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1-1- La résilience, une notion polysémique

Dans le document The DART-Europe E-theses Portal (Page 125-128)

Utilisé dans de nombreuses disciplines tant au sein des sciences sociales que des sciences dites « dures », le concept de résilience revêt un caractère polysémique (Reghezza et Rufat, 2015). Concept issu de la physique du début des années 1920, il s’est développé en psychologie après la seconde guerre mondiale puis en économie et en écologie scientifique (années 1970) avant d’être utilisé, au début des années 2000, en sciences sociales et notamment en géographie des risques (Dauphiné et Provitolo, 2007 ; Lhomme, 2012 ; Quenault, 2014). Ce concept vient du latin Resilio signifiant « rebondir », il fut développé à la base pour permettre de mesurer la capacité d’un objet à retrouver son état initial après un choc ou une pression continue.

Depuis le cadre d’action de Hyogo en 2005, la résilience est devenue le nouveau référentiel gestionnaire international conforté par le cadre d’action de Sendai qui a eu lieu en 2015 et dont une des priorités est « d’investir dans la réduction des risques de catastrophe pour renforcer la résilience » (UNISDR, 2015). Elle y est définie comme « la capacité d'un système, une communauté ou une société potentiellement exposé à des aléas à s'adapter, en résistant ou en changeant, afin d'atteindre et de maintenir un niveau acceptable de fonctionnement et de structuration. Elle est déterminée par la mesure dans laquelle le système social est capable de s'organiser pour augmenter cette capacité, pour apprendre des catastrophes passées, pour une meilleure protection de l'avenir, et pour améliorer les mesures de réduction des risques » (UNISDR, 2005). Cette acception de la résilience permet une nouvelle analyse des risques non plus au travers uniquement d’un système, mais également à partir des enjeux présents. !

1-1-1- La résilience interprétée comme un « rebond »

La résilience dans le champ des catastrophes naturelles est généralement pensée par rapport à une crise consécutive à un choc ou une perturbation. S’appuyant sur l’étymologie du terme qui renvoie au rebond (Lhomme, 2012 ; Alexander, 2013), la littérature la définit comme le fait, pour un système, de revenir à l’état « normal », souvent l’état initial ou antérieur, suite à un choc qui correspond à l’occurrence d’un aléa (Figure 24). Selon les auteurs, la résilience peut être décrite comme un état ou un résultat (Reghezza et al., 2012).

Figure 24 : La résilience interprétée comme un « rebond » (bounce back) (Réalisation : F. Benitez)

Notions à la fois descriptive et normative (Weichselgartner et Kelman, 2015), la résilience est définie de différentes façons, tous les travaux ayant pour point commun d’insister sur le

« retour à l’état normal » ou à « l’état initial ». Dans leur ouvrage, M. Reghezza et S. Rufat résument ainsi les différentes acceptions, en soulignant qu’elles peuvent parfois être contradictoires.

« - La résilience comme capacité de « rebondir », au sens de revenir en arrière et de rejoindre l’état antérieur à la crise, qui implique de réagir à l’impact physique et de dépasser le dommage matériel ;

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-! La résilience comme capacité à « résister » physiquement au choc (antonyme de fragilité) et donc à « l’absorber » (sens de la résilience physique) ;

-! La résilience comme capacité à « maintenir » ses fonctions malgré la perturbation ; -! La résilience comme processus de « reconstruction » matérielle, « supportant la

remise en activité » des fonctions du système » (Reghezza et Rufat, 2015, p.39)

D. Provitolo montre que cette approche de la résilience, qui a été notamment formalisée par la resilience alliance (Adger, 2000 ; Adger et al., 2009), s’inscrit dans le paradigme dominant de gestion. Elle parle de résilience ingénieuriale en soulignant la filiation de cette interprétation de la notion avec la résilience telle qu’elle est définie chez les écologues (Holling, 1973), même si les géographes critiquent souvent ce transfert (Gaillard, 2007 ; Manyena, 2006).

Dans cette acception, la résilience est vue comme antonyme de la vulnérabilité (Lhomme, 2012 ; Reghezza, Provitolo et al., 2015) :

« Si un enjeu ou un système subit un dommage, c’est qu’il est vulnérable. Or, plus il subit de dommages, plus la probabilité qu’il se désorganise et s’effondre est grande et plus il lui sera difficile de se relever. Ainsi, plus le système est vulnérable (au sens sensible à l’endommagement), moins il est résilient » (Reghezza et Rufat, 2015, p.49).

Cette interprétation de la résilience permet d’intégrer tous les volets de la gestion des catastrophes, en reliant les quatre phases principales de la catastrophe : le risque en amont ; la situation de crise en elle-même ; l’urgence de la phase aiguë et enfin, l’après crise/reconstruction (Reghezza et Rufat, 2015 ; Laganier, 2015 ; Moatty, 2015). !

1-1-2- La résilience comme processus d’émergence

Certains auteurs considèrent en revanche la résilience, non plus par rapport à l’apparition d’un choc mais en fonction des fluctuations, oscillations, transformations ou encore des perturbations qui ponctuent l’existence d’une entité (un système, un individu ou un territoire etc.). La perturbation ne se définit plus systématiquement comme une crise et son origine ne provient pas forcément de la réalisation d’un événement majeur. Cette perturbation peut correspondre à tout événement qui, à un moment donné, déséquilibre le système dans lequel il interagit.

La résilience ainsi définie est pensée comme processus de très long terme. Cette lecture permet de réfléchir en termes de trajectoire, en incorporant les temps forts, les crises lentes, les processus de transition, etc. qui correspondent à une lente évolution des systèmes. Cette approche a été particulièrement développée dans l’analyse spatiale et la géographie des systèmes (Aschan-Leygonie, 1998 ; Djament, 2005 ; Hernandez, 2010 ; Djament et Reghezza, 2012). Elle permet d’insister à la fois sur le caractère dynamique et non linéaire des trajectoires et sur les propriétés d’émergence au sein du système, propriétés qui peuvent conduire à sa bifurcation. De nombreux auteurs privilégient d’ailleurs d’autres entrées : G.

Djament parle de « reproduction » plutôt que de résilience ; d’autres travaux adoptent la perspective du post pour appréhender les transitions des systèmes socio-spatiaux (Reghezza et al., 2012)

D. Provitolo privilégie cette approche qui lui permet de poser un continuum entre vulnérabilité et résilience (Provitolo et Reghezza, 2015). Elle insiste sur le caractère construit mais aussi dynamique de la résilience et de l’individu en montrant que les états de vulnérabilité et de résilience sont tout sauf figés.

Une telle approche demande de regarder non plus des états mais des trajectoires de vulnérabilité et de résilience sur des temps longs.

Dans le document The DART-Europe E-theses Portal (Page 125-128)