LT CD4, le contexte cytokinique dans lequel le LT CD8 est activé influence le choix de son lignage. L’IFNγ et l’IL-12 induisent la différenciation en CTL de type Tc1 qui produisent de l’IFNγ et du TNFα (Sad et al., 1995). Les Tc1 sont plus particulièrement associés à l’élimination des cellules tumorales et des infections virales (Cerwenka et al., 1999; Dobrzanski et al., 1999). Ce sont également les CTL principalement impliqués dans la destruction des cellules β des îlots de Langherans au cours du développement du diabète de type 1 (Vizler et al., 2000). En présence d’IL-4, les LT CD8 se différencient en CTL de type Tc2 (Sad et al., 1995). Ils produisent de l’IL-4, IL-5 et IL-6. Ils produisent également de l’IFNγ mais dans une moindre mesure comparativement aux Tc1. Les Tc2 sont impliqués dans l’aide aux LB pour la production d’IgG1 et d’IgE (Erard et al., 1993). Bien qu’ayant des capacités cytotoxiques équivalentes aux Tc1, les Tc2 induisent moins efficacement le diabète de type 1 (Vizler et al., 2000). Enfin, l’IL-6, l’IL-23 et le TGFβ semblent induire la différenciation de LT CD8 en CTL de type Tc17 qui produisent de l’IL-17 et de l’IFNγ (Curtis et al., 2009; Liu et al., 2007). Ces cellules sont retrouvées au niveau des muqueuses pulmonaires et gastriques notamment. Elles semblent également posséder une activité anti-tumorale (Hinrichs et al., 2009). Enfin, ces cellules ont également été retrouvées dans les lésions chez les patients atteint de sclérose en plaque et dans des modèles d’encéphalomyélite autoimmune expérimentale chez la souris (Huber et al., 2009; Tzartos et al., 2008). Dans ce dernier modèle cependant, les cellules Tc17 purifiées à partir du système nerveux central des souris ne semblent pas exprimer de granzyme B. Bien que dépourvu de cette capacité, ces cellules pourraient tout de même contribuer à la destruction de la gaine de myéline par la voie Fas/FasL (Okuda et al., 1998).