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Avec l’infection chronique à P. aeruginosa, les patients CF reçoivent des traitements antibiotiques quotidiens renforcés par des cures plus intensives lors des épisodes d’exacerbations pulmonaires (cf. paragraphe I.E.2.b)). Cette pression antibiotique permanente entraine l’émergence de souches résistantes de P. aeruginosa.

1. Les mécanismes de résistances

Ils existent différents mécanismes qui peuvent conférer une résistance aux antibiotiques (Poole, 2011) :

- Résistance par modification de la cible : la cible de l’antibiotique n’est plus reconnue par cet antibiotique. C’est le cas par exemple lors de mutation dans les gènes codant une sous-unité de l’ADN-gyrase bactérienne, cible des quinolones et fluoroquinolones.

- Résistance par modification de l’antibiotique : il y a acquisition d’une enzyme par la bactérie qui réduit ou inhibe l’activité de l’antibiotique. Par exemple, l’acquisition de

gènes codant des -lactamases ou des acyl-phospho-transférases permet

respectivement l’hydrolyse les -lactamines et la modification les aminosides.

- Résistance par diminution de la concentration en antibiotique au niveau de la cible : il s’agit de deux types de mécanismes. Le premier réduit la pénétration, par exemple par les porines présentes à la membrane externe, à l’instar d’OprD. Les mutations provoquant une réduction du diamètre ou des charges de ces porines permettent la résistance à certains antibiotiques comme l’imipénème (classe des carbapénèmes). Le second mécanisme consiste à exporter l’antibiotique par un système d’efflux qui peut être plus ou moins spécifique d’un antibiotique. Par exemple, la pompe MexAB-OprM permet l’efflux de certaines -lactamines alors que l’efflux des aminosides est spécifique de MexXY-OprM (Masuda et al., 2000). Ce mécanisme d’efflux semble prépondérant dans la résistance de P. aeruginosa aux antibiotiques.

D’autre part, il a été montré que le biofilm conférait une augmentation des résistances aux -lactamines, aminosides et tétracyclines mais pas au fluoroquinolones (Olson et al., 2002). En effet le biofilm diminue la pénétration des antibiotiques et réduit l’activité métabolique d’une partie de la population réduisant ainsi leur susceptibilité aux antibiotiques (cf. paragraphe II.B.1.d) (Drenkard, 2003).

2. P. aeruginosa : une bactérie multi-résistante

P. aeruginosa est naturellement résistante aux quinolones de première génération et à

certaines -lactamines en raison de la production intrinsèque d’une céphalosporinase inductible et d’une oxacillinase, AmpC et PoxB respectivement. La faible perméabilité naturelle de sa membrane externe lui confère également une résistance à certains aminosides, carbapénèmes et autres -lactamines. A ces résistances naturelles, viennent s’ajouter les résistances acquises. Les résistances aux antibiotiques acquises proviennent, comme décrit dans le paragraphe II.B.2, de mutations dans les gènes du core-génome (mutations ponctuelles, souches hypermutables, SCV) ou d’une acquisition de gène exogènes par transfert horizontal (Poole, 2011). Par exemple les transposons, composants du génome accessoire et pouvant être transférés entre les bactéries, contiennent de nombreux gènes de résistance : aux -lactamines (transposon Tn6061, Tn6001 et Tn1213) ; aux aminosides, tétracyclines, rifampicine, chloramphénicol et sulfamides (Tn6061) ; aux carbapénèmes (Tn4401b) (Kung et al., 2010). Cette résistance a cependant un coût pour la bactérie qui devient généralement moins compétitive dans l’environnement, les isolats environnementaux présentant d’ailleurs globalement moins de résistances (Janam et al., 2011). En revanche, avec la pression de sélection induite par l’utilisation massive d’antibiotiques dans l’environnement clinique, il est aujourd’hui observé chez les patients CF un accroissement des souches résistantes pour la majorité des antibiotiques depuis les années 90, y compris un accroissement des souches multi-résistantes (Table 4) (Emerson et al., 2010). Ces souches multi-résistantes, appelés MDR (pour multi-drug resistant), sont caractérisées par une résistance à au moins 3 des 4 principales classes d’antibiotiques à savoir i) les -lactamines, ii) les carbapénèmes, iii) les aminosides et iv) les fluoroquinolones. Ces MDR représentent aujourd’hui 10 à 20 % des souches retrouvées chez les patients CF et le traitement par colistine (une polymyxine) est actuellement le dernier recours (Barbier & Wolff, 2010). La colistine agit en déstabilisant la membrane externe de la bactérie et certaines souches acquièrent une résistance à cet antibiotique par modification de leur LPS. Ainsi, bien que cela reste rare, il a déjà été observé des souches résistances aux polymyxines ainsi qu’aux autres classes d’antibiotiques, dénommées souches pan-résistantes. (Barbier & Wolff, 2010; Falagas

et al., 2006).

Introduction

Table 4 : Prévalence de la résistance des souches de P. aeruginosa chez les patients CF L’étude a été réalisée aux Etats Unis sur une cohorte de patients CF, présentant une culture positive à P. aeruginosa. La prévalence de la résistance pour chaque antibiotique a été évaluée en 1995 (historical cohort) et en 2008 (Comtemporary cohort). Sont surlignés en rouge les antibiotiques pour lesquels la prévalence des résistances à augmenté dans le temps et en vert celle pour lequel elle a stagné. A noter que la résistance à la ticarcilline a été évaluée pour cet antibiotique seul en 1995 et associé à l’acide clavulanique en 2008. D’après Emerson et al., 2010.

3. Les nouvelles pistes de traitements

De nouvelles formulations améliorant la biodisponibilité des antibiotiques et réduisant leur toxicité sont actuellement en phase d’essai clinique II et III (http://www.cff.org). Ces améliorations consistent à formuler l’antibiotique pour qu’il soit inhalé (lévofloxacine), proposé sous forme de poudre à inhaler (tobramycine, ciprofloxacine) ou encore sous forme de liposomes, en inhalation (amikacine). Enfin, l’association fosfomycine/tobramycine est également développée sous forme inhalée. Malgré une meilleure efficacité de l’antibiotique apportée par ces nouvelles formulations, celles-ci ne répondent pas au problème des MDR. Seul le développement de nouvelles classes d’antibiotiques visant de nouvelles cibles bactériennes, pourraient être efficaces sur ces MDR (Bals et al., 2011). Cependant, le nombre de nouvelles cibles semble limité et la grande capacité d’adaptation de P. aeruginosa laisse penser que l’apparition de résistances à ces nouvelles classes pourrait être rapide. D’ailleurs, alors que de nouvelles cibles bactériennes ont été proposées, il n’y a actuellement, en phase d’essai clinique, aucune nouvelle classe d’antibiotique visant à traiter les infections pulmonaires chez les patients CF.

Sont également envisagées des solutions qui, contrairement aux antibiotiques, n’ont pas un effet bactéricide ni bactériostatique mais ont pour but de diminuer considérablement

l’expression des facteurs de virulence. Dans ces conditions, l’élimination de la bactérie par le système immunitaire du patient serait facilitée. Des composés tels que le furanone et les organosulfures ont été décrits comme inhibiteurs de quorum sensing. Associés à la réduction de l’expression de facteurs de virulence, le furanone altère l’architecture du biofilm tandis que les organosulfures inhibent sa formation. Ils permettent tous deux de réduire l’infection à

P. aeruginosa dans deux modèles animaux différents, probablement en faisant basculer

l’équilibre délicat entre la virulence de la bactérie et l’efficacité du système immunitaire en faveur des mécanismes de clairance de l’hôte (Cady et al., 2012; Hentzer et al., 2002; Hentzer

et al., 2003).

Une autre solution pourrait être de moduler la réponse immunitaire afin de faciliter l’élimination de la bactérie. Cela est envisageable sous plusieurs aspects. D’abord, en augmentant l’efficacité de cette réponse chez le patient avec d’une part une réduction de l’inflammation excessive, avec des antagonistes des TLR par exemple, et d’autre part en stimulant la réponse adaptative, par un vaccin contre P. aeruginosa par exemple (Bals et al., 2011; Kipnis et al., 2006). Le second aspect consiste à augmenter le taux de certains effecteurs de cette réponse immunitaire tels que les peptides antimicrobiens. Il a par exemple été montré que la surexpression de la trappin-2, précurseur de l’élafine qui est un inhibiteur de l’élastase, permettait de diminuer l’inflammation et d’augmenter la clairance bactérienne dans les poumons de souris (Sallenave, 2002; Simpson et al., 2001; Wilkinson et al., 2009). La trappin-2 ainsi que l’élafine semblent également pouvoir diminuer l’expression de facteurs de virulence de P. aeruginosa (Bellemare et al., 2010).

Enfin, un traitement prometteur repose sur l’utilisation des bactériophages, virus infectant naturellement les bactéries. Cette option thérapeutique est pleinement développée dans la partie III.

Bien que l’ensemble de ces pistes thérapeutiques semble pouvoir répondre au problème des MDR, il semble cependant que la meilleure option actuelle reste leur association avec des antibiotiques. Il est notamment envisageable que cette approche réduise l’apparition de souches résistantes, à l’une comme à l’autre de ces thérapies. Cette hypothèse est d’autant plus pertinente que coexistent généralement plusieurs populations de

Introduction

III. L’utilisation des bactériophages contre l’infection à

P. aeruginosa