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D. Les symptômes de la maladie

3. Les atteintes des voies respiratoires

a)

L’épithélium respiratoire normal

L’épithélium respiratoire recouvre les voies aériennes supérieures et inférieures (des fosses nasales aux alvéoles). Au niveau trachéo-bronchique, sont retrouvés 4 principaux types cellulaires :

- les cellules ciliées : elles sont majoritaires, de forme prismatique. Leur pôle apical est riche en mitochondries permettant de fournir l’énergie nécessaire au battement des 250 à 300 cils présents à leur surface (Postiaux & Paupe, 2003). CFTR s’exprime majoritairement dans ces cellules.

- les cellules caliciformes : elles sont environ 5 fois moins nombreuses que les cellules ciliées. Leur pôle apical est dilaté et contient de nombreuses vacuoles de sécrétion renfermant entre autres des mucines et des IgA sécrétoires, celles-ci constituant la première ligne de défense au niveau des sécrétions contre les bactéries et les virus (Goodman et al., 1981; Verdugo, 1990).

- les cellules intermédiaires : elles sont minoritaires, fusiformes, non ciliées et non sécrétoires.

- les cellules basales : elles sont triangulaires, ancrées à la lame basale de l’épithélium. Au cours d’une vie, en moyenne 300 millions de litres d’air, contenant pathogènes et molécules toxiques, seront filtrés par les poumons. L’épithélium respiratoire tient donc un rôle crucial de défense qui lui est conféré par 3 principales propriétés : être jointif grâce aux jonctions intercellulaires (GAP, d’ancrage, serrées cf. paragraphe I.C.1), posséder une réponse immunitaire et être recouvert d’un liquide de surface. Ce liquide visqueux est composé de deux phases : le liquide périciliaire et la phase gel. Le liquide périciliaire est principalement composé d’eau et d’ions. C’est la teneur en sels qui régule son volume par osmose. La phase gel située au dessus de la phase périciliaire est riche en mucines qui sont des glycoprotéines

filamenteuses de haut poids moléculaire. Elles créent entre elles des ponts disulfures formant un polymère visco-élastique.

La visco-élasticité du réseau confère au liquide de surface une défense de l’épithélium en deux temps. Premièrement les bactéries sont piégées par la viscosité et neutralisées par les mucines qui adhérent aux adhésines bactériennes (Ramphal et al., 1996; Trivier et al., 1997). De plus des défensines, peptides antimicrobiens, sont sécrétées par les neutrophiles (- défensines) et par les cellules épithéliales (-défensines) (Lehrer et al., 1993; Zhao et al., 1996). Deuxièmement, la visco-élasticité de la phase gel permet la clairance mucociliaire (Puchelle et al., 1987). Les cils, baignés par le liquide périciliaire, ont leur pointe dans la phase gel lorsqu’ils sont étirés. A ce moment, par une propulsion en avant, la pointe des cils fait progresser la phase gel élastique vers la trachée. Les cils se replient ensuite dans le liquide périciliaire pour reprendre leur position initiale. Leur battement est coordonné, à raison d’environ 1000 par minute. La toux contribue, en plus de la clairance mucociliaire, à l’évacuation du mucus contenant les pathogènes et les toxiques (Postiaux & Paupe, 2003).

b)

L’épithélium respiratoire dans le contexte de la mucoviscidose

(1) La clairance mucociliaire

Dans le cas de cette maladie, la clairance mucociliaire est ralentie (Figure 7). Premièrement le liquide périciliaire est déshydraté en raison de l’hyperabsorption du NaCl (cf. § I.C.5). Cette phase liquide est donc moins importante et les cils se retrouvent ainsi englués dans la phase gel et ne peuvent plus se mouvoir correctement. Ce processus d’engluage des cils est accentué par une viscosité augmentée du mucus, plus épais en raison d’une augmentation de sécrétion des mucines chez les patients CF (Ali & Pearson, 2007; Hauber et al., 2004; Hauber et al., 2005; Nakanishi et al., 2001). Enfin, les ions bicarbonate jouant un rôle tampon dans les liquides de surface des épithéliums, une diminution du pH dans les liquides de surface de l’épithélium bronchique est observée chez les patients CF (Coakley et al., 2003). Cette acidification modifierait les charges électrostatiques ainsi que l’exposition des régions hydrophobes des mucines provoquant leur agrégation et augmentant encore la viscosité du mucus (Bhaskar et al., 1991).

Introduction

Figure 7 : Conséquence du dysfonctionnement de transport ionique sur la clairance mucociliaire dans la mucoviscidose

L’épithélium respiratoire CF présente une absorption d’eau secondaire à l’hyperabsorption de sodium et au manque de sécrétion de chlorure. Ainsi, le liquide périciliaire est déshydraté et les cils des cellules ciliées sont englués dans la phase gel et ne peuvent plus assurer un battement correct. Ce phénomène est aggravé par l’augmentation de sécrétion de mucines par les cellules caliciformes. La clairance mucociliaire est alors diminuée favorisant la prolifération de bactéries et virus au sein du mucus visqueux.

(2) Les infections pulmonaires

La clairance mucociliaire étant diminuée, les sécrétions renfermant les pathogènes s’accumulent, ces derniers s’y multiplient et provoquent diverses infections. De plus, les défenses immunitaires sont amoindries, à l’instar des neutrophiles qui ne peuvent plus migrer dans un mucus si visqueux, la capture et la destruction des bactéries étant de ce fait diminuées (Matsui et al., 2005). Ainsi, la quasi-totalité des patients souffrent d’infections pulmonaires provoquées par diverses pathogènes qui peuvent être isolés à partir d’expectorations ou de lavages broncho-alvéolaires. La nature des germes retrouvés dépend du patient et varie avec l’âge (Figure 8). Le premier germe à s’implanter est souvent Staphylococcus aureus, très rapidement après la naissance. C’est le germe le plus répandu avec 67 % des patients touchés, tous âges confondus. De plus, ces 10 dernières années, la prévalence de souches de S. aureus résistant à la méthicilline (MRSA) n’a cessé d’augmenter, avec 7.3 % des patients atteints en 2001, 22.6% en 2008 et 25.7 % en 2010. Cette émergence de souches de MRSA complique le traitement des patients mais n’est toutefois pas liée au facteur mucoviscidose puisqu’elle est également observée dans les infections communautaires (LiPuma, 2010). L’infection précoce à S. aureus, qui cause des lésions pulmonaires, ainsi que les traitements anti- Staphylococciques favorisent ensuite l’implantation de souches de Pseudomonas aeruginosa

(Govan & Nelson, 1993; Ratjen et al., 2001). La primo-infection à P. aeruginosa a lieu vers l’adolescence. L’infection devient ensuite chronique et constitue un des facteurs prédicteurs de morbidité et de mortalité (Emerson et al., 2002). C’est pour autant un germe très fréquent avec plus de la moitié des patients infectés. De manière au moins aussi préoccupante que pour le MRSA, il y a actuellement une émergence des P. aeruginosa multi-drug résistant (MDR- PA). Certains patients sont également infectés, de manière chronique par Burkholderia

cepacia complex, qui regroupe 17 espèces très proches entre elles de B. cepacia.

Actuellement, la prévalence de B. cepacia et de P. aeruginosa (hors MDR-PA) décroit. En revanche, d’autres pathogènes opportunistes tels que Stenotrophomonas maltophilia et

Alcaligenes xylosoxidans émergent. S. maltophilia était par exemple retrouvée chez seulement

4 % des patients en 1996 alors que son niveau atteint les 13.8 % pour l’année 2010 (LiPuma, 2010); http://www.cff.org). Par ailleurs, en France 6.6 % des patients CF sont infectés par diverses Mycobactéries non tuberculeuse (NTM), notamment Mycobacterium abscessus

complex et Mycobacterium avium complex, représentant à eux deux plus de 95 % des

infections pulmonaires à NTM chez ces patients (Roux et al., 2009). De par leurs différents dysfonctionnements, les poumons des patients CF constituent un véritable écosystème dans lequel sont retrouvées encore bien d’autres bactéries pathogènes, tel que Haemophilus

influenzae, Streptococcus pneumoniae ou encore des entérobactéries telles que E. coli ou Klebsiella pneumoniae (LiPuma, 2010). De façon plus étonnante, des bactéries anaérobies, du

genre Prevotella, Propionibacterium, Porphyromonas, Selenomonas ou encore Veillonella, sont fréquemment présentes dans les poumons des patients, et ceci en grande quantité, entre 104 et 107 CFU/g d’expectoration, concentration comparable à celle de P. aeruginosa (Bittar

et al., 2008; Tunney et al., 2008). La colonisation à P. aeruginosa semble d’ailleurs participer

à l’implantation de ces bactéries anaérobies puisque la probabilité de retrouver ces dernière dans les expectorations est plus importante pour les patients colonisés par P. aeruginosa (Tunney et al., 2008). D’autre part, le microbiote pulmonaire des patients CF est aussi composé de nombreuses espèces de champignons dont certaines pourraient participer au déclin de la fonction respiratoire (Chotirmall et al., 2010). Ainsi, dans les expectorations de patients adultes, les genres Aspergillus et Candida sont très fréquemment retrouvés, notamment A. fumigatus et C. albicans détectés chez 54 % et 80 % des patients respectivement (Bouchara et al., 2008). Malassezia sp., Scedosporium prolificans et

S. apiospermum et Exophiala dermatitidis sont aussi régulièrement retrouvés (Bouchara et al.,

Introduction des virus Influenza, des virus Parainfluenza, le virus respiratoire syncytial ou encore des

Coronavirus (Burns et al., 2012).

Comme détaillé précédemment, ces différents pathogènes vont évoluer avec l’âge du patient mais aussi évoluer individuellement, compliquant une fois de plus le traitement de ces patients. En plus de l’acquisition de résistances aux antibiotiques, les bactéries développent des moyens de défense vis-à-vis du système immunitaire. Par exemple, la formation de biofilm par P. aeruginosa ou la formation d’une capsule polysaccharidique par S.aureus va leur conférer une résistance à la phagocytose (Callaghan & McClean, 2012; Ulrich et al., 2007). D’autre part ces différents micro-organismes vont interagir entre eux, à l’image du virus respiratoire syncytial qui va aider à la colonisation bactérienne de l’épithélium et à la diminution de la clairance mucociliaire bactérienne (Van Ewijk et al., 2007; Stark et al., 2006).

Figure 8 : Germes respiratoires par tranche d’âge en 2010

‡ MRSA : Staphylococcus aureus résistant à la méthicilline

* MDR-PA : Pseudomonas aeruginosa multi-drug résistant

En moyenne, sur l’ensemble des patients, la prévalence est 51.2 % pour P. aeruginosa (-), 17.2 % pour H. influenza (-), 67 % pour S. aureus (-), 9.8 % pour MDR-PA (-),13.8 % pour S. maltophilia (-), 2.5 % pour B. cepacia complex (-), 6.2 % pour A. xylosoxydans(-) et 25.7 % pour MRSA (-). Selon le rapport de données annuel 2010 du registre patient de la Cystic Fibrosis Foundation

(http://www.cff.org/UploadedFiles/LivingWithCF/CareCenterNetwork/PatientRegistry/2010- Patient-Registry-Report.pdf).

(3) Les symptômes cliniques

En plus des lésions, les infections pulmonaires vont provoquer une inflammation chronique chez les patients, engendrant notamment la sécrétion de nombreuses cytokines pro- inflammatoires et une augmentation de la population de neutrophiles (cf. paragraphe II.B.3.).

En premier lieu, ces facteurs inflammatoires vont venir exacerber les problèmes préexistants, favorisant encore l’implantation des pathogènes. En effet, il a été montré que l’interleukine (IL-) 6, le tumor necrosis factor (TNF)-, l’IL-1 et IL-9 stimulaient la sécrétion de différentes mucines (Hauber et al., 2004; Longphre et al., 1999; Louahed et al., 2000; Smirnova et al., 2001; Yoon et al., 1999; Zhou et al., 2001).

D’autres part, l’inflammation chronique, avec une hypersécrétion de protéases telle que l’élastase par les neutrophiles, ajoutée au stress oxydant généré par les ROS (cf. § I.C.5), va conduire à une protéolyse dégradant les tissus pulmonaires, une dilatation des bronches et une fibrose pulmonaire (Gibson et al., 2003; Marelich & Cross, 1996). Viennent s’ajouter à cela, des atteintes ORL comme des polypes nasaux (Brihaye et al., 1997). Les patients atteints de mucoviscidose présentent ainsi une dyspnée (gêne pour respirer), une ventilation pulmonaire accélérée et sifflante, des rhinosinusites et une toux chroniques, des expectorations de mucus et parfois des hémoptysies. L’intensité de ces symptômes varie dans le temps et les patients connaissent des épisodes d’exacerbation (augmentation en fréquence et en intensité de la toux, des expectorations, des hémoptysies, diminution des capacités respiratoires, fièvre, fatigue). Les exacerbations pulmonaires répétées ont des répercutions négatives à long terme, sur la fonction pulmonaire et l’espérance de vie. L’insuffisance respiratoire est de plus en plus sévère avec l’augmentation de l’âge. Elle peut être évaluée par la mesure du volume expiratoire forcé en 1 seconde (FEV1), reflétant la fonction pulmonaire (Figure 9).

Figure 9 : Fonction respiratoire en fonction de l’âge

Le FEV1 est exprimé en pourcentage de la valeur normale calculée par rapport à la taille, au

poids, à l’âge, au sexe, aux origines ethniques… du patient.

FEV1normale (≥ 70 %)

FEV1modérée (40 % à 69 %)

Introduction