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Chapitre 7 : Le magmatisme et son évolution avant et après l’effondrement de Güímar

7.2. Le magmatisme de Güímar

7.2.3. La source hétérogène du magmatisme de Güímar

Les compositions isotopiques en Sr, Nd et Pb des îles Canaries ont été interprétées comme reflétant la fusion de croûte océanique recyclée, additionnée à deux autres composants de signature respective DMM et EM-I (Hoernle et al., 1991, 1995 ; Marcantonio et al., 1995 ; Widom et al., 1999 ; Simonsen et al., 2000 ; Geldmacher et al., 2001 ; Abratis et al., 2002 ; Demény et al., 2004 ; Gurenko. et al., 2006, 2009 ; Day et al., 2009 ; Deegan et al., 2012). Le magmatisme de l’île de Tenerife est également généré par ces trois mêmes composants, comme le montrent les données isotopiques de la littérature et des laves de Güímar (Figure 6.13). Le composant DMM présente une signature similaire à la composition des MORB Atlantique (Simonsen et al., 2000 ; Gurenko et al., 2006 ; Deegan et al., 2012). La participation du composant EM-I est suggérée par l’étude de Simonsen et al. (2000), qui proposent que ce composant faiblement radiogénique en Pb et Nd est également présent dans la source des laves de Gran Canaria (Hoernle et al., 1991). Cependant, le composant EM-I ne permet pas d’expliquer les valeurs isotopiques les moins radiogéniques pour le Pb et le Nd des laves de Tenerife. Ces laves font partie du massif d’Anaga, situé au Nord-Est de Güímar. Afin d’expliquer les différentes variations isotopiques, la contamination des magmas lors de leur remontée au sein de la croûte océanique et de l’édifice est discutée par de nombreux auteurs (Simonsen et al., 2000 ; Gurenko et al., 2006 ; Deegan et al., 2012). Les sédiments marins présents sur le plancher océanique montrent des compositions isotopiques peu radiogéniques pour les rapports

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172 isotopiques du rapport 87Sr/86Sr en termes de contamination des liquides à l’origine des dykes de la NERZ par un constituant semblable aux tufs présents à Gran Canaria. Ces tufs montrent une importante altération hydrothermale de faible température (Troll, 2001). En revanche, les échantillons documentés par Deegan et al. (2012) n’ont pas été «lessivés» durant leur préparation et les compositions isotopiques mesurées sont possiblement affectées par l’eau de mer (interaction syn- ou post-éruptive avec l’eau de mer, dont le rapport isotopique de Sr est relativement élevé : 87Sr/86Sr ~0.7092).

Les laves de Güímar présentent des compositions isotopiques en accord avec celles mesurées sur les autres formations de Tenerife (e.g. Simonsen et al., 2000). Elles se situent majoritairement dans le champ de variation du volcanisme central, ancien comme récent (Figure 6.13) et elles suggèrent la présence de trois composants dans leur source. Le premier de ces composants (noté 1, cf. Figure 7.4) correspond à de la croûte océanique, recyclée par subduction au sein du manteau et ré-échantillonnée par le panache des Canaries. La composition de cette dernière est calculée suivant un modèle à deux stades (Chauvel et al., 1992), à partir de la composition du plomb primordial (Tatsumoto et al., 1973), en utilisant les paramètres ci-après: µ1 (= (238U/204Pb)1) = 8.1 ; µ2 = 22 ; ĸ1 (=

(232Th/238U)1) = 3.9, et ĸ2 = 3.5. L’âge de la croûte est fixé à 1,15 Ga (Thirlwall, 1997). Le

second composant (noté 2) montre des compositions isotopiques similaires à celles des MORB de l’océan Atlantique aux latitudes de l’archipel des Canaries (Ito et al., 1987 ; Debaille et al., 2006). Ce composant représente la lithosphère océanique de type DMM où se produit l’assimilation de phlogopites et amphiboles. Les compositions en éléments traces de cette lithosphère sont estimées d’après l’étude de Workman et Hart (2005). Le troisième composant (noté 3), quant à lui, présente de fortes similitudes avec les sédiments marins qui ont été échantillonnés, d’une part au Sud de l’archipel (forage DSDP 397 ; Hoernle et al., 1991), et d’autre part, sur Fuerteventura (sédiments d’âge Crétacé à l’affleurement : Deegan et al., 2012 ; Wiesmaier et al., 2012). Le mélange en proportions variables de ces composants est présenté sur la Figure 7.4 (le détail des calculs est reporté en annexe B10). Les compositions isotopiques des laves de Güímar sont reproduites, à condition que la proportion de sédiments soit faible (< 5 % au total). Les compositions isotopiques des sédiments sont très différentes de celles des laves (Simonsen et al., 2000) et leurs teneurs sont relativement élevées en éléments traces, notamment en Pb. Par conséquent, une faible quantité de sédiments dans le mélange entraîne une variation

173 Figure 7.4 : Modèles de mélanges isotopiques illustrant les sources de la variabilité des laves de Güímar. Les données de la littérature sont représentées par les petits symboles suivant la même légende que la figure 6.13. Le composant DMM est symbolisé par les carrés violets. Le mélange entre ROC (carré rouge [1]) et DMM [2] est représenté en violet également. Il en est de même pour les sédiments marins [3] qui adoptent la couleur verte.

174 importante des compositions isotopiques. La proportion de mélange du composant de composition DMM est relativement importante (de 30 à 90 % au total). Cette proportion correspond néanmoins à un maximum et ces taux d’assimilation sont vraisemblablement trop importants. En effet, ce modèle considère une fusion totale du composant DMM, alors que l’assimilation d’encaissant peut être plutôt représentée par de faibles taux de fusion partielle de DMM (Millet et al., 2008). De faible taux de fusion partielle engendrent un liquide enrichi en éléments incompatibles (comme le Pb et le Nd). Plus ce taux est faible et plus le liquide sera enrichi. Ceci a pour conséquence de diminuer la proportion du composant DMM dans le mélange final. Un taux d’assimilation plus faible est plus réaliste.

Aussi, il est important de noter que ce modèle est proposé à titre indicatif uniquement et que c’est la variation des proportions des différents composants qui nous intéresse avant tout ; nous en rediscuterons dans la section 7.3. Par ailleurs, les sédiments marins analysés montrent une variabilité importante de leur composition isotopique et de leur concentration en éléments incompatibles. Cette hétérogénéité isotopique et chimique n’est pas prise en compte dans le modèle, puisque le composant 3 est considéré comme identique pour toutes les laves.

Le magmatisme de Güímar est expliqué par un faible taux de fusion partielle d’une source mantellique plus ou moins riche en grenat et dont les compositions isotopiques suggèrent la présence de trois constituants dont le principal est un constituant de type croûte océanique recyclée. Lors de sa remontée, le magma interagit avec les roches lithosphériques environnantes de signature isotopique de type DMM et avec des veines d’amphiboles et de phlogopites. Le magma se stocke ensuite en profondeur, où se produisent les processus de cristallisation fractionnée. Lors de son ascension, le magma entraîne avec lui une partie des cristaux alors formés. Le magma rencontre une seconde zone de stockage, sûrement située juste au-dessus du plancher océanique où reposent les sédiments marins qui sont incorporés en faibles proportions avant l’ascension finale du magma.

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7.3. Evolution temporelle et relation avec l’effondrement de