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La filiation avec le modèle des systèmes productifs locaux

3.  Les associations d’institutions

3.1.  La filiation avec le modèle des systèmes productifs locaux

Les agences locales de l’énergie et du climat (ALEC) ont été lancées en 1994 par la Commission européenne  qui considère que les autorités locales sont la clé de voute d’une mobilisation des citoyens. Elles ont  généralement deux axes d’activité complémentaires centrés sur la maîtrise de l’énergie : information du  grand public et définition d’une politique énergétique territoriale.  

 

Ces différents types d’associations ne regroupent pas toutes les associations d’institutions repérées pour  leur implication dans des dispositifs et des politiques se réclamant du développement durable. Loin de là  puisque près d’un tiers des associations de l’échantillon ont été classées dans la rubrique « autres  associations d’institutions ». Ces associations présentent néanmoins l’intérêt d’être regroupées au sein de  fédérations vis‐à‐vis desquelles l’Etat joue souvent un rôle d’animation et d’évaluation. Peu ou prou  héritières des anciens systèmes productifs locaux (SPL), elles s’inscrivent toutes dans une perspective de  renouvellement des institutions et de développement de l’interinstitutionnalité. 

 

3.1. La filiation avec le modèle des systèmes productifs locaux 

Pôles de compétitivité et clusters constituent les formes les plus récentes des systèmes de production  locaux dont la notion est ainsi définie par la Délégation interministérielle à l'aménagement du territoire et à  l'attractivité régionale (DATAR) dans un ouvrage paru en 2002 : « une organisation productive particulière  localisée sur un territoire correspondant généralement à un bassin d'emploi. Cette organisation fonctionne  comme un réseau d'interdépendances constituées d'unités productives ayant des activités similaires ou  complémentaires qui se divisent le travail (entreprises de production ou de services, centres de recherche,  organismes de formation, centres de transfert et de veille technologique, etc.) » (2002). 

 

En réalité, la politique visant à faire émerger ou à soutenir la création de systèmes politiques locaux en  direction des très petites entreprises et des petites et moyennes entreprises (TPE‐PME) remonte en France  à 1998... Et le concept lui‐même peut‐être rattaché aux travaux consacrés aux districts industriels dans  l’ouvrage « principes d’économie politique » d'Alfred Marshall en 1890. 

 

La création en 2005 des pôles de compétitivité a conduit à s’interroger sur la nécessité de poursuivre la  politique de soutien de l’Etat aux systèmes productifs locaux tels qu’ils existaient alors. Le rapport  d’évaluation de 2008 (Vibert & Dupont, 2008) s’achève en effet sur la proposition de trois scénarii  d’évolution : 

 

 L’arrêt de l’expérimentation 

 La déconcentration de la politique en région 

 Une politique globale de compétitivité articulant un soutien à des pôles régionaux qui intégreraient  les SPL et l’accompagnement de pôles nationaux et mondiaux que sont les pôles de compétitivité. 

 

En 2010, le ministère de l’Aménagement du territoire a décidé de mettre fin aux SPL pour promouvoir des  grappes  d’entreprises, alors  au  nombre  de  42,  qui  s’inscrivent plus  largement dans  une  politique  européenne qui entend promouvoir des clusters territoriaux. Ces grappes d’entreprises apparaissent alors à  la fois comme « la seconde division des pôles de compétitivité ? »66 et comme les successeurs, en plus  ambitieux, des SPL. 

 

      

66 Expression utilisée dans le titre de l’article d’Hélène Perrin‐Boulonne dans Friedland, le blog de la chambre de commerce et  d’industrie de région Paris – Ile de France : http://friedland.cci‐paris‐idf.fr/2299_les‐grappes‐d%E2%80%99entreprises‐la‐seconde‐

division‐des‐poles‐de‐competitivite/. 

Quels sont les bénéfices que l’on peut attendre de la création de ces structures et quels changements  socio‐économiques sont‐elles susceptibles d’engendrer ? Le rapport de 2008 sur les SPL présentait un bilan  mitigé sur lequel on peut s’appuyer pour tenter de répondre à la question :  

 

 Après la forte mobilisation lors des appels d’offres initiaux, il y a en moyenne moins d’un projet  nouveau de SPL par an et par région. Il n’y a donc pas eu effet d’entrainement. 

 

 Parmi les 160 SPL ayant bénéficié d’un soutien de l’Etat, une centaine existe toujours en 2007, mais 

« 70 % sont véritablement actifs en terme d’animation et de conduite de projets, le reste connaît  des aléas qui ne permettent pas d’assurer une dynamique en continu » et « une cinquantaine  d’initiatives apparaissent pérennes pour une cinquantaine encore fragiles ». 

 

En conclusion, le rapport présente les SPL comme « une expérimentation qui n’est jamais devenue une  politique … et qui n’a plus guère d’avenir …  Aujourd’hui, la dénomination système productif local n’a plus  beaucoup de sens pour la plupart des interlocuteurs rencontrés en région… Elle a les plus grandes difficultés  à se faire reconnaître face à des politiques régionales affirmées (comme c’est le cas pour les clusters en  Rhône‐Alpes) et à la politique des pôles de compétitivité. »  

 

Mis à part le fait qu’un certain nombre de SPL sont devenus des pôles de compétitivité et que d’autres y  ont été intégrés en tant que membres, nous ne sommes pas parvenus à savoir précisément ce que les 50  SPL  jugés performants en  2008  sont devenus. Tout  juste peut‐on remarquer  que  certains acteurs  continuent à y faire référence sur leur site internet comme le témoignage d’une reconnaissance par l’Etat  de leur qualité et de leur dynamisme. Le rapport a cependant permis d’en apprendre davantage sur le  fonctionnement des SPL et peut guider la réflexion sur les ressemblances et différences avec les nouvelles  formes de regroupement. Il permet d’engager une réflexion sur les moyens d’accompagnement nécessaires  et les bénéfices que l’on peut en attendre.  

 

L’expérimentation  lancée  en  1997  par  appel  à  projets  a  été  conçue  comme  une  politique  d’aménagement du territoire dont on perçoit plus facilement aujourd’hui les limites : 

 

 approche  technocratique  qui  prenant  pour  référence les « zones  d’emploi »67, identifie  200  concentrations d’entreprises sur la base de leur code NAF (Nomenclature d’activités française) et  s’avère donc inapte à prendre en compte les convergences d’intérêts transsectorielles ; 

 

 critères de sélection des projets peu sûrs et absence d’actions régulières et continues de suivi et  d’évaluation ; 

 

 labellisation sur la base de « projets » qui ne permettent pas d’offrir la reconnaissance dont les SPL  avaient besoin pour construire leur légitimité auprès des entreprises et des partenaires et qui s’est  progressivement transformée en une labellisation des structures que la moitié d’entre eux n’ont  pas cherché à obtenir ; 

 

 aide financière limitée de l’Etat : 5,7 millions d’euros sur la période 1999‐2007 pour 160 SPL et un  financement moyen de 35 000 euros par dossier, contre 1,5 milliards d’euros sur trois ans pour 71  pôles de compétitivité (dont la moitié a bénéficié aux quelques pôles mondiaux ou à vocation  mondiale). 

 

Le rapport révèle des tendances d’évolution qui semblent préfigurer le dispositif actuel : 

 

 émergence de la thématique de l’environnement : plus de la moitié des SPL affichent leur volonté  de « produire propre, sain, économe» sans toutefois que le volume d’actions vienne accréditer ces  intentions… ce qui alerte sur la difficulté d’articuler les politiques de développement et de  durabilité  et  la  tentation  de  revendiquer  un  peu  hâtivement  des  prétentions  écologiques  (« greenwashing ») ; 

 thématique croissante de l’innovation concernant la production de services, l’organisation, les  technologies ; 

      

67 Un avatar de la notion de bassins d’emploi revue et corrigée pour les faire correspondre aux frontières des cantons,  départements et régions. 

 développement de la thématique de gestion des ressources humaines : gestion des emplois et des  compétences, formation, appui au recrutement, etc. 

 La diversité des SPL amène les auteurs du rapport à proposer une typologie des clusters distinguant  entre : 

 

o priorité à la performance productive : les clusters « productifs » ; 

o priorité à l’innovation technologique avec un degré d’internationalisation moyen : les  clusters « technologiques » ; 

o priorité  à  la  recherche  avec  un  degré  d’internationalisation  fort :  les  clusters 

« scientifiques ». 

 

Au regard de cette typologie, les SPL apparaissent souvent comme des « clusters productifs » au rayon  d’action limité : près de 40 % se sont développés sur des bassins industriels en mutation. Ils relèvent donc  très  largement  d’une  politique  d’aménagement  du  territoire  tandis  que  les  clusters  et  pôles  de  compétitivité relèveraient plutôt d’une politique de reconquête industrielle. À côté des 71 pôles de  compétitivité mis en place à partir de 2005, les 23 PTCE apparaissent comme les vrais successeurs des SPL. 

Ils sont cependant très peu nombreux et bénéficient d’aides financières très limitées. 

 

Mais les conditions sont‐elles d’emblée réunies pour que les chefs d’entreprises de toutes tailles adhèrent à  cette politique d’innovation : « le facteur motivant les chefs d’entreprise à s’impliquer dans une démarche  de réseaux d’entreprises est dans un premier temps, l’obligation de réagir à un marché contraint pour  assurer leur survie ». La nécessité de se défendre l’emporte dans un premier temps sur l’esprit de  conquête, un peu comme dans la naissance des associations de personnes où la contestation et la lutte  contre un sentiment d’injustice l’emporte souvent, à l’origine, sur l’expertise et la capacité à proposer des  alternatives. 

 

Enfin le rapport donne quelques repères et enseignements pour l’analyse et le pilotage des nouvelles  formes de regroupement mises en place depuis maintenant une dizaine d’années. 

 

 Le nombre des adhérents et leur mobilisation : en 2008, les SPL comptent en moyenne une  cinquantaine  d’entreprises  membres,  parmi  lesquels  30 %  constituent  le  noyau  dur,  40 %  participent régulièrement… et 30 % sont inactifs. Ils associent majoritairement des entreprises de  moins de 50 salariés et 70 % ne comportent aucune entreprise de plus de 250 salariés. Autrement  dit, tous les membres ne sont pas actifs et les SPL s’appuient sur un petit nombre d’entreprises qui  ne sont pas épaulées par la présence de grands groupes. 

 L’importance stratégique de l’animation et de la stabilité des équipes qui en ont la charge : « Même  si l’émergence de réseaux d’entreprises et de coopérations s’inscrit dans une histoire et un contexte  propres au territoire d’ancrage, …, l’animation joue un rôle fondamental pour identifier, faire  connaître, convaincre,  mobiliser et accompagner les  entreprises dans la  conduite de  projets  collectifs ».  En  moyenne,  les  équipes  des  SPL sont  composées  de deux  personnes  mais  si  l’animation représente la moitié des budgets annuels, le salaire des animateurs reste très modeste, 

« ce qui pose la question de la qualification et de l’expérience des animateurs ainsi que celle du  turn‐over des équipes ». Les SPL qui se développent sont d’abord ceux dont l’animation est  soutenue de manière suffisante et pérenne. 

 Les étapes et le rythme de développement : « la coopération entre chefs d’entreprise ne se décrète  pas,  elle  se  construit  dans  la  durée  selon  des  niveaux  progressifs..  la  logique  de  club  (communication et échange), la mutualisation de moyens (veille, ressources humaines, achat), la  création  de  valeur  (R&D  innovation,  marketing  vente,  formation),  la  création  de  filiales  communes ». 10 à 15 ans apparaissent nécessaires pour effectuer ce parcours et s’affirmer comme  une structure parvenue à maturité. C’est à peine le temps qu’a duré le programme de soutien aux  SPL et ce n’est pas encore la durée d’existence des actuels clusters et pôles de compétitivité. Il  s’agit donc là d’un investissement qu’il faut maintenir sur le moyen terme si l’on veut en tirer des  bénéfices. 

 La pluralité des partenaires publics financeurs et les difficultés occasionnées par la nécessité  d’inscrire les actions par rapport aux orientations et grilles de lecture de chacun. Les données  présentées peuvent servir de point de comparaison pour analyser les modes de financement des  structures actuelles. En termes de recettes, « la part moyenne des contributions de l’Etat (toutes  sources confondues) est en moyenne de 19 % et apparaît en diminution en 2007 ; celle des Régions  de 23 %, apparaît stable ; celle des autres collectivités dépasse les 26 % et est en croissance ; celle  de l’Europe de 7 % est en décroissance de 13 % à 5 % ;  celle des entreprises est de 25 % et apparaît  stable ». Les sources de financement évoluent donc dans le temps en fonction des moyens  financiers des institutions, et évoluent avec elles les modalités de contrôle et les attentes de retour  sur investissement. Cela constitue inévitablement une difficulté pour le management de ces  structures.  

 La nécessité d’une structure de coordination orientée vers la capitalisation des expériences, la  construction des démarches et la constitution de partenariats avec les institutions environnantes :  l’action du Club des districts industriels français a permis la construction d’une communauté de  réseaux et de capitalisation des pratiques. On retrouvera dans les pôles de compétitivité et clusters  actuels les mêmes efforts de coordination et de partenariat. 

 

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