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Chapitre 7 : Le magmatisme et son évolution avant et après l’effondrement de Güímar

7.2. Le magmatisme de Güímar

7.2.2. Assimilation et fusion partielle

Les caractéristiques chimiques de ces sept laves à MgO constant et aphyriques peuvent traduire la variation du taux de fusion partielle ou représenter l’hétérogénéité de la composition du liquide primitif. Effectivement, pour de faibles taux de fusion partielle d’une source, les liquides seront enrichis en éléments incompatibles (tels que les alcalins). Lorsque ce taux de fusion partielle augmente, les éléments moins incompatibles vont être impliqués dans la fusion et diluer les éléments plus incompatibles, qui seront moins concentrés dans les liquides. Les éléments compatibles (tel que le calcium) suivent le raisonnement inverse. Des variations de taux de fusion induisent donc des changements de concentration des éléments majeurs et traces permettant d’expliquer les variations des sept laves précédemment citées.

En ce qui concerne l’hétérogénéité de la source, deux possibilités sont à envisager. La première repose sur une source hétérogène, composée d’au moins deux constituants, qui présente des caractéristiques de fusion contrastées. L’influence d’un composant varie alors grandement en influençant les compositions chimiques des laves. La seconde possibilité comprend deux sources distinctes, dont la seconde est incorporée par assimilation de l’encaissant par les magmas primitifs résultant de la fusion de la première source, plus profonde.

Toutes ces possibilités entraînent les mêmes variations de compositions chimiques des magmas émis. Il est donc difficile de favoriser une hypothèse plutôt qu’une autre sur la base des teneurs en éléments majeurs et traces. Certains rapports d’éléments traces peuvent cependant permettre de répondre à ces questions.

Hofmann et al. (1986) ont défini le rapport moyen Nb/U pour les MORB et OIB comme étant 47 ± 10. Ceci reflète un comportement identique de ces deux éléments pendant la fusion du manteau donnant naissance aux basaltes océaniques. Dans le cas des laves de Güímar, ce rapport est compris entre 51 et 113. Les valeurs élevées sont associées à des valeurs élevées des rapports Ba/U et Zr/U (Figure 7.2). Ces valeurs, liées au fait que

168 Figure 7.2 : Diagramme des rapports Nb/U, Ba/U et Zr/U en fonction de U (en ppm) indiquant un enrichissement du rapport Nb/U par rapport aux MORB et OIB dont la moyenne est de 47±10 (Hofmann et al., 1986).

169 les concentrations en Ba, Nb et Zr soient corrélées aux teneurs en U, peuvent être liées à la présence d’amphibole et de phlogopite dans la source des magmas. Ces deux minéraux ont une affinité pour le Ba, Nb et Zr (Halliday et al., 1995 ; LaTourrette et al., 1995). La présence de ces minéraux peut être due à différentes sources et phénomènes. Une des hypothèses consiste en la formation de veines d’amphibole et de phlogopite par métasomatisme de la lithosphère (Lundstrom et al., 2003 ; Pilet, 2015). Une seconde hypothèse propose que cette signature provienne de la lithosphère océanique recyclée (Gurenko et al., 2006). Cette signature proviendrait alors de reliquats d’amphiboles et phlogopites et le rapport Nb/U serait un traceur de source. Cependant, aucune co-variation entre le rapport Nb/U et les compositions isotopiques n’est visible (Figure 7.3), ce qui implique que cette signature n’est pas liée à la source profonde du magmatisme de Güímar, mais serait plutôt due à l’assimilation de cumulats d’amphiboles et de phlogopites présents au sein de la lithosphère océanique métasomatisée, dont le degré de fusion est variable.

Le fractionnement des Terres rares légères (LREE) par rapport aux Terres rares lourdes (HREE) n’est pas (ou de manière non significative) influencé par la cristallisation fractionnée d’olivines et/ou de pyroxènes. Effectivement, ces deux minéraux n’incorporent que très peu de Terres rares. La Figure 6.10 présente les variations des rapports La/Sm, La/Yb et Sm/Yb (normalisés aux chondrites) enregistrées dans nos échantillons. Deux laves présentent un fractionnement relativement plus faible des LREE par rapport aux HREE, associé à un fractionnement moindre des LREE par rapport au MREE (Terres rares intermédiaires). Cette caractéristique (fractionnement faible des REE) marque l’absence (ou une très faible quantité) de grenat résiduel dans la source. Le faible fractionnement des LREE par rapport aux HREE de ces deux laves peut également révéler un taux de fusion partielle plus élevé que celui des autres échantillons. Les LREE sont plus incompatibles que les HREE. Par conséquent, si le taux de fusion partielle augmente, le rapport La/Yb diminue. Cette variation du rapport La/Yb s’accompagne, de plus, d’une diminution des teneurs en REE par effet de dilution des autres éléments chimiques. Un tel scénario est, à priori, contredit par les variations de concentrations en REE de nos échantillons : notamment la lave présentant le rapport La/Yb le plus faible est une des plus riches en REE.

Les échantillons dont le fractionnement des LREE par rapport aux HREE est élevé présentent également un fort rapport La/Sm. Ceci reflète un appauvrissement en HREE du

170 Figure 7.3 : Diagrammes Nb/U en fonction du rapport 206Pb/204Pb et du rapport 87Sr/86Sr montrant une absence de corrélation entre le rapport Nb/U et les compositions isotopiques. La signature de ce rapport n’est pas liée à la source profonde du magmatisme de Güímar.

171 magma, qui suggère soit la présence de grenat résiduel dans la source, soit un taux de fusion partielle faible. Dans le cas des laves de Güímar, les laves présentant un fort fractionnement des REE ne sont pas les laves les plus riches en La. Ceci exclut donc l’hypothèse d’un taux de fusion partielle plus faible pour ces échantillons. Les teneurs en REE traduisent donc la présence de grenat au résidu de fusion partielle. Plus la quantité de grenat au résidu de fusion est importante, plus les REE seront fractionnées. La majorité des laves présente un fractionnement moyen, mais un groupe de laves aphyriques montre un fractionnement fort, dû à la présence d’une quantité importante de grenat au résidu de fusion.