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Chapitre 3 : Méthodes et techniques analytiques

3.1. Géochronologie

3.1.1. Datations K-Ar

Afin de compléter (Tenerife) et d’établir (Fogo) un cadre chronologique robuste, des datations K-Ar ont été réalisées au Laboratoire des Sciences du Climat et de l’Environnement (LSCE, Gif-sur-Yvette) en collaboration avec Hervé Guillou.

3.1.1.1 Principe des datations K-Ar

Pour une description complète de la méthode, nous renvoyons le lecteur à deux ouvrages de référence (Dalrymple et Lanphere, 1969 ; McDougall et Harrison, 1999), pour n’en rappeler ici que les grandes lignes nécessaires à la compréhension de notre étude. L’un des isotopes du potassium, le 40K qui ne représente que 0,01167% du potassium total, est naturellement radioactif. Le 40K a une demi-vie de 1,25 x 109 ans. Environ 89% du 40K décroît en 40Ca, 11% en 40Ar* (* signifie ici radiogénique, à savoir issu de la décroissance radioactive du 40K). La décroissance du 40K (isotope parent) en 40Ar* (isotope fils) est à la base du chronomètre. Aux températures élevées (1200°C pour un magma basaltique), un postulat de la méthode K-Ar indique que le 40Ar* est évacué continuellement du magma. Lors de l’éruption, le magma se solidifie rapidement. Le 40K continue sa décroissance en

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Ar*, mais l’40Ar* sera dès lors piégé dans le réseau cristallin. Ainsi, en mesurant conjointement le nombre d’isotopes parents restants (40K) et le nombre d’isotopes fils formés (40Ar*) et connaissant les constantes de décroissance du 40K, on peut calculer la durée nous séparant de la date de l’éruption, soit l’âge de la roche. Cette méthode sous- entend les hypothèses suivantes : on postule que, à t=0 (i.e. date de l’éruption et de la cristallisation de la lave), le magma est dépourvu de 40Ar*. On considère ainsi que l’argon initialement piégé dans l’échantillon a un rapport 40Ar/36Ar équivalent à celui de l’atmosphère, soit 298,56 (Lee et al., 2006). Pour rappel, 36Ar est exclusivement d’origine atmosphérique. On considère également que l’échantillon (roche ou cristal) évolue en système clos, de sa solidification à sa datation. Ceci signifie que ce dernier ne doit pas avoir été réchauffé, ce qui provoquerait une perte non quantifiable de 40Ar*, ou altéré, ce qui entraînerait une perte de 40Ar* accompagnée d’une perte ou d’un gain de 40K selon le type

56 d’altération. Les âges K-Ar reposent donc sur l’acceptation implicite de ces conditions, ce qui peut aboutir à des âges erronés sans signification géologique, si l’une (ou plusieurs) de ces conditions n’est pas satisfaite.

L’équation de l’âge est alors la suivante :

) 1 * ln( 1 40 40       K Ar t Équation 1 Où

=40Ar est la constante de désintégration du 40K en 40Ar* ;

=40Ca est la constante de désintégration du 40K en 40Ca ;

= +est la constante totale de désintégration du 40K ;

et t est le temps en années.

3.1.1.2 Sélection et préparation des échantillons

Les échantillons sélectionnés ne sont dans la mesure du possible que très peu altérés, afin d’éviter ou du moins minorer les erreurs sur les âges liées à la migration du K et de l’Ar. La sélection se fait sur la base d’observations macroscopiques et microscopiques. Nous avons également mesuré la perte au feu (teneur en eau) des échantillons (Annexes A7, B7). Nos échantillons ont des teneurs en eau inférieures à 0,5%. Pour les datations on évite également les laves trop riches en phénocristaux, car ces derniers se sont formés au sein de la chambre magmatique antérieurement (une durée que l’on ne peut ici estimer) à l’éruption que nous souhaitons dater. Ainsi, ce sont les mésostases des laves qui seront séparées et analysées, car elles représentent la phase ayant cristallisée lors du refroidissement rapide de la lave en surface. Pour cela, les échantillons sont sciés puis broyés. Ils sont ensuite tamisés entre la fraction 250 et 125 µm puis nettoyés à l’eau distillée pour ôter les fractions fines. Afin d’éliminer les éventuelles phases d’altération, les échantillons sont nettoyés par ultra-sons dans un bain d’acide acétique à 60°C sur une durée de 45 min. Ensuite, les mésostases sont séparées par tri magnétique. Ceci permet d’isoler la mésostase, généralement magnétique, des phénocristaux. Afin d’affiner la séparation, un tri densitométrique est réalisé. L’échantillon est versé dans une liqueur

57 dense, en l’espèce du diiodométhane, d’une densité de 3,32. Par ajouts successifs d’acétone (d = 0,791), le liquide sera porté pas à pas jusqu’à une fraction de densité généralement comprise entre 3 et 2,9 (pour les basaltes), permettant ainsi l’élimination des phénocristaux d’olivine, de pyroxène et de plagioclase qui sont des porteurs potentiels d’argon en excès.

3.1.1.3 Spécificité de la méthode K-Ar sans traceur

Cette méthode a été développée par C. Cassignol (Cassignol et Gillot, 1982 ; Schwarz et Trieloff, 2007). Comme le montre l’équation de l’âge (Équation 1), deux inconnues sont à déterminer : la quantité d’40Ar* et celle d’40K. La quantité de K est mesurée sur la fraction de mésostase sélectionnée au laboratoire Magmas et Volcans (cf. section Analyses des éléments majeurs sur roches totales. En guise de comparaison, cinq échantillons ont également été analysés au SARM (Service d’Analyse des Roches et des Minéraux) où une valeur moyenne est obtenue suite à trois analyses indépendantes. Les analyses du LMV et du SARM sont similaires (Tableau 3.1) avec une reproductibilité de 1% chacune. Le 40K est calculé à partir de l’abondance naturelle des isotopes du K.

La mesure de la composition isotopique en argon se fait sur des prises d’échantillon de l’ordre de 1 à 2 grammes. Les échantillons sont enveloppés dans des capsules de cuivre ultra-pur, puis introduits dans un porte échantillon en verre borosilicaté. Ce porte échantillon est connecté à un four à induction. L’échantillon est alors basculé dans un creuset en Molybdène chauffé progressivement à 1500 °C afin de le fondre complètement. Durant la fusion, qui prend en règle générale 10 à 15 minutes, les gaz extraits de l’échantillon sont piégés sur un charbon actif porté à la température de l’azote liquide. Ensuite, les gaz extraits sont purifiés sous l’action conjointe de pompes Getters et d’un sublimateur de Titane. Ceci permet de piéger les autres gaz que l’Argon, notamment les gaz actifs. Ce processus est achevé au bout d’une durée comprise entre 20 et 40 minutes suivant la nature et la quantité des gaz extraits. Suite à cette étape, l’argon est concentré par piégeage sur charbon actif au plus près du spectromètre de masse. Il est ensuite détendu dans un volume calibré puis dans le spectromètre de masse. Les signaux des ions

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Ar et 36Ar sont mesurés simultanément, le spectromètre étant équipé d’un double collecteur. Les signaux sont amplifiés et intégrés sur une durée de 100 secondes. Lorsque

58 Tableau 3.1 Concentration en K2O de cinq échantillons au SARM et au LMV.

K2O % SARM LMV LA-02 1,40 1,39 GO-09 1,33 1,36 FO-48 3,94 3,91 FO-28 2,44 2,50 FO-02 2,14 2,11

l’analyse du gaz échantillon est achevée, l’argon est évacué de la cellule spectrométrique par cryopompage. Une ou n doses d’argon atmosphérique sont ensuite introduites dans le spectromètre de masse et sont mesurées dans les mêmes conditions de pression que l’échantillon. Cette mesure permet de corriger les valeurs mesurées pour l’échantillon de l’argon atmosphérique et de calculer le pourcentage d’argon radiogénique inclus dans l’échantillon.

La formule de correction utilisée est la suivante :

Équation 2

Avec : : 40Ar radiogénique provenant de la décroissance de 40K ; : provenant de l’atmosphère ;

: contenu dans l’échantillon ;

Une troisième mesure est réalisée afin de calibrer les signaux d’argon. Il s’agit de convertir le signal électrique en nombre d’atomes. Pour cela, un nombre connu d’atome d’40Ar est introduit dans le spectromètre de masse à partir d’une bonbonne calibrée grâce à des minéraux standards d’âges connus. Le standard utilisé dans cette étude est HD-B1 (Schwarz et Trieloff, 2007). C’est une biotite datée à 24,21 Ma.

3.1.2. Datations 40Ar/39Ar

Il existe en général une bonne cohérence entre les âges K-Ar et les âges 40Ar/39Ar pour des échantillons d’âge Quaternaire (Guillou et al., 2011 ; Kissel et al., 2014 ; Laj et al., 2014). Il n’en reste pas moins que la méthode K-Ar ne permet pas de mettre en évidence

59 les éventuelles pertes ou excès en 40Ar. Ainsi, l’erreur donnée sur les âges K-Ar peut être en deçà de l’erreur réelle.

L’échantillon est soumis à un flux de neutrons rapides au sein d’un réacteur nucléaire, pour transformer artificiellement une partie des isotopes 39K en 39Ar. La quantité d’39Ar ainsi générée est proportionnelle au nombre d’39K présents dans l’échantillon et donc de 40K (atomes parents), le rapport 40K/39K étant connu à un instant donné et donc à l’actuel dans les échantillons terrestres. L’avantage est que le rapport atomes fils radiogéniques (40Ar*) vs atomes parents (39Ar proportionnel à 40K) est obtenu par une mesure simultanée par spectrométrie de masse. La connaissance précise du rendement de production d’39Ar à partir de 39K est obtenue en se référant à des standards d’âges connus, irradiés conjointement avec les échantillons à dater. Pour notre étude, il s’agit des cristaux de sanidine de la rhyolite d’Alder Creek (USA) datée à 1.193 ± 0.001 Ma par Nomade et al. (2005). La méthode 40Ar/39Ar permet d’obtenir des informations plus complètes sur le comportement de l’horloge radio-isotopique que la méthode K/Ar. Dans la méthode dite de « step-heating » (Turner et al., 1966), l’échantillon est chauffé progressivement par paliers de température croissante (par exemple des paliers de 60°C) par le biais d’un four ou d’un laser. Pour chaque palier, la composition isotopique en argon du gaz extrait et purifié est mesurée au spectromètre de masse. On peut ainsi calculer un âge apparent pour chaque étape de dégazage de l’échantillon. Au final, on obtient un spectre d’âge. L’allure générale de ces spectres permet de voir si l’horloge K/Ar au sein de l’échantillon a été ou non perturbée. Un échantillon non perturbé qui a évolué en système clos depuis sa cristallisation aura à chaque étape de température un rapport constant entre les isotopes

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Ar* et 39Ar. On obtiendra donc, pour chaque palier de température un âge 40Ar/39Ar apparent identique, aux erreurs analytiques près. Le résultat de l’expérience sera représenté sous forme d’un spectre d’âge dont chaque étape de température donnera le même âge. On pourra alors définir l’âge de l’échantillon comme l’âge plateau. On considère en général qu’un plateau est composé d’au moins trois paliers successifs contenant au minimum 60% de l’39Arprovenant du potassium dégazé et dont les âges apparents sont cohérents à 95% de probabilité (Sharp et al., 2005).

La méthode 40Ar/39Ar permet aussi de traiter les données isotopiques obtenues pour construire des isochrones. On reporte dans un diagramme dit « isochrone inverse » les valeurs expérimentales 39Ar/40Ar vs 36Ar/40Ar acquises pour chaque palier de

60 température. Lorsque le gaz extrait est un mélange simple argon atmosphérique – argon radiogénique, les points sont alignés le long d’une droite de mélange ou isochrone. L’intersection de l’isochrone avec l’axe 36Ar/40Ar correspond à une valeur de 39Ar égale à 0. Cette valeur déduite et calculée correspond au signal isotopique d’un échantillon dépourvu de K et qui ne peut donc produire de l’40Ar* purement radiogénique. Ainsi, pour un échantillon dépourvu d’40Ar* en excès, l’isochrone intercepte l’axe 36Ar/40Ar à une ordonnée de valeur 1/298,56 (Lee et al., 2006) que l’on notera par la suite (36Ar/40Ar)i. À

l’opposé, pour un échantillon contenant de l’40Ar* en excès, (36Ar/40Ar)i aura une valeur

inférieure à 1/298,56. On peut ainsi, à partir du diagramme isochrone inverse, mettre en évidence la présence ou l’absence d’excès d’argon mais aussi les éventuelles pertes en 40Ar.