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Durant la Renaissance et jusqu'au XIXe siècle, le regard de la société sur les homosexuels n'a pas beaucoup évolué : généralement tue, considérée comme un indicible tabou, l'homosexualité est restée dans le silence, considérée comme une déviance, une maladie mentale, mais elle n'a pas cessé

d'exister pour autant. Le classicisme et le retour des sources antiques, autant dans l'art que dans les idées, fait surgir de nombreuses représentations de l'homosexualité : Michel Ange, au XIVe siècle, a dans la plupart de ses œuvres exalté et glorifié le corps masculin, et n'a jamais caché ses inclinations. Ses sculptures comme ses poèmes scandent la puissance du désir et le besoin impérieux de les assouvir. Du célèbre David, en 1500, devenue à la fin du XXe siècle l'icône par excellence du mouvement gay, à l'Esclave mourant (1515), en passant par les 20 Ignudi qui ornent les plafonds de la Chapelle Sixtine (entre 1508 et 1510), il a célébré sans relâche son amour pour les hommes, et principalement pour Tommaso de Cavalieri, un jeune noble romain qu'il rencontre en 1532, dont il tombe amoureux, et pour qui il écrit plus de trois cents sonnets, qui seront publiés bien après sa mort par son petit-neveu en 1623, et dont tous les pronoms masculins seront remplacées par des pronoms féminins, afin de les rendre lisibles par la bonne société. Les originaux – résolument homosexuels – ne seront édités qu'en 1863. Michel-Ange a également sculpté le rapt de Ganymède par Zeus, symbole homosexuel utilisé depuis l'antiquité, et utilisé également par William Shakespeare (1564 – 1616) ou Christopher Marlowe (1564 – 1593), entre autres. De nombreux autres thèmes antiques sont utilisés pour désigner l'homosexualité masculine : Apollon et Hyacinthe, Achille et Patrocle, Hercule et Acheloüs, Narcisse, ou encore saint Sébastien, devenu de nos jours une icône du mouvement gay.

Léonard de Vinci (1452 – 1519) a été accusé, à l'âge de 24 ans, d'avoir entretenu des relations avec un jeune homme de 17 ans, mais par manque de preuves l'affaire fut classée sans causer de torts au célèbre artiste et scientifique. Léonard de Vinci n'a jamais été marié, mais il a toujours entretenu une très grande discrétion quant à sa vie privée. Quelques unes de ses œuvres, comme l'Allégorie du plaisir et de la peine, le Vieillard et jeune garçon se faisant face ou encore le Saint-Jean Baptiste, peuvent laisser supposer les

tendances homosexuelles de l'artiste, sans pour autant qu'on lui connaisse des relations, à part peut être le jeune Gian Giacomo Caprotti, qui restera durant 25 ans auprès de son maître, jusqu'à son départ en France.

Le Caravage, de son vrai nom Michelangelo Merisi (1571 – 1610), a également peint de nombreuses scènes mettant en avant la beauté du corps masculin, d'après des thèmes antiques : Narcisse (1596), Le Joueur de Luth (1596), Le Jeune Garçon mordu par un Lézard (1597) ou encore L'Amour Vainqueur (1602), où un ange très jeune à la sexualité incarnée piétine les symboles de la guerre, de la musique et de la littérature, rompant avec la vision traditionnelle des anges asexués, et trahissant l'attirance du peintre pour les jeunes garçons.

Aux XVIe et XVIIe siècles, la Réforme protestante s'installe, et les rigueurs qui l'accompagnent se font vite ressentir. Martin Luther ne manque pas d'accuser le clergé d'être trop laxiste envers l'homosexualité dans son Avertissement aux chers Allemands (1531). A l'image des cathares et des Templiers, les accusations d'homosexualité sont employées pour discréditer les opposants, comme le genévois Théodore de Bèze, contre qui est menée une campagne de diffamation de la part des catholiques qui se basent sur de vieux poèmes de jeunesse pour lui reprocher une supposée homosexualité – qui n'a jamais été reconnue. Les peines encourues par les homosexuels sont de plus en plus graves : en 1532, l'Empereur Charles Quint promulgue le premier code pénal du Saint Empire Romain Germanique, dont l'article 116 stipule que tous ceux qui s'adonnent à la luxure avec des animaux ou des individus du même sexe qu'eux doivent être brûlés. De nombreuses exécutions ont alors lieu, comme par exemple dans la Rome protestante de 1555 à 1570 où l'on en recense plusieurs, par décapitation, pendaison ou noyade.

Henri III (1551-1589), Roi de France à partir de 1574, tente de réconcilier catholiques et protestants, mais l'affichage outrancier de sa

bisexualité,de ses maîtresses et de ses « mignons », ne plaide pas en sa faveur et de nombreuses railleries le concernant circulent parmi la haute société. Le roi n'est pas pris au sérieux. Dans l'aristocratie comme dans toutes les classes sociales dominantes, les relations homosexuelles sont tolérées dans le cadre d'une sexualité où le maître choisit son partenaire, fille ou garçon, pour autant que ce dernier s'apparente au « sexe faible » et qu'il soit dominé à la fois socialement et physiquement. De nombreux élèves, valets ou apprentis furent ainsi livrés, contre leur gré ou non, à leur maître à des fins sexuelles. Tout comme au Moyen Age, la promiscuité entre les jeunes gens et la difficulté d'accéder à l'autre sexe avant le mariage ont également favorisé les relations homosexuelles, autant masculines que féminines.

Cependant, malgré leur fréquence, ces relations doivent impérativement rester secrètes, au risque d'être exposées aux sanctions pénales et religieuses. Tout au long du XVIe et du XVIIe siècle, on recense en Europe des centaines de condamnations au bûcher, de la France à l'Italie, en passant par l'Allemagne, l'Espagne, l'Angleterre ou l'Irlande. La répression gagne même les colonies : en 1636, à Plymouth (dans le Massachussets actuel), les autorités éditent une loi qui condamne la sodomie par le bûcher. Le Portugal fait la même chose au Brésil en 1646.

Le XVIIIe siècle, quant à lui, voit émerger une nouvelle figure de l'homosexuel libertin, flamboyant et efféminé, qui ne cache plus forcément son vice, voire même qui l'affiche de façon outrancière en société. Selon le lieutenant de police Lenoir, en 1730, on recenserait sur les 600000 habitants de Paris plus de 20000 sodomites. D'après d'autres sources de la police, le double de ce chiffre est atteint quelques années plus tard. Les salons mondains où l'on pratique les relations homosexuelles, ancêtres des clubs échangistes et des « backrooms » actuels, naissent un peu partout, à Paris comme à Londres où on les appelle les « Molly Houses ». Les hommes qui les fréquentent pratiquent

très souvent le transvestisme, parlent au féminin, se maquillent outrancièrement, et se prostituent parfois, même si ce phénomène reste principalement un « jeu » pour personnes aisées. A partir de 1730, on note que les condamnations se font de moins en moins nombreuses. On ne parle plus de sodomites mais de pédérastes ou d'« infâmes », ce dernier terme étant fréquent dans les rapports de police.