• Aucun résultat trouvé

Des terrains d’étude différents mais complémentaires

Dans le document The DART-Europe E-theses Portal (Page 26-31)

INTRODUCTION GÉNÉRALE

1- Des terrains d’étude différents mais complémentaires

___________________________________________________________________________

Entre 1990 et 2008, « la Caraïbe a subi 165 catastrophes naturelles. L’impact total (dommages et pertes) au cours de cette même période est estimé à 136 milliards de $US2 ».

La région caraïbe a indéniablement un lourd passé de catastrophes naturelles : l’éruption du volcan de la montagne Pelée en Martinique en 1902 qui a dévasté la ville de Saint-Pierre et fait près de 28 000 victimes ; celle de la Soufrière de la Guadeloupe en 1976, et de la Soufrière de Montserrat en 1995 et 2009 ; les cyclones de 1928 en Guadeloupe : Édith en 1963, David en 1979, Dean en 2007, Matthew en 2016 ; ou encore le tremblement de terre à Terre-de-Bas (aux Saintes en Guadeloupe) en 2004, et celui qui a ravagé Haïti en 2010. Tous ces aléas ont tragiquement frappé ces territoires insulaires (Carte 1).

La Guadeloupe, la Martinique et Haïti présentent, a priori, un contexte géographique identique, avec une exposition forte à des aléas extrêmement violents et récurrents. Ces territoires insulaires partagent également une forte vulnérabilité, liée à des facteurs socio-économiques et politiques, bien identifiés dans la littérature (Pagney et Leone, 1999 ; Leone et Vinet, 2006 ; Jno-Baptiste et Yacou, 2007 ; Becerra et Peltier, 2009). Enfin, ils s’inscrivent au sein d’une aire culturelle commune, marquée par la colonisation et l’esclavage, façonnée par des apports migratoires multiples, jalonnée d’événements historiques parfois comparables, parfois violents, qui ont alimenté les trajectoires de vulnérabilité de ces territoires et des populations qui y vivent.

La récurrence des désastres fait de ces territoires des terrains privilégiés pour étudier le relèvement post-catastrophe. En effet, malgré les nombreux événements destructeurs survenus

2 Source : site internet www.acs-aec.org

26

au sein de ces trois espaces insulaires, événements cataclysmiques qui ont parfois rasé des villes entières en ne laissant que quelques survivants, on n’observe jamais de disparition définitive des lieux ou des communautés, ce qui renvoie à des processus de résilience territoriale et sociale. Je me suis donc d’emblée interrogée sur les « mécanismes », les

« raisons », je ne trouvais pas encore le bon terme, d’un tel relèvement.

Carte 1 : Carte de présentation des Antilles (Conception et réalisation : F. Benitez, source : Openstreetmap)

28

Le choix de mes terrains relève également de considérations plus personnelles. Mon mémoire de master était déjà consacré à « la prévention des catastrophes naturelles dans les territoires insulaires guadeloupéens (Les Saintes, Marie Galante et la Désirade) » (Benitez, 2015). Mais plus largement, j’entretiens un rapport particulier avec les Antilles françaises.

Avant d’entreprendre des études de géographie, j’ai travaillé une dizaine d’années en tant qu’infirmière et exercé dans différents services : psychiatrie, pédopsychiatrie, service d’aide sociale à l’enfance, etc. J’ai séjourné à plusieurs reprises dans les Antilles françaises : en Martinique (six fois), et en Guadeloupe, plus précisément à Marie-Galante, pour effectuer des remplacements d’infirmière libérale.

Adolescente, j’ai souvent rêvé de ces îles, en nourrissant mon imaginaire des stéréotypes attachés à ces territoires : eaux turquoises, palmiers et fleurs dont je ne connaissais pas le nom, musique, couleurs vives, etc. L’expérience de la vie insulaire a changé mon regard sur ces territoires, mais a conforté mon attachement. J’ai appris à connaître la culture créole, cet art de vivre, cette langue chantante et si imagée, les coutumes et traditions, mais également une réalité bien différente des représentations fantasmées des métropolitains. J’ai surtout appris à connaître les habitants de ces territoires et à gagner leur confiance, ce qui m’a permis d’accéder aux différents récits et mémoires de ces insulaires si fiers de leurs îles. J’ai aussi compris les blessures de l’esclavage et de la colonisation, qui ont profondément marqué ces territoires et leurs habitants, et qui sont non seulement présentes dans les esprits, mais aussi vivantes dans les discours et les réactions. J’ai même été parfois, en tant que femme blanche métropolitaine, confrontée à l’une de leurs conséquences directes : le racisme. Je reviendrai plus en détail sur cette expérience, lors du développement de la méthodologie employée dans mon travail de recherche.

Le terrain antillais s’est donc imposé à moi comme une évidence. Le choix d’Haïti est arrivé dans un second temps, puisqu’il m’a été proposé par mon laboratoire d’accueil, le GRED3 (Gouvernance, Risque, Environnement et Développement). Jamais auparavant je n’aurais pensé pouvoir aller travailler dans ce pays. Haïti résonne très fortement au sein des Antilles françaises, tant par des similitudes historiques que dans les manifestations culturelles (peinture, musique, littérature, etc.). J’étais très impatiente de découvrir ce pays, mais j’étais loin d’imaginer ce qu’il remuerait en moi. Je suis partie avec des idées préconçues sur ce que vivre en Haïti voulait dire, et je suis revenue avec des témoignages et des

3 L’UMR GRED structure ses activités autour de quatre axes : Biodiversité et sociétés, Gouvernance des ressources et des territoires, Pluralité des règles, des acteurs et des espaces de décision, Risques, transports et vulnérabilités des territoires et Modélisation et représentations spatiales pour l’aide à la décision en aménagement. Site internet : http://www.gred.ird.fr.

expériences concrètes de ce que pouvait être la vie là-bas. Haïti est un territoire où la dimension affective prend, immédiatement, une place prépondérante. C’est le seul endroit pour lequel je peux dire que, sans l’aide des personnes rencontrées sur place, je ne sais pas comment mon séjour se serait terminé.

Robert Louis Stevenson écrivait que « l’important, ce n’est pas la destination mais le voyage ». Le voyage est ici une succession de rencontres, et les séjours haïtiens ont été riches en la matière. Mais avant d’aborder ces rencontres, il convient de présenter plus en détail mes trois terrains d’étude.

30

2- Guadeloupe, Martinique et Haïti : trois territoires insulaires antillais

Dans le document The DART-Europe E-theses Portal (Page 26-31)