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Exploration fonctionnelle du transport ionique par mesure de la différence de potentiel (ddp)

F. Le diagnostic de la maladie

3. Exploration fonctionnelle du transport ionique par mesure de la différence de potentiel (ddp)

a)

Origine du potentiel transépithélial

L’épithélium est constitué de cellules jointives qui séparent deux compartiments de compositions chimiques différentes : le compartiment intracellulaire (int.) et le compartiment extracellulaire (ext.). La différence de composition en ions est nécessaire au maintient de l’homéostasie et aux besoins métaboliques des cellules. Elle est maintenue par l’association des transports trans-cellulaires (pompes, canaux et transporteurs) et par l’étanchéité de l’épithélium grâce aux jonctions serrées (cf. § I.C.1).

D’une part, les ions sont des molécules chargées répondant au principe d’électroneutralité. Ce principe implique qu’au sein de chaque compartiment, les charges positives et négatives s’annulent. La concentration de chaque ion sera donc différente dans les deux compartiments avec toujours autant d’anions que de cations pour un compartiment donné.

D’autre part, lorsqu’il existe une différence de concentration entre les 2 compartiments, celle-ci va créer un gradient de concentration au travers de l’épithélium régit

Introduction Ces 2 principes, d’électroneutralité et de diffusion de la matière, sont intégrés dans l’équilibre de Gibbs-Donnan (Table 2). A cet équilibre, les différences de concentration maintiennent un gradient de concentration pour chaque ion. Les ions étant des molécules chargées, celui-ci va induire, au niveau de la membrane, une séparation de charge produisant un gradient électrique en retour. Ce gradient électrique s’oppose à toute autre mouvement de l’ion dans le sens du gradient de concentration. Alors il existe pour chaque ion un équilibre dynamique où la diffusion est continue mais est compensée exactement par une migration imposée par le gradient électrique. Il existe ainsi une différence de potentiel théorique, entre les 2 compartiments, propre à chaque ion. Cette différence de potentiel est définie par l’équation de Nernst (Table 2).

L’équation de Goldman généralise l’équation de Nernst à la membrane de l’épithélium. Elle considère l’ensemble des ions ainsi que la perméabilité de la membrane, différente pour chaque ion (Table 2).

Si la membrane n’était perméable qu'à un seul ion, le potentiel de membrane Em au repos serait égal au potentiel d’équilibre de l’ion Eion décrit ci-dessus. Tel n'est pas le cas et chaque ion est soumis à un gradient électrochimique exprimé par Em - Eion. C’est ce gradient électrochimique qui définira le flux net de l’ion considéré au travers de la membrane plasmique : flux entrant ou flux sortant.

Si l’on considère maintenant le potentiel transépithélial, on ne se place plus de part et d’autre d’une membrane mais d’un épithélium. La différence de potentiel est alors mesurée entre la lumière du côté apical et la face basolatérale de l’épithélium. La perméabilité de l’ion va alors dépendre de la résistance imposée par l’épithélium. Cette résistance (exprimée en Ohm) est l’inverse de la conductance (exprimé en siemens). Elles sont dépendantes de deux paramètres :

- l’étanchéité de la voie paracellulaire dépendant des jonctions serrées (cf. § I.C.1). Plus l’épithélium est jointif, plus la résistance est importante.

- la capacité des ions à franchir les membranes apicale et basolatérale par les différents canaux, transporteurs et pompes (cf. § I.C.1). Plus le transport de l’ion est facilité, plus la conductance est élevée.

Loi de Fick Le flux de diffusion de la matière, des zones de forte concentration vers celles de faible concentration, est proportionnel au gradient de concentration

Equilibre de Gibbs-Donnan Soit deux compartiments A et B séparés par une membrane hémiperméable Etat initial : l’électroneutralité est respectée

La membrane est perméable au sodium (Na+) et au chlorure (Cl-)

La membrane est imperméable à un anion (A-) Les ions chlorure vont diffuser selon leur gradient de concentration

L’anion A-ne peut pas diffuser

En raison du principe d’électroneutralité, les ions sodium diffusent vers le compartiment B contre leur gradient de concentration

Il se créera un équilibre selon lequel le rapport de concentration des ions diffusibles est le suivant : [Na+]Ax [Cl-]A = [Na+]B x [Cl-]B

Equation de Nernst Eion= (RT / zF) x (ln [ion]ext. / ln [ion]int.) Eion: le potentiel d’équilibre de l’ion considéré en mVolts

R : la constante des gaz parfaits (8,314570 Joules·mol-1·K-1)

T : la température en kelvin (K) z : la valence de l’ion

F : la constante de Faraday (96 485 coulomb.mol-1)

ln : logarithme népérien

[ion] : concentration de l’ion considéré Equation de Goldman pour

les 3 ions principalement responsables du potentiel de membrane

Em= (RT / F) x ln ((PNa+ x [Na+]int.+ PK+ x [K+]int + PCl- x [Cl-]ext)/(PNa+ x [Na+]ext.+ PK+x [K+]ext+ PCl-x [Cl-]int))

Em: le potentiel de membrane du côté du compartiment ext.

par rapport au compartiment int., en mVolts

R : la constante des gaz parfaits (8,314570 Joules·mol-1·K-1)

T : la température en kelvin (K)

F : la constante de Faraday (96 485 coulomb.mol-1)

P : la perméabilité de l’ion en m/s ln : logarithme népérien

[x] : concentration de l’ion considéré int. :compartiment interne

ext. : compartiment externe

b)

Technique de mesure de la ddp nasale

La technique de mesure de ddp chez l’homme a été développée par Knowles et ses collaborateurs qui ont également montré qu’elle permettait de discriminer les sujets atteints de mucoviscidose des sujets sains (Knowles et al., 1981; Knowles et al., 1995). Son utilité a ensuite été mise en évidence pour le diagnostic des patients ayant une mucoviscidose atypique (Wilschanski et al., 2001). En France aujourd’hui, ce test est réalisé sur les patients présentant un phénotype atypique lors du dépistage (cf. § I.F.2) afin d’évaluer la fonction de la protéine CFTR au niveau de l’épithélium nasal (Sermet-Gaudelus et al., 2010).

En effet, cette technique permet d’apprécier la perméabilité de la membrane pour différents ions et ainsi d’évaluer l’activité de CFTR. Elle consiste à mesurer la différence de potentiel existant entre deux électrodes. Etant admis que les tissus sous-cutanés ont le même potentiel électrique en tout point du corps, la première électrode est reliée à une aiguille placée en sous- cutanée (côté basolatéral de l’épithélium) au niveau du bras et est utilisée comme électrode de référence. L’électrode de mesure est elle reliée à une voie d’un double cathéter placée au niveau du cornet nasal inférieur, où prédominent les cellules ciliées (cf. § I.D.3.a) (De Boeck

et al., 2011). La différence de potentiel basale est mesurée après la perfusion, par la seconde

voie du cathéter, d’une solution physiologique de Ringer. Cette ddp basale dépend essentiellement de l’absorption du sodium par le canal ENaC, induite par la sécrétion active du sodium au niveau basolatéral par la pompe Na+/K+ATPase. La perfusion d’une solution contenant de l’amiloride, un inhibiteur spécifique du canal ENaC, induit une dépolarisation de la membrane proportionnelle à la perméabilité des ions sodium et donc à l’activité basale du canal. La perfusion d’une solution pauvre en ions chlorure crée un gradient de concentration favorisant la sécrétion du chlorure. Cette étape est traduite par une hyperpolarisation membranaire qui permet d’évaluer globalement la perméabilité de la membrane à ces ions. Afin d’évaluer l’activité maximum de CFTR, la solution pauvre en ions chlorure est supplémentée d’isoprotérénol, un activateur de l’adénylate cyclase permettant ainsi d’augmenter la concentration intracellulaire d’AMPc (Figure 12).

Introduction

Figure 12 : Exemple de mesure de ddp nasale chez un sujet sain et un patient atteint de mucoviscidose

Les tracés représentent l’évolution de la ddp en fonction des différentes solutions perfusées dans le temps. Les valeurs de différence de potentiel basale ainsi que de la dépolarisation induite par l’amiloride (Amiloride) sont fortement plus négatives pour les patients atteints de mucoviscidose que pour les sujets sains en raison de l’absorption accrue du sodium par ENaC chez les patients. L’hyperpolarisation induite par le gradient de chlorure puis par l’isoprotérénol observés chez le sujet sain est absente ou réduite chez les patients, montrant que la conductance aux ions chlorure à la membrane apicale de l’épithélium est majoritairement dépendante de l’activité de CFTR (tracés procurés par D. Roussel et I. Sermet).