4. Les associations de personnes physiques
4.2 La répartition entre associations citoyennes et professionnelles
A titre indicatif, le classement de ces associations aboutit à la répartition suivante :
4.2. La répartition entre associations citoyennes et professionnelles
Davantage encore que la distinction entre associations d’institutions et associations de personnes physiques, la distinction entre associations professionnelles et citoyennes n’est pas facile à établir. Nous avons dû souvent y renoncer du fait d’informations suffisantes, mais aussi parfois parce que certaines associations se positionnaient précisément sur la frontière que nous tentions de tracer, tant du point de vue de leur public‐cible que de leurs finalités et démarches.
Néanmoins, le classement en associations citoyennes et professionnelles, lorsqu’il a pu être effectué, permet d’éclairer les choix opérés par ces associations, dans les domaines d’intervention aussi bien que les modalités d’actions.
4.2.1. Un éclairage sur les domaines d’intervention privilégiés
Le développement du recours à des matériaux et équipements techniques est le domaine de prédilection des associations professionnelles. Ces associations concentrent souvent leurs efforts sur un type de matériau, par exemple la paille comme isolant associé à une ossature bois ou l’une ou l’autre des techniques de construction en terre crue. Une proportion significative prend cependant en compte un large éventail d’écomatériaux et d’équipements techniques. Ces domaines d’intervention recoupent parfois ceux d’associations d’institutions (clusters, pôles de compétitivité ou autres associations d’institutions). De fait, la frontière entre les deux types d’associations s’avère parfois imprécise et elle peut très bien évoluer au gré des partenariats que les associations nouent avec leur environnement, des politiques nationales ou régionales, de leurs modes de gouvernance et de leurs choix d’orientation, et des perspectives d’industrialisation et de développement des marchés qu’offrent ces matériaux et équipements. Les débats que suscitent de telles évolutions au sein et entre associations, confirment toutefois la pertinence de cette distinction. L’émergence d’une filière « chanvre » a bien fait l’objet d’enjeux entre agriculteurs producteurs
Innovations sociales et organisationnelles
Nb % cit.
Expertise citoyenne habitat-environnement 19 16,1%
Expertise citoyenne énergie 7 5,9%
Développement des territoires 11 9,3%
Habitat groupé 14 11,9%
Habitat participatif 13 11,0%
Habitat léger, autonome, mobile 5 4,2%
Auto écoconstruction 7 5,9%
Autoconstruction accompagnée 11 9,3%
Autoconstruction individuelle 8 6,8%
Conception construction, architecture, urbanisme 23 19,5%
Total 118 100,0%
16,1%
5,9%
9,3%
11,9%
11,0%
4,2%
5,9%
9,3%
6,8%
19,5%
de chanvre, industriels, grandes entreprises et artisans désireux de s’approvisionner localement en matériaux aussi peu transformés que possible. La diffusion des techniques de construction en terre crue a bien généré des débats sur l’opportunité d’une meilleure connaissance, voire d’une standardisation du matériau en fonction de son utilisation, sur l’intérêt de rédiger des règles professionnelles de mise en œuvre, mais aussi des craintes des artisans d’être dépossédés de leurs savoirs et de perdre leur autonomie au profit de fournisseurs et de bureaux d’études.
Ce clivage a été mis en évidence lors d’une étude commandée par l’ADEME (CSTB, 2011)88 au cours de laquelle les participants, désireux de s’affranchir de termes jugés inappropriés (technique traditionnelle ou ancienne, matériau naturel, procédé artisanal) pour désigner les techniques qu’ils étudiaient, ont introduit l’appellation de « systèmes constructifs non industrialisés » ainsi définie :
« Pour être qualifié de système constructif non industrialisé, un procédé constructif doit remplir les conditions suivantes :
‐ les performances de l'ouvrage réalisé doivent avant tout dépendre de la qualité de la mise en œuvre et donc du savoir‐faire du compagnon,
‐ la technique constructive ne doit pas s'appuyer sur un produit manufacturé même fabriqué à l'échelle artisanale (petites séries),
‐ les matériaux constituant l'ouvrage doivent "arriver" sur le chantier séparément et faire l'objet d'un procédé de mise en œuvre incluant le "mélange" de ces matériaux. » (CSTB, 2011)
Le clivage ainsi établi entre systèmes constructifs industrialisés et non‐industrialisés renvoie à la distinction entre produit prêt à être installé et matériau nécessitant d’être transformé : « Cette définition n'exclut pas que les matériaux entrant en jeu dans le système non industrialisé soient produits industriellement.
Toutefois, la mise en œuvre doit rester le facteur de performance prépondérant. Un matériau est … différencié d'un produit par le fait que le produit peut être mis en œuvre sans transformation préalable sur le chantier. Exemple : une brique de béton de chanvre est un produit. Un sac de chènevotte ou de chaux est un matériau. ».
Cette observation nous semble révéler que l’accord sur cette appellation est le fruit d’un compromis entre ceux qui, soucieux de promouvoir l’utilisation d’un matériau considèrent que celui‐ci passe par l’instauration d’une filière dans laquelle les transformateurs et distributeurs ont leur place, et ceux qui prônent l’émergence d’un nouvel ordre économique reposant sur de nouveaux rapports de proximité et la notion d’utilité sociale (richesse en emploi de la production) et pas seulement celle de la productivité et de la concurrence entre acteurs économiques.
Les associations citoyennes sont peu nombreuses à donner priorité à des activités visant les matériaux ou les équipements techniques. Lorsqu’elles se portent sur ce terrain, c’est dans l’intention de mettre en œuvre des solutions qui risquent d’être durablement délaissées par les professionnels parce qu’elles sont plus complexes à mettre en œuvre ou moins rentables (solaire thermique, solutions d’améliorations énergétiques respectueuses des bâtiments anciens) ou encore dans l’objectif d’agréger l’ensemble des solutions existantes dans une perspective d’autoconsommation et de réduction drastique de tout impact de l’habitat sur l’environnement. Les associations citoyennes sont beaucoup plus nombreuses à donner la priorité aux innovations sociales et organisationnelles. Cette priorité s’exprime selon quatre orientations dominantes :
le développement d’une expertise citoyenne qui peut porter sur la question de l’énergie mais plus
souvent sur l’ensemble de la relation habitat‐environnement ;
la promotion de nouvelles formes d’habitats (groupés, coopératifs, légers) ;
l’essor des pratiques d’autoconstruction ;
88 Outre le CSTB et la CAPEB, le groupe de travail avait réuni des associations de formation et de recherche (Craterre, ENTPE‐
Formequip), ou d’écoconstruction (Construire en Chanvre, Réseau Ecobâtir). Le rapport fait mention de la collaboration de la FFB sans indiquer sa participation entière au groupe de travail. Le rapport recense les études existantes sur les matériaux terre, pierre sèche, chanvre, apporte de nombreuses informations sur les caractéristiques techniques des matériaux, décrit les procédures de mise en œuvre permettant d’assurer la qualité des ouvrages.
le renouvellement des activités de conception en matière de bâtiment, d’architecture et d’urbanisme.
Associations de personnes physiques
Domaines d'interventions prioritaires Citoyennes Professionnelles Non classées Total
Assainissement 2 1 0 3
Energie 3 2 0 5
Production matériaux locaux géo ou biosourcés 0 11 0 11
Pierre sèche 18 12 12 42
Paille 2 6 0 8
Terre crue 2 7 11 20
Approches multiples matériaux et équipements 1 15 2 18
Ss‐total Matériaux et équipements techniques 28 54 25 107
En % 24 % 74 % 68 % 48 %
Expertise citoyenne Habitat‐environnement 15 3 1 19
Expertise citoyenne énergie 5 1 1 7
Développement des territoires 5 1 5 11
Habitat groupé 12 2 0 14
Habitat participatif 10 1 2 13
Habitat léger, autonome, mobile 4 1 0 5
Auto‐écoconstruction 6 0 1 7
Autoconstruction accompagnée 10 1 0 11
Autoconstruction individuelle 7 0 1 8
Conception bâtiment, architecture, urbanisme 13 9 1 23
Ss‐total Innovations sociales et organisationnelles 87 19 12 118
En % 76 % 26 % 32 % 52 %
Total 115 73 37 225
En % 100 % 100 % 100 % 100 %
Quel que soit le type d’associations, citoyennes ou professionnelles, peu d’entre elles donnent la priorité aux questions relatives à l’énergie, il est vrai déjà largement traitées dans le cadre des politiques publiques et des associations d’institutions, ou aux questions relatives à l’assainissement (compostage urbain, toilettes sèches, gestion des déchets).
La mention de domaines d’intervention prioritaires ne suffit pas à rendre compte de toutes les différences existantes entre les deux types d’associations de personnes physiques. Il faut pour cela s’intéresser de plus près aux activités et démarches qu’elles mettent en œuvre comme le montre les deux études qui suivent sur la pierre sèche, puis sur l’autoconstruction.
4.2.2. Des manières différentes de promouvoir la pierre sèche
De très nombreuses associations, environ 300 selon le site de la Fédération patrimoine‐environnement, interviennent sur des ouvrages en pierre sèche. Notre échantillon en comporte quelques‐unes qui apparaissent tantôt être des associations citoyennes, tantôt des associations professionnelles et on pourrait être tenté d’en conclure qu’elles font à peu près la même chose. C’est loin d’être le cas. Les associations citoyennes interviennent presque exclusivement sur des murs, des édifices, des dallages existants. Leurs actions s’étendent parfois à d’autres éléments du patrimoine de pays. Elles repèrent ces ouvrages, les restaurent, valorisent ces éléments du patrimoine de pays en s’efforçant de leur redonner une fonction (remise en culture de terrasses, circuits piétonniers, organisation d’événements, publications
d’ouvrages, etc.). Ces activités sont généralement réalisées à l’initiative d’habitants, souvent encouragées et aidées par les élus. Elles sont menées dans un esprit qui concourt à l’animation de la vie du village, à l’affirmation d’une identité culturelle, voire à la restauration de relations sociales. Elles suscitent un intérêt lié à l’appropriation et à la transmission d’anciens savoir‐faire. Ce n‘est qu’au cours de leur développement, de l’accumulation de compétences et de connaissances, et de la rencontre avec d’autres acteurs qui s’intéressent également à la pierre sèche, qu’elles sont amenées à partager des acquis avec des établissements de formation agricole, à prêter leur concours à des activités d’insertion ou à participer à la formation de personnels communaux, et éventuellement à découvrir les liens entre leur intérêt pour ce
« petit » patrimoine et la préservation des paysages, l’agropastoralisme, la biodiversité. Largement investie par les associations de sauvegarde du patrimoine, la restauration des ouvrages en pierre sèche est de fait intégrée à des objectifs de mise en valeur du cadre de vie, de promotion du tourisme (lavande de Ganagobie, oenotourisme, pistes cyclables) et des produits du terroir (oignons doux des Cévennes).
Quelques associations professionnelles s’impliquent dans cette démarche en effectuant des relevés et en étudiant ces ouvrages, voire en procédant aussi à des travaux de restauration, mais, pour la plupart, elles visent plutôt au redéploiement d’une activité économique, à la création de nouveaux marchés de constructions en pierre sèche (murs de soutènement), à l’édification d’un métier de murailler. La professionnalisation de cette activité semble avoir débuté en 2002. Encouragés par les milieux économiques (chambre des métiers et de l’artisanat du Vaucluse, organisations professionnelles du bâtiment), l’Etat (financement d’études) et quelques collectivités territoriales (financement de formation, aide à la constitution d’écoles de formation), ces associations ont :
réalisé un inventaire national des praticiens de la pierre sèche en 2004. Régulièrement mis à jour, il répertorie actuellement une centaine de professionnels ;
rédigé un guide de bonnes pratiques (CAPEB, ABPS et al, 2008) ;
fait réaliser une série d’études par des étudiants de l’ENTPE, de l’ENPC, de l’Ecole centrale de Lyon grâce au soutien apporté par des programmes de recherche européens : quatre thèses ont été réalisées ou sont en cours (Boris Villemus, 2004 ; Anne‐Sophie Collas, 2009 ; Hong Hanh ; Benjamin Terrade) ;
créé deux certifications, le CQP ouvrier professionnel en pierre sèche et le CQP Compagnon professionnel, homologués respectivement en 2010 et 2014 ;
réalisé des études de marché (Naudet & Lasica, 2015) et sensibilisé la maîtrise d’œuvre dans le cadre de stages courts de formation.
Si les tests de résistance mécanique des murs en pierre sèche, l’existence de professionnels dûment certifiés et la maîtrise des coûts sont autant de préalables nécessaires à l’essor de ce marché, l’information des donneurs d’ordre et la mise en évidence des atouts des constructions en pierre sèche en matière d’agriculture biologique, de régulation et de drainage des eaux, leurs facilités d’entretien, de démontage et de réutilisation, sont aussi des arguments à faire valoir.
On mesure bien la distance qu’il peut y avoir entre les associations citoyennes et les associations professionnelles de la pierre sèche. Les premières sont orientées vers la conservation et la valorisation du patrimoine et fonctionnent sur le bénévolat et la convivialité. Si les secondes ne négligent pas les interventions sur l’existant, elles souhaitent surtout développer un marché professionnel des ouvrages en pierre sèche qui passe nécessairement par la construction neuve et de nouveaux domaines d’application.
L’essor de ce marché, qui est réel à ce qu’en disent plusieurs artisans membres d’associations professionnelles, a cependant à surmonter un certain nombre de freins. La pierre sèche n’a jamais été totalement délaissée. Elle est pratiquée par les paysagistes pour lesquels il existe un CQP ouvrier qualifié en construction d’ouvrages paysagers, homologué par la Commission paritaire nationale de l’emploi (CPNE) agriculture en 2006 qui succède à un CQP maçonnerie paysagère créé en 2000. Beaucoup d’agriculteurs et de viticulteurs veillent à l’entretien de leurs murs de pierre sèche, sont capables de le faire et n’ont pas les ressources pour en confier la réalisation à des entreprises extérieures. Des entreprises du bâtiment de plus grande taille peuvent se positionner ponctuellement sur des marchés importants en comptant sur les
savoir‐faire détenus par leur personnel ou par des travailleurs détachés. Certains pays européens ont en effet devancé la France dans la prise en charge de leur patrimoine en pierre sèche.
Ces difficultés peuvent générer des tensions au sein des associations. Sur son site, l’ABPS89 exprime quelques préoccupations sur la place respective des artisans bâtisseurs en pierre sèche et des associations de bénévoles ou entreprises d’insertion. De leur côté, ces associations peuvent faire valoir la qualité des travaux qu’elles réalisent sur des marchés difficilement solvables, les fonctions sociales qu’elles remplissent et même arguer de leur antériorité et du rôle qu’elles ont joué pour la conservation et la revalorisation des savoir‐faire de la pierre sèche. La volonté de faire reconnaître le métier de bâtisseur en pierre sèche au sein de la branche du bâtiment pourrait bien conduire à reproduire des modes de fonctionnement qui sont ceux de l’économie classique : marchandisation de la formation, utilisation de la certification comme moyen de limiter l’accès aux marchés, lutte contre l’autoproduction, etc.
4.2.3. Des façons différentes d’envisager l’autoconstruction
Dans le bâtiment, l’autoconstruction a toujours été pratiquée par les paysans, les ouvriers et les artisans du bâtiment et les particuliers, pour répondre à leurs propres besoins ou pallier une insuffisance de revenus.
Elle s’appuie sur des réseaux de solidarité, familiaux, locaux, professionnels. Certaines entreprises ont dans le passé clairement soutenu et aidé leurs salariés à construire ou aménager leur logement et aujourd’hui, les distributeurs de matériaux organisent souvent des sessions de formation techniques destinées aux particuliers. L’autoconstruction est combattue par les organisations professionnelles du secteur du bâtiment qui l’accuse de priver de marchés les entreprises qu’elles représentent. L’autoproduction (ou autoconsommation) constitue pourtant un soubassement nécessaire au renouvellement et au développement de l’économie marchande (Braudel, 1979). Il n’est pas étonnant que certaines associations citoyennes font de l’aide à l’autoconstruction, le cœur même de leur activité.
Le modèle des associations Castors et son évolution
Parmi celles‐ci, les plus connues sont les associations « Castors ». Elles sont une dizaine dont la plupart se regroupent autour de deux fédérations. Apparues en France en 1921 sous le nom de « cottages sociaux », elles se sont développées dans les premières années de reconstruction d’après‐guerre. Ces associations se constituent alors autour de groupes qui tentent de pallier une situation de pénurie de logements et d’offrir une alternative aux solutions d’habitat dans des grands ensembles que privilégiait alors le ministère de la Reconstruction en prenant en charge la quasi‐totalité des travaux et en gérant eux‐mêmes la technique, le financement et l’organisation des chantiers . Ce mouvement fondé sur la réalisation collective de logements qui n’étaient répartis entre les participants qu’une fois l’opération achevée, a connu une certaine ampleur jusqu’au milieu des années 1960, puis s’est orienté vers l’assistance à des autoconstructeurs individuels (achat groupé de matériaux, contrat d’assurance, conseils techniques et administratifs, aide à la réalisation des plans, constitution du dossier de permis de construire) sans toutefois exclure les échanges et l’entraide mutuelle (mise en relation d’adhérents ayant des projets similaires ou dont les chantiers sont proches), ni travailler en autarcie vis‐à‐vis du secteur marchand (partenariat avec des fournisseurs et artisans).
Les associations Castors ont évolué pour répondre aux besoins et demandes de leurs adhérents en matière de qualité environnementale : organisation de journées d’information sur l’énergie (solaire thermique, isolation thermique par l’extérieur), visite de sites (maison passive bois/paille), partenariat avec des associations d’écoconstruction (Oïkos, RELIER, Ecobâtir, APPER Solaire), aide en matière de sélection de produits verts, écologiques ou plus largement compatibles avec la notion de développement durable (Castors Verts®). Les associations Castors de création récente et qui par leur taille ne peuvent prétendre offrir tous les services classiques, voient dans la prise d’une orientation résolument écologique une bonne façon de s’affirmer (Castors du Lot)
89 http://www.pierreseche.fr
L’organisation de chantiers participatifs encadrés par un professionnel (Enduits chaux‐terre), leur souci de
« Rapprocher adhérents chevronnés et nouveaux venus pour que se mêlent les techniques d'hier et les innovations d'aujourd’hui. », le développement de service Trocastors® pour permettre de troquer, vendre du matériel ou encore proposer des coups de mains ou des bons plans, semblent indiquer un certain infléchissement vers des pratiques plus collectives.
Certains observateurs90 estiment que les associations Castors ont perdu des adhérents depuis 2010 en raison de la mise en œuvre du principe d’écoconditionnalité des aides qui lie leur attribution à la réalisation des travaux par une entreprise certifiée RGE. Sans doute cela force‐t‐il les associations à s’adapter en demandant à leurs adhérents quels travaux ils souhaitent réaliser eux‐mêmes et quels travaux ils envisagent de faire faire par une entreprise.
Le modèle de l’autoconstruction accompagnée
Développée principalement par l’Association nationale des compagnons bâtisseurs (ANCB) et ses associations régionales, l’autoconstruction ou autoréhabilitation accompagnée, se distingue de l’initiative des Castors qui s’adresse à un public disposant de quelques ressources financières et d’un capital culturel et technique. Elle cible en effet des publics en situation de précarité et s’inscrit dans la perspective d’une lutte contre l’exclusion. Comme le font observer deux chercheurs du Programme d’Autoproduction et Développement Social (PADES)91, l’économiste Guy Roustang et le sociologue Daniel Cérézuelle,
« L’autoproduction est une ressource mal répartie… l’inégalité des revenus économiques est redoublée par une inégalité des ressources non‐monétaires, ce qui favorise un renforcement des logiques d’exclusion. » (Cérézuelle & Roustang, 2010).
L’accompagnement proposé par ces associations, un monitorat technique doublé d’un accompagnement social, vise donc à mettre l’autoproduction au service des plus démunis.
Créée dans les années 1950, l’association qui reposait au départ sur la mobilisation de jeunes volontaires pour aider les plus démunis à construire des maisons décentes, a mis en évidence les bénéfices que ces populations pouvaient retirer du fait d’être associées à la réalisation des travaux. Souvent trop éloignés de l’emploi pour que cette participation puisse donner lieu à une qualification professionnelle et être évaluée en termes d’effets sur l’insertion professionnelle, elle contribue toutefois au rétablissement de la confiance en soi, participe à la restauration de liens sociaux, favorise la réappropriation du logement. Elle appelle cela
« l’insertion par l’habitat ». « Dans les actions d’accompagnement à l’autoproduction, l’intention première n’est pas d’inciter le bénéficiaire à acquérir des savoir‐faire vendables sur le marché du travail. Il s’agit surtout d’acquérir ou de réactiver des savoir‐faire qui sont ceux de la vie quotidienne. »
A défaut de pouvoir envisager fréquemment des actions débouchant sur des certifications et une insertion professionnelle, certaines associations de compagnons bâtisseurs mettent en place des dispositifs d’insertion par l’activité économique (Rennes, Saint‐Malo pour l’association de Bretagne).
Plus tard, face au bilan mitigé des opérations de rénovation urbaine classiques, l’association met en évidence la contribution que ces initiatives apportent en matière de réhabilitation et de développement social des quartiers. Diverses initiatives nouvelles participent de cet objectif de favoriser la prise d’autonomie et le développement de nouvelles solidarités de proximité : ateliers de quartier à Thiers et Clermont‐Ferrand pour les compagnons bâtisseurs Auvergne ; à Clichy‐sous‐Bois, Montreuil, Villetaneuse, Ile‐Saint‐Denis pour l’association Ile‐De‐France ; bricothèque itinérante pour l’association Centre‐Val de Loire).
90 http://www.ladepeche.fr/article/2011/02/24/1021627‐l‐autoconstruction‐ca‐tient‐vraiment.html.
91 Association créée en 2002.
Ces activités des Compagnons bâtisseurs ont nécessité des efforts importants qui ont permis de :
concevoir, établir et faire évoluer les relations avec les travailleurs sociaux (clubs de prévention,
concevoir, établir et faire évoluer les relations avec les travailleurs sociaux (clubs de prévention,